Le mot du directeur de l’ouvrage
Parmi les essais qui se sont intéressés à la communauté de pratique des humanitaires, celui-ci a ceci d’unique : il laisse la parole aux professionnels. L’humanitaire a le privilège d’entrer dans la vie, et souvent l’intimité, de milliers de personnes. Mais étonnamment, les impératifs bureaucratiques font que les plus belles histoires, celles qui sont au cœur de l’action humanitaire et de la solidarité humaine, ne sont pas valorisées et restent cantonnées à nos souvenirs.
Ces magnifiques récits de vie n’ont malheureusement pas leur place dans l’humanitaire-spectacle des organisations qui se sont tranquillement écartées de la raison même de leur existence. On constate en effet que les communications sur « l’humanitaire » sont plutôt dominées par l’image de marque. En cherchant à tout prix à obtenir du financement à travers un marketing souvent culpabilisant, les organisations se sont éloignées des fondements de l’humanitaire. Ce faisant, elles donnent un portrait incomplet de ce métier hors du commun.
C’est à ce « vide » que cet ouvrage veut répondre : donner la parole au « narratif humain », à la tragédie humaine et aux valeurs de solidarité de ceux qui sont confrontés quotidiennement aux épidémies, aux conflits et aux catastrophes naturelles. Ces récits que nous vous offrons présentent nos limites, nos dilemmes et exposent nos biais et nos racines néocoloniales qui teintent nos valeurs. À l’ère de l’agenda localisation et de la décolonisation de l’humanitaire, cet ouvrage tombe donc à point nommé.
Les personnes exceptionnelles qui ont accepté de partager leurs souvenirs dans ce recueil admettent toutes la même chose : l’image héroïque des humanitaires colportée par les organisations et les médias occidentaux est dépassée. Il faut plutôt centrer nos regards sur les relations humaines, au-delà des frontières. C’est dans le contact humain que se trouvent nos motivations.
Les récits que les auteurs vous proposent dans ce livre sont tous basés sur des histoires vécues qui exposent parfois l’immense tristesse humaine, parfois l’espoir renouvelé. Mais tous ont quelque chose en commun : la relation avec ces femmes et ces hommes qui nous ont laissés, l’espace d’un moment, entrer dans leur vie. Ces textes nous permettent aussi de mieux comprendre les défis de l’action humanitaire post-pandémie de Covid-19.
Cela donne lieu à des petits moments de lucidité extraordinaire, que nous vous offrons dans ce recueil. De l’Afghanistan au Niger, en passant par Gaza, ces récits ont tous le même ancrage : le vécu d’humanitaires aux trajectoires exceptionnelles, qui sont les témoins de situations qui n’ont pas trouvé leur place dans les rapports des organisations ou les comptes-rendus des médias.
Le directeur de l’ouvrage François Audet est membre du Conseil scientifique de la revue Alternatives Humanitaires.