Dans la perspective de son 23numéro à paraître en juillet 2023, la revue Alternatives Humanitaires lance un appel à contributions pour son dossier qui sera consacré au thème dont le titre provisoire est « Droit international humanitaire : le grand retour… en arrière ? ». Si vous êtes intervenant·e, chercheur·euse ou observateur·ice du milieu humanitaire international, et souhaitez soumettre un projet d’article sur ce thème, merci d’adresser un résumé de votre problématique et un plan provisoire (2 pages maximum) avant le 13 janvier 2023, à l’adresse mail suivante : contact@alternatives-humanitaires.org Une réponse vous sera adressée le 20 janvier 2023 au plus tard.

L’article final – rédigé en français ou en anglais – devra être rendu avant le 22 mai 2023, le calibrage moyen se situant aux alentours de 15 000 signes, espaces compris (soit 2 400 mots environ). Six ou sept articles environ seront retenus dans le cadre de ce dossier.

Pour chaque numéro, nous étudions également les projets d’articles portant sur des thématiques en relation avec l’action humanitaire autres que celle du dossier, et qui trouvent place dans les rubriques « Perspectives », « Transitions », « Innovations », « Éthique », « Reportage » ou « Tribune ». Nous vous invitons à nous faire parvenir vos propositions.


Droit international humanitaire : le grand retour… en arrière ?

Un dossier/focus copiloté par Clara Egger, professeure à l’Université Erasme de Rotterdam,
avec Boris Martin, rédacteur en chef d’Alternatives Humanitaires

En clôture du premier Sommet humanitaire mondial (SHM) d’Istanbul en mai 2016, diplomates et chef·fes d’État s’accordaient sur l’objectif de « défendre les normes qui sauvegardent l’humanité ». Publié en amont de l’événement, le rapport du Secrétaire général des Nations unies faisait la part belle à la promotion du droit international humanitaire (DIH). Six ans plus tard, les remises en cause du DIH sont légion. De manière symptomatique, on remarquera qu’elles sont concomitantes avec des atteintes à l’ordre international libéral basé sur le droit. Surtout, et depuis de nombreuses années déjà, chercheur·euses et analystes concluent à la non-adaptation du DIH aux enjeux humanitaires contemporains et à l’évolution des conflits armés.

D’une part, après cinq ans de baisse consécutive de la violence des conflits armés, le nombre de victimes, notamment civiles, repart à la hausse. Les espoirs d’une trêve globale pendant la pandémie de Covid-19 ont rapidement été douchés par l’escalade de plusieurs conflits. La guerre en Ukraine est un rappel douloureux que les conflits interétatiques n’appartiennent pas au passé et qu’ils s’affranchissent toujours du respect du DIH. Le « dégel » du conflit dans le Haut Karabagh ou la revitalisation de celui, historique, grondant à la frontière sino-indienne montrent également que les civils font l’objet d’attaques délibérées et que des infrastructures indispensables à leur survie sont prises pour cibles par les belligérants. Qu’en sera-t-il demain si les menaces chinoises sur Taiwan étaient mises à exécution, Xi Jinping revendiquant plus que jamais que le corpus des droits humains ne s’applique pas en Chine ? Fait particulièrement cynique, digne d’un syndrome que l’on pourrait appeler du « Don’t look up », une rhétorique s’est mise en place qui – en Russie, mais aussi en Israël ou aux États-Unis – parle d’armées « moralement » exemplaires et revendiquent un fort respect du DIH. Et puisque celui-ci est également censé s’appliquer aux conflits opposant un État et des groupes organisés ou ces derniers entre eux au sein d’un même État, on rappellera que les populations civiles paient souvent le plus lourd tribut aux violences nées de conflits internes et/ou asymétriques. À cet égard, les données de l’Université d’Uppsala (Suède) sur la violence organisée révèlent que la dernière décennie a été la plus meurtrière. Mais quel que soit le contexte de fait et de droit dans lequel elle s’observe, cette résurgence de la violence dans un contexte de grande polarisation de la politique internationale rend particulièrement inaudible les actions de plaidoyer des acteurs humanitaires.

D’autre part, soucieuses de prendre en compte cette réalité, plusieurs voix issues du monde académique (Luis Rodriguez, Lauren Sukin), politique (voir la position de la France au Conseil de sécurité) ou humanitaire en appellent à la définition de nouvelles normes permettant une meilleure protection des civils en zone de conflit. Ainsi l’occupation par l’armée russe du site nucléaire de Zaporijjia a conduit de nombreux chercheurs et chercheuses à dénoncer la trop faible protection qu’offre manifestement le DIH contre le ciblage direct des centrales nucléaires ou leur dangereuse proximité avec des opérations de combat. Le développement technologique – via l’utilisation, par exemple, de drones ou de robots de combat – soulève aussi de nouveaux défis pour le DIH tout en ouvrant de nouvelles opportunités. Si ces appels à une évolution du DIH visent à renforcer la protection des populations civiles, ce qui ne peut être que souhaitable, ils impliquent aussi un grand risque de fragmentation et de politisation des normes de droit. En effet, la demande de création de nouvelles normes offre également l’opportunité aux gouvernements comme aux groupes armés de délaisser leurs engagements passés pour choisir la norme de droit la moins contraignante. L’expérience des débats autour du « droit d’ingérence humanitaire » rappelle que les bonnes intentions ne suffisent pas. En reformulant des normes déjà présentes dans la Charte des Nations unies et le DIH, la France a ouvert la porte à une forte politisation de la présence des travailleurs humanitaires en zone de crise.

Tels sont quelques-uns des principaux enjeux que ce nouveau Focus d’Alternatives Humanitaires se propose de discuter et d’analyser, notamment au regard des attentes que peuvent nourrir les acteurs humanitaires indépendants que sont les organisations non gouvernementales. Nous en appelons à des contributions qui, sans se limiter à des considérations juridiques, proposeront de mieux prendre la mesure de l’état des discussions sur le droit international humanitaire, des contraintes et des potentialités de ce dernier. Sans établir une liste exhaustive, les contributions pourront notamment porter sur les thématiques et questionnements suivants :

  • Quel état des lieux quant au respect du droit international humanitaire six ans après le Sommet humanitaire mondial ?
  • De quelle manière l’évolution des rapports de force internationaux en cours impacte l’architecture et la mise en œuvre du DIH telle qu’il a été construit par les Conventions de Genève et tous les textes intervenus depuis ?
  • Est-il possible d’identifier des projets plus ou moins concertés de remise en cause du DIH ? D’où émergent-ils et par quelles logiques politiques sont-ils guidés ?
  • Quels sont les défis que posent l’évolution de la violence organisée (guerre civiles, conflits inter-étatiques et violence urbaine) et le développement des technologies militaires pour le respect du DIH ?
  • Comment les pratiques traditionnelles de protection ont-elles évolué pour s’adapter à ce développement technologique ?
  • Quels impacts croisés peuvent être identifiés entre l’affaiblissement du DIH contre lequel s’est positionné le Secrétaire général des Nations unies et l’agenda de localisation de l’action humanitaire également lancé au SHM de 2016 ?
  • Les ONG humanitaires ont-elles un rôle à jouer dans la défense du DIH ?

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