Afin de poursuivre sa mission de susciter le débat entre chercheurs, représentants de la société civile et acteurs institutionnels en cette période de crise sanitaire, la Fondation Croix-Rouge française a créé un nouvel événement en visioconférence, « L’Instant recherche ». Permettre la rencontre et le dialogue entre des spécialistes engagés, favoriser un échange ouvert, libre et exigeant, où la diversité des savoirs, des pratiques et des principes permet l’émergence de modèles innovants est aujourd’hui une nécessité.
Le regard sur l’action humanitaire locale a changé depuis le début du XXIème siècle. L’objectif de parvenir à une réponse plus locale et décentralisée aux besoins humanitaires est apparu dans l’agenda politique comme une réponse possible aux problèmes auxquels se heurte l’humanitaire international aujourd’hui, et à la nécessité de le réformer. Le rapport du Secrétaire général du Sommet humanitaire mondial de 2016, et le Grand Bargain qui en résulta, avaient appelé à des réponses « aussi locales que possible, aussi internationales que nécessaire », le système humanitaire international s’engageant davantage à investir dans la capacité des organisations locales à travailler en complément avec les homologues internationaux.
La « localisation de l’aide » est généralement définie comme un processus collectif des différentes parties prenantes du système humanitaire (donateurs, organismes des Nations Unies, ONG) qui vise à ramener les acteurs locaux (autorités locales ou société civile) au centre du système humanitaire avec un rôle plus important et plus central. En plus de permettre une réponse humanitaire plus efficace et performante, l’objectif à long terme de la « localisation » est de renforcer la résilience des communautés touchées par la crise en établissant des liens avec les activités de développement.
Concrètement, sur le terrain certains acteurs humanitaires internationaux développent des modèles opérationnels inédits (en matière de partenariat, transfert de compétences, accès aux financements, ressources humaines, gouvernance, etc.), ou de fortes innovations dans la réponse aux besoins des populations affectées, tels les transferts de cash, afin d’être plus efficaces. D’autres acteurs travaillent désormais à identifier des solutions de financement innovantes visant à renforcer les interventions humanitaires menées localement.
Cependant, il y a peu de consensus sur ce que signifie une réponse véritablement « locale », en théorie ou en pratique, et il y a très peu d’incitations à la promouvoir au sein d’un système enclin à la centralisation structurelle et culturelle. En conséquence, les initiatives allant dans ce sens, même si elles montent en puissance, demeurent marginales et les premières leçons tirées du débat sur la « localisation », ou encore la « fragmentation » de l’aide, montrent la vivacité de la discussion sur la façon dont l’articulation des deux dimensions « globales » et « locales » du système de solidarité internationale se traduit sur le terrain en termes d’efficacité, de coordination des aides extérieures avec les dispositifs d’aide intérieurs, et d’adéquation de l’aide avec les besoins des populations.
Les travaux des spécialistes en sciences humaines et sociales permettent de comprendre les obstacles et perspectives d’une action dirigée localement et de proposer des pistes de réforme de la réponse humanitaire contemporaine.
La deuxième édition de « l’Instant recherche » de la Fondation réunira des chercheurs en science politique, anthropologie et criminologie sur le thème « Le regard des sciences sociales sur une action humanitaire locale ». Ils discuteront notamment du rôle des sciences humaines et sociales dans la compréhension et transformation du secteur humanitaire international.
- Comment les grandes mutations de l’humanitaire ont-elles fait naître ce débat sur une action humanitaire locale ?
- Quel bilan tirer des appels pour une action plus « locale », et comment l’expliquer ?
- Concrètement, comment réconcilier local et global, notamment dans les contextes d’humanitaire durable ?
- Comment les chercheurs peuvent-ils intervenir dans les débats sur l’avenir de l’humanitaire et encourager des réformes ?