Un guide pour lutter contre les inégalités de santé

Pierre Micheletti
Pierre MichelettiIl rejoint Médecins du Monde dès 1987, et sera président de l’organisation de 2006 à 2009. Il enseigne depuis 2009 à l’Institut d’études politiques de Grenoble où il codirige le master « Politiques et pratiques des organisations internationales » et à la faculté de médecine où il dirige le diplôme « santé-solidarité-précarité ». Il est élu au conseil d'administration d'Action contre la faim en 2014, devient vice-président en 2015, puis Président en juin 2019. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, essais, romans et récits dont le dernier, Une mémoire d’Indiens. Récit d’un médecin du monde, vient de paraître aux Éditions Parole (voir la rubrique « Culture »).

Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. » L’article 1er de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 a ensuite été placé en 1791 en tête de la Constitution de la République française. Cependant, depuis sa naissance, un individu est sujet au développement d’inégalités manifestes face à la santé et à la maladie qui impactent directement l’espérance de vie, notamment au détriment des personnes aux revenus les plus faibles. La mortalité prématurée évitable touche également de façon très discriminante les différentes catégories sociales.

            Combler ces inégalités dans notre pays est donc une question de justice sociale. Mais agir à cet égard ne relève pas d’une charité où la bonne volonté se substituerait à la compétence. Des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être sont indispensables. Ils ne s’inventent pas, mais résultent de nécessaires processus d’apprentissage qui sont enrichis par l’expérience. Or l’acquisition de ces compétences est absente de façon patente de la formation initiale de bon nombre de métiers, pourtant notoirement confrontés aux inégalités sociales et à leur traduction sur la santé. Cela a été rappelé sans équivoque dans un certain nombre de rapports commandités par les gouvernements successifs – dont celui du Haut Conseil de la santé publique en 2009. La Grande conférence de la santé, qui s’est tenue en France en janvier 2016 sous l’égide du Premier ministre, a pour ambition de pointer les conditions indispensables de la réussite de la toute nouvelle loi de santé, dont la formation des professionnels de santé sur les indicateurs de santé sociale (ISS) fait partie. C’est à relever ce défi qu’entendent contribuer les instigateurs du présent ouvrage, prolongeant ainsi une dynamique initiée il y a une dizaine d’années. 

Le fruit d’une aventure collective

À partir de 2003, des acteurs engagés au sein de l’ONG Médecins du Monde ont créé dans plusieurs facultés de médecine de villes universitaires des diplômes universitaires (DU) de 3e cycle sur la thématique « Santé-solidarité-précarité » : d’abord à Grenoble, puis Lille, Paris, Bordeaux, Montpellier, Strasbourg, Nancy et Clermont-Ferrand. Ouverts à des publics allant largement au-delà des seuls médecins, ces DU ont été soutenus par des doyens de facultés de médecine sensibles à ces questions, et par différents acteurs locaux incontournables dans le champ médico-social : municipalités, conseils départementaux, Agences régionales de santé, mouvement mutualiste, centres de santé, hôpitaux publics, autres associations. Partout, l’ensemble de ces acteurs a été étroitement associé à la conception et à la mise en œuvre des enseignements créés. Grâce à ces alliances et à ces synergies, les contenus et compétences visés dépassent le champ de la grande pauvreté pour se préoccuper plus largement des inégalités en santé tout au long du gradient des inégalités sociales qui caractérise une communauté humaine.

            C’est l’expérience de cette formidable dynamique de « coconstruction » dont le présent ouvrage est le fruit. Il illustre le rôle de catalyseur et d’innovateur des associations en France, exauçant ainsi le souhait d’Alexis de Tocqueville, qui, dès le début du xixe siècle, les voyait comme des acteurs politiques, là où Didier Fassin qualifie aujourd’hui d’« outils de construction sociale » les interventions des acteurs de la santé. Sans cette énergie créative, le présent ouvrage n’aurait pas vu le jour. La grande majorité des chapitres fait appel à ces porteurs de projets ou aux compétences qu’ils ont su mobiliser sur les enseignements dont ils ont été les architectes.

Un contenu qui résulte d’une expérience pédagogique éprouvée

            Six thématiques structurent les différents chapitres, selon une logique et une progression directement inspirées des expériences universitaires mentionnées plus haut, et de leurs évaluations annuelles par les étudiants qui les ont suivies. Un cadre général est d’abord posé en référence à des repères historiques, politiques, techniques et juridiques dont la connaissance est indispensable au lecteur pour progresser dans l’ouvrage en comprenant les concepts qu’il véhicule.

            Puis, selon une logique usuelle dans l’analyse des problèmes de santé, trois voies sont utilisées pour aborder l’analyse des situations : une approche par populations spécifiques, une approche par type de territoire (ou d’absence d’ancrage territorial), et une approche évoquant les pathologies fréquentes chez les plus défavorisés. Ces approches définissent les trois parties suivantes. La question cruciale des difficultés usuelles rencontrées dans la mise en œuvre d’actions au profit de personnes socialement défavorisées est ensuite abordée. C’est la partie de l’ouvrage consacrée aux « conditions de réussite » des réponses mises en œuvre. La sixième et dernière partie est la conséquence logique de la toute première : les mécanismes qui conduisent aux inégalités en santé étant multiples, les actions pour y remédier s’inscrivent elles-mêmes, nécessairement, dans la convergence et la synergie des champs de compétences et dans les institutions qui concourent à agir au profit de la santé. L’ouvrage s’achève donc sur la question des alliances, des réseaux et des partenariats.

Un large lectorat concerné

            Le lectorat ciblé concerne différents publics dans le cadre de la formation initiale et continue, ou tout simplement parmi les professionnels, les responsables politiques et tous ceux qui sont confrontés/intéressés par ces questions. Il vise, entre autres :

  • les étudiants inscrits pour suivre les enseignements des différents diplômes « santé solidarité précarité » déjà mis en place ;
  • les étudiants et les professionnels du champ sanitaire, social et médico-social ;
  • les étudiants du 2e et du 3e cycle des études médicales, et ceux des autres métiers de la santé ;
  • les étudiants des Instituts de formation des cadres de santé (IFCS) ;
  • les professionnels en formation auprès du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) ;
  • les responsables politiques et associatifs ;
  • … et tous les autres acteurs non cités ici, appelés à travailler sur les
    questions de l’accès à la santé des populations fragiles. 

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