La pratique des sages-femmes au Bénin et au Burkina Faso à travers le prisme de la recherche

“Being a midwife in West Africa: Between sensory experiences, moral standards, socio-technical violence and affective constraints”
Yannick Jaffré et Isabelle L. Lange
Social Science & Medicine, Volume 276, Mai 2021
(publié en anglais)

Résumé des auteurs

Malgré une longue histoire de mises en œuvre de programmes de santé maternelle, la qualité des soins obstétricaux et l’accès aux services des structures restent inadaptés en Afrique de l’Ouest. Alors que plusieurs études qualitatives ont décrit les contraintes liées aux ressources humaines et aux dispositifs affectant les soins prénatals ainsi que la violence ou le caractère irrespectueux des soins prodigués aux femmes durant l’accouchement, les raisons à l’origine de ces comportements n’ont pas été élucidées. Afin de comprendre les expériences des sages-femmes lorsqu’elles dispensent des soins, nous avons mené en 2017 et 2018 des entretiens avec vingt-quatre professionnelles au Bénin et au Burkina Faso et avons examiné leurs points de vue quant à leur profession, leurs pratiques obstétricales et leur vie personnelle. En incluant des éléments émotionnels, sensoriels, linguistiques et sociaux, cet article montre des discordances importantes entre les propositions des programmes (telles que les affectations en milieu rural et les projets de déboursement financier) et les devoirs socioémotionnels et rôles économiques des sages-femmes. L’étude montre également que les attitudes des sages-femmes envers leurs patientes sont liées au fait qu’elles considèrent l’accouchement comme un acte moral. Le mauvais traitement de femmes par des sages-femmes lors de l’accouchement correspond aux décalages constants entre les compétences techniques en obstétrique et les jugements de valeur en matière d’expression de la douleur, de sexualité et de désir. De plus, les sages-femmes justifient leurs pratiques violentes par l’urgence de la situation, notamment au moment du couronnement. L’offre de soins et la mise en œuvre effective de programmes maternels ne peuvent être améliorées sans prendre en compte ces justifications et sans construire des dialogues permettant aux sages-femmes de réfléchir à leurs contraintes sociales et affectives, à leur rapport à l’aspect sexuel de l’accouchement et aux raisons de leurs pratiques. Nous plaidons pour une recherche plus méthodique et pour que la formation des sages-femmes intègre des études de cas approfondies telles que celles partant de problèmes pratiques auxquels sont confrontées les sages-femmes, permettant d’améliorer la profession de sage-femme telle qu’elle est vécue et non telle qu’elle est imaginée par des programmes non fondés sur les pratiques.

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