Médecins Sans Frontières (MSF) peut-elle s’afficher tout à la fois comme secouriste, experte et militante ? Alors que l’organisation n’a jamais semblé autant en pointe sur les effets de la « crise migratoire », la question continue d’interroger en interne, et notamment au sein de sa section française. C’est tout le mérite de Michaël Neuman – et sa fonction même au sein du Centre de réflexion sur l’action et les savoirs humanitaires (Crash) – que de mener cette réflexion.
Alors qu’elle avait délaissé les terrains européens, et notamment français, depuis quelques années, la section française de Médecins Sans Frontières – dans laquelle je travaille et qui sera seule l’objet de cette analyse – les a réinvestis. À partir de l’été 2015, elle a en effet démarré des projets d’aide à destination des populations migrantes en Grèce ainsi que dans le Nord de la France, puis progressivement dans d’autres régions du pays[1]Pour extérieurs qu’ils soient à cet espace européen, les projets ouverts en Libye et au Niger s’y rattachent aussi très directement.. Ces décisions successives n’ont toutefois pas été prises sans discussion, des voix puissantes au sein de l’association se faisant rapidement entendre pour souligner les risques que ces programmes lui feraient courir. Cette crainte tenait en partie à la mémoire entretenue à propos de l’activité opérationnelle de MSF en France et aux pratiques – des « dérives » pour certains – militantes de l’association dans les années 1990. Était également soulignée l’absence de « besoins médicaux » des populations concernées.
Ainsi les opérations déployées ont-elles été mises en place dans un climat parfois teinté de scepticisme. Celui-ci enjoignait aux responsables des projets de réfléchir au positionnement public et opérationnel que devait revêtir une intervention dans un pays riche – qui plus est base sociale de l’organisation – auprès de populations dont les besoins nécessitaient une révision en profondeur de ses modes opératoires et qui allaient nécessairement s’accompagner de prises de positions politiques parfois radicales. C’est à la compréhension de cette articulation parfois difficile entre contraintes opérationnelles et positionnement politique que je m’essaierai ici, en tentant de décrire et d’analyser comment la question migratoire a constitué un choc pour l’organisation de secours.
Du passé faisons table rase ?
À ce stade, il me semble important d’expliquer pourquoi de cette discussion j’exclus ce qui a construit MSF et sa légitimité, à commencer par son travail auprès des populations réfugiées dans les camps, en Asie du Sud-Est d’abord, en Amérique centrale et en Afrique ensuite. MSF avait pris sa part dans la mise en cause des appareils totalitaires des pays du bloc de l’Est en relevant que l’immense majorité des réfugiés fuyaient précisément ces pays. Et c’est sur fond de controverse sur la question du secours des « boat people » de la mer de Chine que fut signée la scission entre membres fondateurs de Médecins Sans Frontières. De même, les interpellations publiques sur le sort des réfugiés par les États occidentaux ne datent pas de ces dernières années : ancien président, Rony Brauman publiait ainsi en 1990 un article dans lequel il témoignait de la perte de puissance de l’image du réfugié dans la conscience collective et politique dès après la chute du mur de Berlin[2]Rony Brauman, « Réfugiés, Go Home ! », Politique Internationale, n° 47, printemps 1990.. Si la résonnance sociale de la question migratoire n’est pas la même en 2019 qu’en 1990, la permanence des enjeux est confondante. Enfin, l’expérience de MSF avec les populations migrantes en Europe ne remonte pas non plus à 2015. Début 1983, alors que le Nigeria expulsait environ deux millions de migrants africains, « refoulés à coups de cravache et de bâton », selon les termes de Rony Brauman, celui-ci décrivait ainsi leur situation dans son rapport annuel : « Les deux équipes de MSF arrivées par le Togo ne peuvent que le constater. Épuisés, paniqués, les expulsés ne présentaient cependant pas de problèmes médicaux particuliers . À l’évidence, il s’agissait là d’une situation qui dépassait de très loin les possibilités d’une organisation comme la nôtre et, sur le plan technique, le rôle joué par cette mission restait très modeste. » Il concluait en mettant en valeur « la nature de notre intervention, dérisoire peut-être, et pourtant chargée de sens : celui d’une certaine fraternité envers ces hommes plongés dans la misère et l’humiliation ». Toute ressemblance avec l’époque contemporaine n’est évidemment pas fortuite.
Le choix de limiter cette analyse à la période récente et aux migrations faisant débat à l’intérieur de l’espace européen est donc partiellement arbitraire. Il se justifie très précisément par le cadre européen dans lequel elles prennent place et la relation particulière qui lie MSF aux sociétés des pays dont elle est issue.
MSF en France : une longue histoire
Démarrée en 1987, la Mission Solidarité France naît dans le contexte de la découverte d’une « nouvelle pauvreté », à la suite du rapport Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde. C’est face au choc de personnes à la rue en bas de chez eux que des médecins de MSF décident de se mobiliser, révélant que le principe d’impartialité auquel elle se raccroche souvent n’est pas très utile pour comprendre les mécanismes d’allocations de ressources de l’association.
Pour MSF, c’est également dans le contexte d’une compétition avec Médecins du Monde (MdM), qui a démarré sa « Mission France » en 1986 et plus marginalement d’une concurrence entre organisations françaises voyant une nécessité autant qu’une opportunité de lever de fonds, qu’il faut comprendre la mise en place d’activités dans l’hexagone.
MSF développe alors des activités de soins gratuits, de dentisterie ou de prévention du saturnisme. L’association se donne pour objectif d’alerter les pouvoirs publics français sur les carences en matière d’accès aux soins pour la population, française ou étrangère, la plus précaire. La mission s’appuie sur un dispositif opérationnel léger, formé d’un petit nombre de centres de soins : il s’agit d’en avoir assez pour récolter de la matière et être légitime à produire un message politique, mais pas trop pour ne pas donner l’impression de se substituer à l’État.
Quelques années plus tard, en 1994, Philippe Biberson, alors président de l’association, justifiait l’intérêt accordé par MSF à la question de la mise en place des lits infirmiers « en tant que médecins français et en tant qu’organisation médicale active sur le terrain français » : l’intervention en France bénéficie donc d’une certaine manière d’un régime d’exception, du fait de sa proximité avec sa base sociale et de l’idée que l’association se fait du rôle de l’État en Europe et en France en particulier.
Ces efforts sont produits en partenariat avec des collectifs et d’autres associations, dont MdM. C’est ainsi que la mobilisation contre les expulsions d’étrangers sans papiers atteints de pathologies lourdes se fait au sein d’un collectif de trente-cinq associations. MSF travaille également avec les ministères à l’élaboration des projets d’aide médicale gratuite (1991, gouvernement Cresson) et autour du concept de « droit universel à l’assurance maladie » (1995, gouvernement Juppé).
En octobre 1996, un projet « d’accueil social et de soutien juridique aux personnes étrangères résidant en France » est soumis au vote du conseil d’administration de l’association du fait de son caractère « non médical et inhabituel », et pour tout dire, exceptionnel. Il s’agit de montrer « notre rupture avec le caritatif ». Des membres de l’association participent à des manifestations visant à empêcher des expulsions. Le travail d’accompagnement de la Couverture maladie universelle (CMU) à partir de 1997 le confirmera : MSF a bien quitté la figure exclusive du secouriste. Experte auprès des cabinets ministériels comme des militants de la cause de l’accès aux soins des étrangers, MSF a changé de visage. L’adoption de la CMU en 1999 marquera l’apogée d’un programme porté en interne par des personnalités déterminées, elles-mêmes soutenues par l’institution et animées d’un projet politique particulier : une croyance dans un service public fort au service de tous. Deux traits supplémentaires au moins caractérisent la mission : une volonté de se confronter aux politiques publiques et un travail constant de partenariat avec d’autres associations, des membres du corps politique, syndicats comme institutions.
Après l’apogée, le déclin
En mai 2005, lorsqu’il évoque les programmes d’accès aux soins et d’exclusion, dont la désormais « Mission France », le président de l’association Jean-Hervé Bradol affirme : « Nous n’arrivons pas à conduire une action de qualité dans la durée nécessaire sur des questions aussi complexes . Le “progrès social” relève principalement de l’action politique et sociale et non de l’action humanitaire[3]Médecins Sans Frontières, Rapport moral du président pour l’année 2004, Assemblée générale 2005.. »
La Mission France n’est pas pour autant fermée. Un projet destiné à fournir des soins psychologiques aux demandeurs d’asile non francophones, déboutés ou non, s’ouvre à Paris en 2007, et ce malgré l’opposition du président de l’organisation. Dans le contexte du sarkozysme montant puis victorieux, il ne fait guère de doute que pour certains de ses promoteurs, le projet permettrait de se muer en outil d’opposition à la politique d’immigration menée par le nouveau gouvernement et, au-delà, par les gouvernements européens. Mais l’initiative est mal née et, pour ne pas prêter le flanc aux accusations de militantisme, les équipes renoncent en partie aux actions publiques qui avaient marqué les projets précédents.
Le positionnement de l’organisation est d’autant plus précaire que le gouvernement opère une distinction de plus en plus nette entre les « bonnes » organisations, humanitaires, inscrites dans l’assistance, et les « mauvaises » organisations, militantes et politiques. Si les États européens, la France en tête, sont bien décidés à ne pas laisser mourir les populations migrantes, ils délégitiment toute action politique développée pour les soutenir : il n’y a donc de place que pour l’action sanitaire.
Le projet n’est plus porté collectivement, les tensions entre les équipes du projet et les responsables au siège sont importantes. S’y mêlent en outre des désordres dans la gestion administrative de la mission. Peu mobilisée par la faible activité du projet et convaincue que personne ne mourra quand bien même elle l’interromprait, la direction opérationnelle décide de fermer la mission, ce qui est fait au cours de l’année 2012. En revanche, d’autres sections MSF, en particulier grecque, belge, italienne et espagnole maintiendront sur leur sol ou en Afrique du Nord et de l’Ouest des opérations de secours aux populations migrantes.
La renaissance
C’est à l’été 2015, face aux images d’exode des réfugiés dans la région des Balkans que MSF se voit contrainte de réamorcer une réflexion sur ses opérations et son rôle dans le contexte européen. Un peu plus tôt, la section hollandaise avait lancé avec l’ONG Migrant Offshore Aid Station (MOAS) une opération de secours en mer Méditerranée, avant d’être rejointe par la section belge qui lance sa propre opération de sauvetage. Pour la section française, qui assume alors de se faire un relais puissant de l’opération, c’est une façon de reprendre pied sur la question. Quand les mouvements de population prennent la dimension qu’on leur connaît, elle réalise qu’il faut s’y lancer pleinement.
Les souvenirs de la fermeture difficile de la Mission France, sommes toutes récente, sont encore dans toutes les têtes. Et avec elle, ces deux questions : d’abord quelle réponse apporter alors que les personnes qui se déplacent ne sont pas, pour la plupart, malades et que MSF juge sa « valeur ajoutée » faible ? Ne risque-t-on pas, ensuite, de faire de la « politique » – un mot qui pour certains est incompatible avec le principe de neutralité dont l’association se réclame ?
Aux deux questions – celle du service médical fourni et celle, finalement, de la prise de parole –, c’est une réponse sommaire qui est apportée : on y va, et on verra après. De fait, beaucoup estiment qu’on ne peut pas ne pas y aller et, qu’en plus, c’est « chez nous » : une manière d’admettre en creux, et comme leurs prédécesseurs des années 1980, que les problèmes ici nous touchent différemment. Au terme de discussions animées – une partie importante des dirigeants opérationnels estime toujours que la place de l’association n’est pas là, et que c’est trop « risqué » –, des missions d’évaluation sont lancées en Grèce, dans les Balkans et dans le Nord de la France.
Ce faisant, l’organisation ne fait qu’acter ne pas être en dehors de sa propre société : il devenait incompréhensible, en interne comme vis-à-vis de l’extérieur, de ne rien faire, alors que les colonnes de réfugiés et les gilets de sauvetage orange étaient sur tous les écrans. En ce sens, le choc de la migration pour MSF est d’abord celui ressenti par la société française. Mais les questions demeurent.
La mutation
Opérationnellement, MSF doit se réinventer. Le type d’aide à apporter aux migrants et réfugiés constitue en effet une question récurrente pour l’association : dans son inconscient collectif, MSF valorise avant tout les actions visant à diminuer la mortalité. Or en Grèce, en Italie ou en France, les personnes qui ont entamé la difficile remontée vers l’Europe du Nord sont, à bien des égards des « survivants ». Il s’agit en majorité d’hommes en bonne forme physique et en bonne santé. Souvent, les besoins médicaux sont liés à de petites blessures, des maladies de peau, parfois à la prise en charge de maladies chroniques quand, pour les femmes, il s’agit d’accouchements ou de suivis de grossesses. Beaucoup expriment ou dénotent des besoins de santé psychologiques et psychiatriques, liés tout autant aux traumatismes des expériences passées et des voyages qu’au manque de perspectives dans lequel les personnes sont laissées[4]Pia Juul Bjertrup et al., “A life in waiting: Refugees’ mental health and narratives of social suffering after European Union border closures in March 2016”, Social Science & Medicine, … Continue reading. Bien sûr, certaines sont plus vulnérables en termes de santé, mais dans leur course éperdue vers l’asile, ce sont avant tout les besoins matériels, les demandes d’information, d’aides sociales ou juridiques qui s’avèrent les plus prégnantes. Quant à construire un camp, comme à La Linière, ce n’est pas non plus le quotidien de MSF, contrairement à certaines idées reçues[5]Voir Franck Esnée et Mickaël Neuman, « Mise à l’abri, hospitalité ou accueil des réfugiés : les ambiguïtés irrésolues du camp de La Linière », Alternatives Humanitaires, n° 5, … Continue reading.
La révolution à accomplir est assez simple à définir : centrer la politique des secours sur l’autonomie des personnes[6]Ċetta Mainwaring, “Migrant agency: Negotiating borders and migration controls”, Migration Studies, vol.4, n°3, 1 November 2016, p.289-308, https://doi.org/10.1093/migration/mnw013, leur rendre des services qui soient utiles à leur voyage. Et donc faire autre chose, comme de la protection en Libye ou de l’accompagnement aux démarches en France, un coût par usager qui s’avère assez élevé. Si le témoignage sur « ce qu’on voit » fait à peu près consensus, il est toujours difficile d’aller plus loin : comment entrer dans le débat migratoire sans être prescriptif ? De quelle expertise se réclamer ? Plutôt à l’aise sur le champ de l’asile, l’association l’est beaucoup moins lorsqu’elle se confronte à la question de la migration. Et de l’expertise, le risque est grand de tomber sur une cote de militant mal taillée. C’est ainsi que le concept volontairement flou de safe passage, mettant avant tout l’accent sur les dangers que font peser les politiques actuelles sur les personnes, a été préféré à d’autres.
Mais ce flou révèle l’inconfort de MSF. Il sera partiellement dissipé au fur et à mesure de la confrontation de l’association à la réalité, d’une part, et de l’exposition à des productions scientifiques d’autre part. En effet, les projets mis en place en Grèce, en France et en Libye permettent progressivement de prendre la mesure de la violence engendrée par les politiques migratoires mises en place autour du bassin méditerranéen, et des moyens modestes dont l’association dispose pour les contester et y répondre. En outre, les travaux de sciences humaines et sociales – je pense notamment aux travaux de Karen Akoka sur la construction de la figure du réfugié[7]Voir notamment Karen Akoka, « Crise des réfugiés, ou des politiques d’asile ? », La Vie des idées, 31 mai 2016., de Charles Heller et Lorenzo Pezzani sur les secours en mer[8]Voir Lorenzo Pezzani and Charles Heller, “Liquid Traces”, 2014, “Death by Rescue”, 2016 ou “Mare Clausum”, 2018. ou du programme de recherches Babels[9]https://anrbabels.hypotheses.org – permettent d’enrichir et de confronter les analyses produites par l’association.
C’est grâce à ce plus grand confort intellectuel et une expérience opérationnelle plus conséquente que l’institution peut prendre la parole et s’affranchir de la prudence jusqu’ici observée. Elle s’affirme experte et prend des positions qui la placent résolument dans l’opposition aux pratiques des États.
Entre subversion et équilibre : une recherche permanente
Pour autant, la représentation de la migration a fait l’objet de nombreuses discussions et initiatives. Le mouvement MSF s’est rapidement fait connaître par son compte Twitter @MSF_Sea, consacré au suivi des opérations de secours en mer. Mais la répétition des images de sauvetages et de « sauveurs » européens et souvent blancs, remarquablement télégéniques et déséquilibrées, a vite paru insatisfaisante et insuffisante. MSF est allée chercher du côté des parcours de vie (sur une page Facebook dédiée, Voices from the Road[10]https://www.facebook.com/MSF.VoicesFromTheRoad/, dont l’objet a été dès 2015 de ramener des récits de vie ou d’expérience de migrants) et de partenariats avec des photographes (ce fut le cas de Bruno Fert pour le projet « Itinéraires intérieurs [11]https://www.msf.fr/evenements/exposition-photo-itineraires-interieurs-a-paris »).
D’autres initiatives se voulant très innovantes furent également développées. C’est ainsi que MSF a produit une websérie de six épisodes, Johnny Hunter[12]https://jenesuispasjohnny.msf.fr/page/episode?pageId=2 – production qui fit l’objet d’une importante controverse interne, certains la jugeant vulgaire ou inappropriée. Ces modes d’expression de la parole publique de MSF n’ont cessé d’être associés à des prises de paroles publiques institutionnelles critiques[13]https://www.msf.fr/eclairages/assistance-aux-personnes-en-migration ou plus personnelles (ce fut le cas par exemple avec une lettre ouverte adressée en mon nom propre aux parlementaires de La République En Marche en juin 2018[14]Michaël Neuman, « Secours en mer, Libye et politique migratoire : Lettre ouverte aux député.e.s LREM », Blog de Médiapart, 30 juin 2018, … Continue reading, une tribune de Jean-Hervé Bradol et une autre de Rony Brauman, tous deux directeurs d’études au Crash[15]Jean-Hervé Bradol, « De l’État passoire à l’État passeur », Le Monde, 10 septembre 2018, https://www.msf-crash.org/fr/publications/de-letat-passoire-letat-passeur; Rony Brauman, … Continue reading).
Nous ne sommes jamais plus entendus publiquement que lorsque nous menons des opérations de secours efficaces, utiles, et un peu subversives. Et en l’occurrence, malgré de très notables exceptions, nous n’avons été que peu entendus. Les opérations de sauvetage en mer ont ainsi, à partir du printemps 2015, répondu aux naufrages, tout autant qu’elles ont illustré le déficit considérable de capacités d’intervention. Elles se sont poursuivies jusqu’en 2018, notamment avec la mise en place d’un partenariat de la section hollandaise de MSF avec l’association SOS Méditerranée, après que celle-ci ait interrompu sa collaboration avec Médecins du Monde. Ces opérations ont permis d’accroître la pression sur les États. Tout comme la mise en place du camp de migrants à Grande-Synthe[16]Voir notamment le film documentaire La Ville Monde réalisé par Antarès Bassis (production Les films du Balibari), www.balibari.com/films/la-ville-monde-the-world-city/ fait sans doute partie de cette catégorie d’activités ayant permis une amélioration significative de la qualité de vie de la population ciblée et une modification du rapport de forces avec les autorités nationales, contraintes d’accepter un camp officiel sur le territoire national.
Ces derniers temps, le durcissement accéléré des pratiques politiques en Europe a relancé les discussions sur le positionnement de MSF. Confrontée depuis 2017 et plus encore depuis l’arrivée de Matteo Salvini au ministère de l’Intérieur en 2018 au durcissement croissant des politiques nationales, la section italienne a ainsi largement partagé ses questionnements, dans un contexte de harcèlement judiciaire et de baisse des dons. Des tensions persistent entre un exécutif qui peut paraître soucieux de préserver ses opérations et de ne pas s’aliéner sa base sociale et ses donateurs, et une base associative, notamment au sein du conseil d’administration, parfois plus portée au militantisme. Pour l’heure, la section française s’est épargnée de telles discussions, mais au regard de l’évolution des discours politiques, rien n’interdit de penser que cela pourrait être le cas rapidement.
Ce texte inédit est tiré d’une intervention prononcée par l’auteur lors du colloque « Documenter les expériences du “choc de la migration” », université de Poitiers, 7-9 novembre 2018.
ISBN de l’article (HTML) : 978-2-37704-464-1