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Les « jeunes pousses humanitaires » doivent-elles hacker le système ?

Amélia Houmaïri-Romy 
Amélia Houmaïri-Romy Issue d’un parcours universitaire éclectique et pluridisciplinaire, Amélia Houmaïri-Romy a découvert le secteur de l’aide internationale à l’occasion d’une mission de terrain de deux ans dans les provinces centrales du Vietnam, en tant que responsable de l’antenne locale d’une OSI œuvrant dans les domaines de la coopération culturelle, de l’aide au développement et de la santé. De retour en France, Amélia a choisi de s’engager dans un master spécialisé en humanitaire à l’IRIS Sup’, dont elle est sortie major de sa promotion en 2018. Ces études ont été pour elle le point de départ de nombreuses réflexions sur le sens de l’engagement individuel et les caractéristiques de ce métier particulier, à cheval entre profession et vocation.
Vincent Taillandier
Vincent TaillandierAprès avoir été aux commandes d’opérations humanitaires durant plus de onze ans chez Action contre la Faim, Vincent Taillandier accompagne depuis trois ans des organisations sociales et solidaires sur des questions stratégiques, d’organisation et de gouvernance. Cofondateur de la SCIC les Maisons de l’Intelligence Collective, Vincent fonde sa pratique sur des méthodes de travail en intelligence collective qui visent à développer l’autonomie et l’autodétermination des personnes, tout en renforçant une affiliation au collectif. Ses activités d’enseignement dans plusieurs universités et grandes écoles lui donnent régulièrement l’occasion de dialoguer avec de jeunes professionnel·le·s en France et à l’étranger.

 

S’il n’a pas valeur d’enquête, encore moins d’étude sociologique, le sondage réalisé par Amélia Houmaïri-Romy et Vincent Taillandier n’en est pas moins riche d’enseignements. Semblant endosser les aspirations de leurs aîné.e.s , tout en ayant une conscience claire des écueils du monde humanitaire, les « jeunes pousses » auraient les clés du changement, pour peu qu’on ne leur fasse pas endosser la responsabilité de celui-ci. Pour dépasser cette dichotomie, les auteurs avancent l’idée d’une alliance intergénérationnelle.

« Pour moi “être humanitaire” veut tout et rien dire, ça ne constitue pas un métier en soi » Pour certain·e·s jeunes professionnel·l·e·s de l’humanitaire[1]Dans cet article, nous appelons « humanitaire » toute personne qui entreprend toutes formes d’actions qui relèvent de problèmes internationaux, dans le but de secourir des personnes, ou de … Continue reading que nous avons interrogés, il est parfois bien difficile de penser ce secteur en termes précis, parfois d’y trouver sa place, de s’y projeter. C’est pourtant bien cette nouvelle génération d’acteurs qui est au cœur des enjeux qui nous occupent : en quoi ces jeunes femmes et hommes changent-ils la donne ?

À l’évocation du terme « génération » nous viennent généralement des images et des repères liés à une classe d’âge ou à une cohorte sociétale qu’il est d’usage de baptiser baby boomers, X, Y, Z ou encore millennials… Ce « nom de baptême » fait ainsi référence à un groupe lié par un même vécu au cours d’une période historique donnée : révolution industrielle, bouleversements géopolitiques, ou société de l’information par exemple. Pour le chercheur Baptiste Rappin[2]Baptiste Rappin, « Actualité de la génération Y. Intempestivité de la génération ? », Revue internationale de psychosociologie et de gestion des comportements organisationnels, 2016/53, … Continue reading, cette théorisation sociologique du concept de « génération » passe cependant sous silence son sens originel, celui de l’engendrement. Ainsi, penser une génération nous invite à dépasser une forme de catégorisation rigide et à rechercher ce qui est en mouvement, au sens de « devenir, naître, croître, s’accomplir[3]Ibid., p. 33. ».

Conscients de ces ambiguïtés conceptuelles, nous avons toutefois choisi de nous intéresser à « la nouvelle génération humanitaire » en définissant un cadre aisément identifiable, une sorte d’unité générationnelle[4]Au sens de groupe concret situé à l’intérieur d’une génération, voir Karl Mannheim, Le Problème des générations, coll. « Hors Collection », Armand Colin, 2011.. Nous l’avons pré-identifiée comme suit : d’abord des personnes jeunes, majoritairement âgées de 20 à 30 ans, qui ont suivi une formation spécialisée dans l’humanitaire, et ont choisi ce marché du travail spécifique, quelle que soit leur position actuelle dans ce marché ; ensuite une génération attirée par un secteur humanitaire en forte croissance d’activité, d’offres d’emploi[5]En 2017, on estimait qu’au niveau mondial 570 000 personnes étaient employées dans le secteur, dont 66 % de personnel national. Un accroissement de 27 % par rapport à 2013. Source : ALNAP … Continue reading et de notoriété ; enfin des personnes se sentant concernées par différentes problématiques, qu’elles soient d’ordre politique, social, économique ou environnemental.

Nous avons ainsi fait le choix d’interroger directement ces « jeunes pousses » en les affranchissant de tout filtre institutionnel ou hiérarchique, c’est-à-dire en nous positionnant dans une conversation entre pair·e·s, afin de recueillir des témoignages spontanés et sincères. Nous les avons interrogées sur leurs expériences, leurs ressentis, leurs rêves et leurs ambitions, et avons laissé se dessiner les grandes tendances à même d’éclairer nos questionnements : qui sont-ils ? Quelles sont leurs exigences, leurs aspirations ? Portent-ils en eux les germes d’un renouvellement du secteur, voire de sa déstabilisation ? Nous avons obtenu 33 réponses au questionnaire que nous leur avons adressé[6]Nous l’avons diffusé en mobilisant nos réseaux personnels et professionnels (dont les écoles spécialisées IRIS Sup’ et Bioforce). ; une matière aussi brute que riche et qui a fourni la substance de cet article.

Des témoignages inattendus… ou presque 

Nous n’avons pas eu l’ambition de mener une étude statistique. Ce parti pris nous a permis une approche flexible, loin des critères scientifiques de randomisation, de quantification, de puissance, ou encore de contrôle des biais, avec toutes les limites qu’implique un tel choix en termes d’extrapolation. Nous assumons tout autant nos propres biais, à nous auteur·e·s, au premier rang desquels nos trajectoires professionnelles, nos situations personnelles et nos valeurs qui nous amènent à espérer que cette nouvelle génération sera à même de relever les nombreux défis qui se posent au fonctionnement du système humanitaire.

C’est ce qui explique qu’à la lecture des témoignages recueillis, nous ayons été surpris. Plus précisément, nous avons été surpris de ne pas être surpris ! Alors que nous attendions inconsciemment des répondant·e·s qu’ils·elles sortent des sentiers battus, voire tiennent un discours radicalement opposé à ce qu’aurait pu être celui de leurs aîné·e·s, leurs propos se sont révélés plutôt communs, en ce sens qu’ils ont déjà été tenus par d’autres avant eux. Trois axes nous ont particulièrement interpellés.

Des motivations similaires, hier comme aujourd’hui

Malgré toutes les évolutions du secteur, l’humanitaire reste un domaine « à part », faisant appel en nous et dans le regard de l’autre à des valeurs particulières. La jeune génération, à cet égard, ne diffère pas. Le facteur majoritaire influençant leur engagement est sans surprise une volonté d’« aller voir ailleurs », un goût pour le voyage, l’aventure, le dépaysement. Cela se fait notamment par le biais de stages ou de bénévolats. À cette nuance près que – sans doute beaucoup plus spontanément qu’avant – l’altérité se rencontre et se vit aussi parfois plus près de chez soi, comme en témoignent des réflexions sur les conséquences du « système carcéral » sur une communauté, « l’intégration de jeunes issus de l’immigration » ou encore « l’accueil de réfugiés au domicile familial ». L’engagement dans le secteur reste aussi évidemment un moyen de « donner du sens au mot travail ». C’est une « révolte envers les inégalités », une volonté d’être « utile », de se « tourner vers les autres », bref d’« aider son prochain ».

On retrouve donc des éléments qui diffèrent peu de ce qui a fait les bases de l’engagement des générations précédentes[7]Pascal Dauvinet Johanna Siméant, « Se réaliser en faisant de sa vie un roman », in Le Travail humanitaire. Les acteurs des ONG, du siège au terrain, coll. « Académique », Presses de … Continue reading. On y reconnaît même un des fondements ontologiques de l’humanitaire caractérisé par une double asymétrie, l’une d’ordre personnel entre les aidant·e·s et les aidé·e·s, l’autre géopolitique du fait de la domination occidentale[8]Voir notamment Didier Fassin, La Raison humanitaire. Une histoire morale du temps présent, coll. « Hautes Études », Gallimard/Seuil, 2010..

Pour autant, l’image et la perception du statut d’humanitaire font l’objet de sincères questionnements. Seulement 57 % des personnes interrogées revendiquent en effet ce titre et si certaines estiment que ce statut les valorise, qu’elles en retirent de la fierté, d’autres s’en défendent :

« Cela déséquilibre d’entrée de jeu mes relations avec l’Autre : soit je suis mise sur un piédestal et suis perçue comme la réincarnation de mère Teresa, soit je suis une complice de la “grande machine néolibérale en lavant la conscience des pays riches”. »

« Dans l’imaginaire collectif, un “humanitaire” est quelqu’un qui va, à dos d’hélicoptère , distribuer des sacs de riz en Afrique ou en Asie. »

La conscience d’avoir hérité des écueils du système

Toutes les thématiques décrites (et décriées) depuis plusieurs années envers le secteur humanitaire apparaissent donc dans les témoignages recueillis. En dehors des représentations de la figure de l’humanitaire déjà évoquée, on retrouve au premier rang des critiques celle de la dépendance envers les bailleurs, et celle de l’impact des programmes. Ces jeunes parlent d’inefficacité, d’inefficience, de financements « trop élevés au regard du service rendu », ou encore d’une « mauvaise utilisation des ressources, des stocks et des staffs ».

Au second rang des incriminations arrive la posture humanitaire, qu’elle soit systémique ou individuelle. Les répondant·e·s font ainsi référence au néocolonialisme, au défaut de transfert des « compétences et responsabilités aux acteurs des pays d’intervention », à une « dynamique d’intervention “cowboy” : on arrive, on impose, on fait faire, on s’en va », mais critiquent aussi la figure de l’expatrié·e « touriste », « au comportement déviant », « pédant », voire coupable de « maltraitances physiques ou mentales envers les bénéficiaires ».

Les répondant·e·s regrettent aussi le manque d’intégration des bénéficiaires aux processus décisionnels, les abus de pouvoir de tout type, le fossé entre les personnels locaux et les expatriés, entre le terrain et les sièges, ou encore le manque de collaboration entre ONG qui seraient devenues plus concurrentes qu’alliées.

Nous ne devrions cependant pas être surpris de cette connaissance intime du système. On peut y lire l’empreinte d’une littérature spécialisée, et plus généralement l’emprise d’analyses relayées par l’enseignement des cursus spécialisés qu’ont suivi la très grande majorité de personnes contactées. Ainsi, l’une « appréhende les malversations qui existent dans le secteur et dont pas assez connaissance avant la formation » ; l’autre dit avoir connu au cours de ses études « une certaine désillusion face au secteur » ; tandis qu’une troisième se demande « comment être dans une démarche humanitaire respectueuse, non impérialiste et non néocolonialiste ». Des affirmations et des questionnements qui ont d’autant plus de valeur que la plupart des personnes interrogées ont déjà un vécu professionnel, dans les sièges d’ONG ou sur le terrain, où elles ont pu faire l’expérience de ces écueils.

Le désir d’occuper demain la place des cadres actuels ?

Nous avons été frappés par le fait que les témoignages recueillis à propos d’un rêve professionnel s’inscrivent tous, à une exception près[9]Une femme qui rêve d’ouvrir « un café/librairie engagé dans lequel j’embauche une ou deux personnes en réinsertion, les tarifs sont préférentiels pour les … Continue reading, dans la continuité des schémas de carrière classiques actuellement à l’œuvre dans le secteur. Les répondant·e·s évoquent des postes précis, des spécialisations techniques, de grandes institutions, des lieux, en somme les piliers de ce qui constitue l’offre d’emploi actuelle. Parfois, les rêves s’agrémentent de détails qualitatifs devenus aujourd’hui tout aussi consensuels, comme un accent porté sur le transfert de compétences et d’autonomie aux acteurs locaux. La projection amène parfois à s’imaginer bien plus tard, « retraité après une carrière stimulante, occupant un poste de bénévole avec de hautes responsabilités dans une ou plusieurs assos », débouché classique d’une trajectoire reconnue. Faut-il lire dans ces témoignages un manque d’émancipation vis-à-vis du secteur ou une critique à bon compte d’un milieu dont on peine à sortir ? Nous y reconnaissons avant tout la pression de l’impératif d’employabilité, ainsi que la peur de la précarité, souvent mentionnés dans les témoignages.

En résumé, nos jeunes pousses humanitaires ont des motivations semblables à leurs aîné·e·s, une connaissance intime du système dans ses failles, et malgré tout, un attachement aux cadres actuels de la profession. Comment dès lors, attendre d’elles qu’elles soient le fer de lance d’une transformation radicale ? Il nous semble plus juste de chercher à déconstruire ces attentes, quitte à entamer cette démarche à partir de nos propres biais cognitifs.

« Nos jeunes pousses humanitaires ont des motivations semblables à leurs aîné·e·s. »

La jeune génération face à l’impératif de changement

Commençons par nous poser de nouveau la question de savoir s’il est correct de parler d’une « nouvelle génération » d’acteurs humanitaires. Pour cela, nous nous appuyons sur la parole de celles et ceux qui ont été à la base de notre étude et dont l’écrasante majorité (près de 80 %) revendique son appartenance à cette « nouvelle génération ». Leurs arguments s’ordonnent en deux dimensions majeures : l’une tourne autour de la professionnalisation qui s’incarne aujourd’hui dans des termes tels que « protocoles », sustainability plans, « procédures », compliance, transparency, accountability,« carrière ». L’autre tourne autour de « la conscience écologique » et d’autres causes militantes comme les questions de genre et d’orientations sexuelles qui font en quelque sorte « l’actualité » de leur génération.

Deux dimensions mineures viennent compléter leur sentiment d’appartenance à cette « nouvelle génération » : l’une concerne l’usage des nouvelles technologies – « plus de moyens de s’informer », « une meilleure maîtrise des technologies (instantanéité de l’information) » – quand l’autre renvoie à une capacité jugée supérieure à se poser des questions, « recul par rapport aux évolutions passées », « plus grande attention aux effets néfastes », vis-à-vis des « limites et responsabilités nées des précédentes générations ».

Ce sentiment d’appartenance à une nouvelle génération, issu d’un vécu historique commun à l’échelle du secteur humanitaire et de la société en général, est une donnée cruciale qu’il nous faut reconnaître dans la mesure où elle recèle un vrai potentiel. Avoir conscience de l’« historicité » de sa condition peut offrir à un groupe un pouvoir de contestation, de réappropriation, d’innovation, ne serait-ce que parce l’individu se retrouve lié à d’autres par des éléments d’identité sociale[10]Voir « écart générationnel », Vacarme, 2009/2, n° 47, p. 16.. Nous pourrions dès lors considérer que cette particularité les distingue dans leur capacité d’agir, les rend particulièrement à même de consolider et d’accélérer les évolutions positives du système, voire d’en générer de nouvelles. Et donc attendre d’eux les changements désirés.

Mais il nous semble que ce serait une erreur, pour deux raisons. D’abord les facteurs évoqués par nos répondant·e·s (professionnalisation, nouvelles technologies, conscience écologique…) affectent toutes les générations dans leur mode de vie et leur engagement. Ils peuvent même toucher les aîné·e·s avec d’autant plus de force qu’ils constituent à leurs yeux de réels bouleversements, et pas une situation acquise. Par ailleurs, ces éléments de « modernité » ne transforment pas les rapports de force. Or quand on parle de « pouvoir transformatif », on parle avant tout de « pouvoir ». Et dans les faits, force est de constater que ce dernier reste concentré entre les mains des aîné·e·s, majoritairement des hommes de plus de 45 ans[11]Hannah Blackney et al., “Data on diversity: humanitarian leadership under the spotlight”, Humanitarian Advisory Group (HAG), 2019, p.7 and 12., comme le dénonce une répondante.

Dès lors, attendre de la nouvelle génération qu’elle mène le changement ne serait-il pas au mieux injustifié, au pire injuste ? Peut-être faudrait-il sortir d’une dichotomie (sinon d’une multichotomie) générationnelle pour imaginer d’autres lignes de rassemblement ou d’éventuelles oppositions, par exemple entre partisan·e·s et opposant·e·s de questions controversées, comme la « guerre juste »[12]Rony Brauman, « Les mensonges des guerres humanitaires », Médiapart, 27 janvier 2018. https://www.msf-crash.org/fr/le-crash-dans-les-medias/rony-brauman-les-mensonges-des-guerres-humanitaires ? Est-il possible d’imaginer une sorte d’impératif collaboratif, en estimant que les changements doivent nécessairement être portés par une alliance intergénérationnelle ? Pour qu’un processus de transformation aboutisse en ce qu’on peut appeler par la suite une « révolution », tout du moins un réel changement de système, l’histoire montre en effet qu’une alliance entre différents groupes sociaux, parfois aux intérêts antagonistes, est nécessaire.

Comment capitaliser sur les attentes de la nouvelle génération ?

Le fait même de parler de la nouvelle génération d’acteurs humanitaires sous-tendrait donc de lui faire porter le poids d’une responsabilité particulière vis-à-vis de l’avenir du secteur. Si nous avons exprimé nos doutes quant à cette perspective – voire cette injonction –, ne peut-on malgré tout imaginer que cette nouvelle génération ait une destinée particulière à mettre en œuvre ?

« Comment partager le pouvoir pour permettre aux jeunes humanitaires d’exploiter leurs ressources spécifiques ? »

Comment ne pas valoriser toute une série de signaux faibles qui tendent à montrer l’apparition d’un certain « leadership des jeunes » ? Des groupes militants apparaissent par exemple au cœur même de certaines ONG, pourtant hors du mandat traditionnel de ces dernières, ce qui ne manque pas de créer des tensions[13]À l’exemple de la création d’une Gender Task Force « qui a voulu aller, au nom d’ACF, à la marche contre les violences faites aux femmes », comme l’explique une de nos répondantes, ce … Continue reading. Ces groupes entrelacent les différentes causes de notre époque, quitte à rejeter le principe de neutralité, confrontant ainsi de facto les organisations à leurs propres pratiques en interne (et non pas seulement vis-à-vis de leurs activités).

Demeurent certes quelques questions essentielles : les enjeux thématiques clés du moment (écologie, genre, efficacité, etc.) peuvent-ils devenir les moteurs d’une nouvelle forme de collaboration intergénérationnelle ? Comment partager le pouvoir pour permettre aux jeunes humanitaires d’exploiter leurs ressources spécifiques ? Peut-on changer le secteur humanitaire de l’intérieur, ou vaut-il mieux aujourd’hui, choisir de faire pression sur lui depuis l’extérieur (nouveaux acteurs[14]Randolph Kent, « Le futur de l’humanitaire », Alternatives Humanitaires, n° 9, novembre 2018, p. 104-119, http://alternatives-humanitaires.org/fr/2018/11/13/le-futur-de-lhumanitaire, montée en puissance de l’ESS et des social businesses…) ? Autant de questions qui pourraient venir nourrir de futurs développements à la modeste étude dont nous avons eu l’initiative. Peut-être donne-t-elle à voir les ressorts à partir desquels les jeunes pousses, de l’intérieur ou de l’extérieur du milieu humanitaire, avec ou sans leurs aîné·e· s, parviendront à hacker le système humanitaire, voire le système global. En cela, elles feraient écho à l’écrivain Édouard Glissant qui, dans un texte où il dépassait avec poésie les notions de rupture et de continuité, affirmait : « Rien n’est vrai, tout est vivant[15]Titre de l’ultime conférence publique qu’il a donnée le 8 avril 2010, à la Maison de l’Amérique latine de Paris, avant sa mort en 2011.. »


ISBN de l’article (HTML) : 978-2-37704-626-3

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References

References
1 Dans cet article, nous appelons « humanitaire » toute personne qui entreprend toutes formes d’actions qui relèvent de problèmes internationaux, dans le but de secourir des personnes, ou de contribuer au développement d’une communauté, d’une société ou d’un État. Pour aller plus loin, voir François Audet, Comprendre les organisations humanitaires. Développer les capacités ou faire survivre les organisations, Presses de l’Université du Québec, 2016, p. 8-12.
2 Baptiste Rappin, « Actualité de la génération Y. Intempestivité de la génération ? », Revue internationale de psychosociologie et de gestion des comportements organisationnels, 2016/53, vol. XXII, p. 29-36.
3 Ibid., p. 33.
4 Au sens de groupe concret situé à l’intérieur d’une génération, voir Karl Mannheim, Le Problème des générations, coll. « Hors Collection », Armand Colin, 2011.
5 En 2017, on estimait qu’au niveau mondial 570 000 personnes étaient employées dans le secteur, dont 66 % de personnel national. Un accroissement de 27 % par rapport à 2013. Source : ALNAP (2018), “The State of the Humanitarian System”, ALNAP Study, London, ALNAP/ODI, p.17. En France, « Les ASI françaises créent aussi de l’emploi. Le total « équivalent temps plein » est passé de 38 000 en 2011 à 51 240 en 2016 ». Source : Coordination Sud, Étude Argent & Associations de Solidarité Internationale, mars 2018, p. 12. https://www.coordinationsud.org/wp-content/uploads/Etude-Argent-ASI-2012-2016-vf_BD-1.pdf
6 Nous l’avons diffusé en mobilisant nos réseaux personnels et professionnels (dont les écoles spécialisées IRIS Sup’ et Bioforce).
7 Pascal Dauvinet Johanna Siméant, « Se réaliser en faisant de sa vie un roman », in Le Travail humanitaire. Les acteurs des ONG, du siège au terrain, coll. « Académique », Presses de SciencesPo, 2002, p. 137-167.
8 Voir notamment Didier Fassin, La Raison humanitaire. Une histoire morale du temps présent, coll. « Hautes Études », Gallimard/Seuil, 2010.
9 Une femme qui rêve d’ouvrir « un café/librairie engagé dans lequel j’embauche une ou deux personnes en réinsertion, les tarifs sont préférentiels pour les sans-abri/réfugié·e·s/étudiant·e·s/personnes en situation de précarité, le local est ouvert aux associations et initiatives citoyennes (cours de FLE, art-thérapie, café-débat…) ».
10 Voir « écart générationnel », Vacarme, 2009/2, n° 47, p. 16.
11 Hannah Blackney et al., “Data on diversity: humanitarian leadership under the spotlight”, Humanitarian Advisory Group (HAG), 2019, p.7 and 12.
12 Rony Brauman, « Les mensonges des guerres humanitaires », Médiapart, 27 janvier 2018. https://www.msf-crash.org/fr/le-crash-dans-les-medias/rony-brauman-les-mensonges-des-guerres-humanitaires
13 À l’exemple de la création d’une Gender Task Force « qui a voulu aller, au nom d’ACF, à la marche contre les violences faites aux femmes », comme l’explique une de nos répondantes, ce qui aurait selon elle provoqué des « résistances internes  ».
14 Randolph Kent, « Le futur de l’humanitaire », Alternatives Humanitaires, n° 9, novembre 2018, p. 104-119, http://alternatives-humanitaires.org/fr/2018/11/13/le-futur-de-lhumanitaire
15 Titre de l’ultime conférence publique qu’il a donnée le 8 avril 2010, à la Maison de l’Amérique latine de Paris, avant sa mort en 2011.

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