L’océan arrive

Alessio Paduano
Alessio PaduanoAlessio Paduano est né à Naples en 1984. Il étudie un an à Paris à l'université Paris VII – Denis Diderot grâce à une bourse. En 2007, il collabore en tant que rédacteur et photographe avec divers journaux italiens. En 2009, il est diplômé en sociologie à l’Université de Naples Federico II, obtenant une thèse en journalisme. La même année, il obtient son inscription à l’Ordre national des journalistes en Italie et sa carte de presse. En 2010, il étudie le photojournalisme à l’Académie des Beaux-Arts de Naples. Certaines de ses photographies ont été exposées à travers le monde : Palazzo delle Arti di Napoli, Castel dell’Ovo, Bibbiena biennial et Photolux Festival (Italie), Visa pour l’image (France), Palm Springs Photo Festival (Californie), Musée historique (Bosnie-Herzégovine), Tel Aviv Photo Fair (Israël), ICA Space (Japon). Certains de ses clichés ont été publiés dans de grands journaux et magazines nationaux et internationaux dont Time, The New York Times, The Wall Street Journal, National Geographic, Stern, Der Spiegel, El País, Le Monde, Paris Match, Newsweek, The Guardian, Internazionale et La Stampa, ou repris dans des médias télévisés (CNN, BBC, Bloomberg). Son travail a été récompensé à plusieurs reprises, par exemple : Prix Krzysztofa Miller en 2021, Kolga Tbilisi Photo Award en 2021, Picture of the Year en 2019, Siena International Photo Awards en 2019. Alessio Paduano était sur place, en février 2023, lorsque la terre a tremblé en Turquie et en Syrie, une catastrophe transfrontalière en somme, dans une zone à haute sensibilité géopolitique. Il en a ramené ces clichés forts et sensibles qui donnent non seulement à voir l’impact d’un séisme, mais aussi la mobilisation des secours et la détresse des survivants. Ce faisant, il nous donne l’opportunité de revenir sur un événement qui continue de dérouler ses effets, alors que la terre a – pour le moment – cessé de trembler, mais qui est désormais passé sous les radars de l’actualité. Conserver la mémoire, c'est bien l’une des vertus de la photographie.  
Vue du ciel de la « Langue de Barbarie » à Saint-Louis au Sénégal, le 14 décembre 2023. La « Langue de Barbarie » est une fine presqu’île de sable située à l’ouest du Sénégal, où vivent près de 80 000 personnes, et qui représente l’une des zones les plus menacées par l’augmentation du niveau de la mer, causée par le dérèglement climatique. La péninsule se trouve entre l’océan Atlantique et l’embouchure du fleuve Sénégal.

Nous avions découvert le travail d’Alessio Paduano l’année dernière, à l’occasion du reportage qu’il avait effectué en Turquie, après le séisme ayant frappé la zone frontalière avec la Syrie, le 6 février 2023[1]Alessio Paduano (avec un texte de Sophie Alary), « Quand la terre tremble », Alternatives Humanitaires, n° 23, juillet 2023, p. 114-135, … Continue reading. Ce sujet a récemment obtenu le Prix du meilleur reportage du Kolga Tbilisi Photo 2024.
Alessio Paduano est né à Naples en 1984. Il étudie un an à Paris à l’Université Paris VII – Denis Diderot grâce à une bourse. En 2007, il collabore en tant que rédacteur et photographe avec divers journaux italiens. En 2009, il est diplômé en sociologie à l’Université de Naples Federico II, obtenant une thèse en journalisme. La même année, il obtient son inscription à l’Ordre national des journalistes italien et sa carte de presse. En 2010, il étudie le photojournalisme à l’Académie des Beaux-Arts de Naples. Certaines de ses photographies ont été exposées à travers le monde : Palazzo delle Arti di Napoli, Castel dell’Ovo, Bibbiena biennial et Photolux Festival (Italie), Visa pour l’image (France), Palm Springs Photo Festival (Californie), Musée historique (Bosnie-Herzégovine), Tel Aviv Photo Fair (Israël), ICA Space (Japon). Certains de ses clichés ont été publiés dans de grands journaux et magazines nationaux et internationaux dont Time, The New York Times, The Wall Street Journal, National Geographic, Stern, Der Spiegel, El País, Le Monde, Paris Match, Newsweek, The Guardian, Internazionale et La Stampa, ou repris dans des médias télévisés (CNN, BBC, Bloomberg). Son travail a été récompensé à plusieurs reprises, par exemple : Prix Krzysztofa Miller en 2021, Kolga Tbilisi Photo Award en 2021, Picture of the Year en 2019, Siena International Photo Awards en 2019.
Alessio Paduano nous rapporte ces images du Sénégal, pays touché par le dérèglement climatique (réchauffement planétaire et fonte des glaciers) et où l’augmentation du niveau de la mer menace les côtes et détruit les maisons les unes après les autres – une situation qui met en péril la population sénégalaise, dont 80 % vit près du littoral. Le contexte est particulièrement préoccupant dans les villes de Bargny et Saint-Louis. Cette dernière a vu plus de 1500 de ses habitants transférés dans les camps d’accueil provisoires de Diougop et de Khar Yalla, dans l’arrière-pays.
Même si la plupart des Sénégalais essaient de ne pas céder au découragement, leur territoire se réduit chaque année de près de cinq mètres, et les dangers se font de plus en plus pressants. Selon les experts, le niveau de la mer sur les côtes de l’Afrique de l’Ouest ne cessera de monter, jusqu’à quatre millimètres par an, forçant des milliers de personnes à abandonner leur domicile.

Traduit de l’anglais par Floryse Atindogbe

www.alessiopaduano.it
Photos et légendes : 

© Alessio Paduano


Djibrilwade, 56 ans, dans sa maison, construite dans les années 1990 en bord d’océan par son père. Bargny, Sénégal, le 16 décembre 2023. Deux à trois fois par an, l’eau atteint l’intérieur de la maison. L’érosion côtière a commencé dans les années 1980, mais elle s’est accentuée au début des années 2000. Les ondes de tempêtes se font plus fréquentes et violentes, à l’instar de la nuit du 30 août 2015 lors du passage de l’ouragan Fred. La commune de Bargny connaît actuellement un recul de son littoral de l’ordre de trois à quatre mètres chaque année.

Les vestiges d’une habitation détruite par les vagues, à Rufisque au Sénégal, le 20 décembre 2023. L’élévation du niveau de la mer générée par le dérèglement climatique (réchauffement planétaire et fonte des glaciers) menace les côtes et dévaste les maisons les unes après les autres – une situation qui met en péril la population sénégalaise, dont 80 % vit près du littoral.

Un travailleur dans l’école Cheikh Touré à Saint-Louis au Sénégal, le 11 décembre 2023. L’établissement a fermé en mars 2018 suite à une alerte météorologique. Quelques jours plus tard, une partie de la structure a été détruite par les vagues submersives. Aujourd’hui, la démolition définitive du bâtiment est en cours.

Une des salles de classe de l’école Cheikh Touré, endommagée par les flots à Saint-Louis au Sénégal, le 11 décembre 2023.

Des pneus, attachés les uns aux autres, font office de barrière contre les vagues, sur la plage de Bargny au Sénégal, le 16 décembre 2023.

Autrefois un lieu de séjour dédié aux touristes, cette case est aujourd’hui engloutie par les eaux du lac Rose (officiellement nommé lac Retba), un site naturel d’exception situé au nord-est de Dakar. Sénégal, le 18 décembre 2023. Le lac se caractérise habituellement par un haut niveau de salinité et par la présence d’une algue unicellulaire, Dunaliella salina, qui lui donne sa couleur distinctive dans les tons rouges. Cependant, ces derniers mois, des pluies torrentielles ont fait tripler la profondeur du lac et en ont diminué la salinité. Par conséquent, l’algue a cessé de produire ses pigments rouges, et l’eau est devenue verte. Selon les hydrologues, la dilution constante avec une eau riche en sédiments pourrait entraîner la disparition du sel dans le lac ainsi que des micro-organismes qui le colorent.

Un enfant et un chat près d’habitations lourdement endommagées par l’océan à Bargny, au Sénégal, le 19 décembre 2023.

Quatre personnes remplissent des bidons d’eau dans le camp de Diougop, un site de relogement provisoire pour les populations déplacées qui ont perdu leur maison du fait de l’érosion côtière. Saint-Louis, Sénégal, le 13 décembre 2023. L’installation, située à plus de onze kilomètres dans les terres, est constituée de tentes exigües, sans sanitaires ni électricité. Les toilettes sont communes ainsi que l’accès à l’eau courante.

Une jeune fille portant un voile circule, bidons d’eau à la main, dans le camp de Diougop. Saint-Louis, Sénégal, le 13 décembre 2023.

Des femmes lavent la vaisselle et remplissent des bidons d’eau dans le camp provisoire de Diougop, destiné aux populations qui ont perdu leur maison du fait de l’érosion côtière. Saint-Louis, Sénégal, le 13 décembre 2023.

Un jeune pêcheur sur la plage de Saint-Louis, au Sénégal, le 14 décembre 2023. Le dérèglement climatique affecte également la pêche, secteur clef qui représente 3,2 % du PIB (produit intérieur brut) sénégalais. L’augmentation de la température de l’eau a des répercussions sur les écosystèmes marins (modification des migrations et des comportements de nombreuses espèces de poissons), ce qui, ajouté aux pratiques intensives des bateaux étrangers, réduit les ressources halieutiques du pays. En outre, le recul du littoral oblige souvent les pêcheurs de Saint-Louis à quitter leur habitation de bord de mer pour un logement plus loin dans les terres. Ils sont alors soumis à de longs et coûteux trajets pour rejoindre la côte et exercer leur métier.

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References

References
1 Alessio Paduano (avec un texte de Sophie Alary), « Quand la terre tremble », Alternatives Humanitaires, n° 23, juillet 2023, p. 114-135, https://www.alternatives-humanitaires.org/fr/2023/07/17/quand-la-terre-tremble

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