La revue Alternatives Humanitaires lance un appel à contributions pour le dossier de son 28e numéro, à paraître en mars 2025 et qui sera consacré au thème : « Comprendre la crise de l’humanitaire à l’ère du changement climatique » (titre provisoire). Si vous êtes travailleur.euse ou chercheur.euse dans le domaine de l’humanitaire et que vous souhaitez soumettre un projet d’article sur ce sujet, merci d’envoyer un résumé de votre problématique ainsi qu’un plan provisoire (deux pages maximum) avant le 4 octobre 2024, aux adresses mail suivantes : contact@alternatives-humanitaires.org et fernando.espada@savethechildren.org. Une réponse vous sera adressée au plus tard le 18 octobre 2024.
Les articles finalisés — rédigés en français ou en anglais — devront être soumis avant le 31 janvier 2025 et compter autour de 2 200 mots (en anglais) ou 2 400 mots (en français), notes de bas de page comprises. Sept à huit articles environ seront retenus pour ce Focus.
Pour chaque numéro, nous étudions également les articles en lien avec l’action humanitaire qui explorent d’autres sujets que celui proposé dans le dossier. Ils pourront être publiés dans les rubriques « Perspectives », « Transitions », « Innovations », « Éthique », « Reportage » ou « Tribune ». Nous vous invitons à nous faire parvenir vos propositions.
Comprendre la crise de l’humanitaire à l’ère du changement climatique
Un dossier Focus copiloté par Fernando Espada – responsable des affaires humanitaires de l’ONG Save the Children et collaborateur de l’institut de recherche Alameda – et Clara Egger – professeure à l’Université Erasmus de Rotterdam, membre du Comité de rédaction –, avec Boris Martin, rédacteur en chef
Que l’on parle de « l’âge des crises »[1] Organisation de Coopération et de Développement Économiques, États de fragilité 2022, Éditions OCDE, 2022, https://www.oecd-ilibrary.org/fr/development/etats-de-fragilite-2022_65c2c30f-fr , de polycrise ou de permacrise pour la désigner, l’époque que nous vivons est désormais communément appréhendée comme un épisode sans précédent, fait d’instabilité et d’incertitudes. Le mot « crise » est régulièrement brandi dans toutes les facettes de nos vies, ce qui reflète l’usage excessif qui en est fait ainsi que la manipulation de son rôle. Les crises sont envisagées comme des événements perturbateurs auxquels il faut faire face ou mettre un terme, un par un, afin de retrouver ordre et normalité, ou même des mécanismes qui alimentent les peurs et provoquent une réaction contre ce qui constitue une menace potentielle. Rarement les crises sont pensées comme des preuves que notre présent n’est ni viable, ni empreint d’égalité. Lorsque tout est crise, quel sens donner à ce mot ?
C’est dans ce contexte que le changement climatique offre une occasion de revisiter la signification et la fonction des crises dans nos sociétés et, spécifiquement, dans le cadre de l’action humanitaire. Les preuves scientifiques de l’accélération du dérèglement climatique, de la destruction des écosystèmes et du nombre croissant de personnes directement affectées par des événements climatiques nous suggèrent que le monde se trouve à l’aube d’une mutation de taille. Le consensus est tel que les termes « changement climatique » et « crise climatique » sont devenus interchangeables.
Alors que, depuis des décennies, les organisations humanitaires observent, se préparent et agissent face aux impacts des événements liés au changement climatique, la récente « crisification » de ce dérèglement semble conférer au dispositif humanitaire un rôle central dans la réponse à apporter. En 2019, l’Aperçu de la situation humanitaire mondiale, publié par le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs – OCHA en anglais), soulignait le coût humain élevé du dérèglement climatique. C’est en 2022 que s’opérait une bascule dans le vocabulaire utilisé, le rapport stipulant que « l’urgence climatique » constituait un facteur multiplicateur de menaces et que l’action humanitaire devait s’adapter aux réalités des perturbations climatiques. Cela traduit l’évolution graduelle de l’intérêt porté à ce sujet au sein du monde humanitaire ces dernières années. Malgré tout, l’implication des intervenants du secteur dans cette problématique peine à prendre un essor rapide et à se développer à grande échelle. Les organisations humanitaires semblent avoir intégré le dérèglement climatique dans leurs processus existants – structures analytiques, planification, méthodes de travail – sans aller jusqu’à admettre que la nature de la crise climatique requiert potentiellement une réforme fondamentale de leur mission, de leur rôle et de leur vision du monde. Cela transparaît clairement dans la façon dont la question du changement climatique a été abordée lors des processus de réforme de l’humanitaire : par un assortiment d’alertes sur l’impact humanitaire de la crise climatique, un certain déni de l’urgence manifeste, une apparente réticence à remettre en cause le statu quo et de vagues engagements à collaborer avec d’autres acteurs. En somme, c’est une perpétuation paradoxale de dynamiques ancrées de longue date et qui régissent les initiatives de réforme de l’humanitaire depuis des décennies.
Si l’on considère que la « crise » est le contraire de la « normalité » et que, du fait de leur rôle, les intervenants de l’humanitaire doivent accepter cette dualité, les limites pratiques et conceptuelles de l’humanitaire se font jour lors d’une crise à l’échelle planétaire. Quel sens portera le terme « crise » lorsque les impacts du dérèglement climatique s’intensifieront ? Qu’implique le fait d’appréhender la crise climatique comme une crise humanitaire ? À quoi correspond « l’état normal » que les acteurs humanitaires chercheront à rétablir dans des contextes de crise ? Comment l’association entre système humanitaire, ordre libéral mondial et multilatéralisme (en crise lui aussi) influencera-t-elle les approches de la crise climatique ?
Le Focus « Comprendre la crise de l’humanitaire à l’ère du changement climatique » inclura des contributions multidisciplinaires exposant différentes perspectives portant sur les approches actuelles de la notion de crise par les acteurs humanitaires, et sur les options futures permettant de réformer le dispositif humanitaire en tenant compte des défis imposés par le changement climatique. Pour ce Focus, nous réserverons le meilleur accueil aux contributions s’attachant à situer les cadres rhétoriques de la crise humanitaire dans un débat théorique et politique plus large, en les reliant à la pratique de la réponse aux crises et de leur gestion. Ce Focus apportera un éclairage complémentaire au thème du numéro 11 d’Alternatives Humanitaires publié en 2019[2]https://www.alternatives-humanitaires.org/en/parution/issue-11-july-2019 (« Changement climatique : comprendre, anticiper, s’adapter »).
Nous souhaitons recevoir des articles originaux, rédigés par des professionnels de l’humanitaire, des experts et des universitaires, et qui abordent des questions telles que :
- l’histoire de l’expression « crise humanitaire », les définitions et les usages qui en ont été faits au fil du temps, ainsi que la façon dont ceux-ci ont modelé – ou ont été modelés par – les évolutions dans le dispositif humanitaire et au-delà (y compris par des problématiques et des acteurs en lien avec l’environnement et le dérèglement climatique) ;
- la rencontre des acteurs de l’humanitaire avec le changement climatique, notamment au regard de ce qu’implique la transformation de la crise climatique en crise humanitaire ;
- l’impact des défis actuellement rencontrés par l’ordre libéral mondial et le multilatéralisme sur la façon dont les crises sont comprises et abordées par les acteurs humanitaires ;
- les compréhensions alternatives de la notion de crise à l’ère du dérèglement climatique, notamment au regard des possibilités de réforme du système humanitaire ;
- les options et les obstacles rencontrés par le dispositif humanitaire pour se connecter à la protection de la vie humaine avec le monde naturel, aux questions environnementales et au changement climatique.
Traduit de l’anglais par Floryse Atindogbe