Thomas GirondelNé au Havre (France), âgé de 37 ans, Thomas Girondel est photojournaliste indépendant et photographe documentaire. Il est distribué par l’agence INSTITUTE. Voyageur depuis son adolescence, il suit des études de géographie en Angleterre, avant de se spécialiser en Master dans l’aménagement du littoral et les risques naturels, d’abord à Nantes, puis en Australie.
Né au Havre (France), âgé de 37 ans, Thomas Girondel est photojournaliste indépendant et photographe documentaire. Il est distribué par l’agence INSTITUTE. Voyageur depuis son adolescence, il suit des études de géographie en Angleterre, avant de se spécialiser en Master dans l’aménagement du littoral et les risques naturels, d’abord à Nantes, puis en Australie.
Parallèlement à ses études, Thomas découvre la photographie. Il achète son premier appareil argentique en 2008 et se forme aux fondamentaux de la photo et du noir et blanc, s’inspirant de photographes comme Anders Petersen, Daidō Moriyama ou Jane Evelyn Atwood. Lors de ses voyages, il s’essaye à l’érotisme comme à la photographie d’errance. Il découvre plus tard les reportages de Paolo Pellegrin, James Nachtwey, Ron Haviv, Éric Bouvet, Gilles Caron, et ceux d’Antoine d’Agata à ses débuts, qui vont imprimer leur marque.
En 2013, alors vacataire au ministère de l’Écologie, Thomas scrute de très près les événements de Maïdan en Ukraine. Il décide de ne pas renouveler son contrat et entreprend, en 2014, un périple en Europe de l’Est avec pour destination Kiev. Durant plusieurs semaines, il documente à l’argentique la vie post-Maïdan et le quotidien de la jeunesse ukrainienne ou pro-ukrainienne.
Il décide ensuite d’aller interroger les citoyens pro-russes dans le bastion séparatiste de Donetsk. Il y rencontre des photojournalistes européens et découvre le monde du reportage d’actualité. Le 25 mai 2014, après les élections ukrainiennes, les forces gouvernementales débutent une opération « anti-terroriste » à Donetsk. Thomas se retrouve alors en zone de conflit, et continue son projet personnel malgré les risques encourus. À son retour en France, il devient photojournaliste indépendant. En 2015, son travail en Ukraine Jusqu’à Donetsk est exposé à l’espace international Cosmopolis de Nantes.
Thomas explore ensuite la photographie numérique couleur : pendant trois ans, il couvre divers mouvements de protestation, en France et en Allemagne. Il réalise aussi ses premiers reportages qui traitent de problématiques sociales au Kosovo, en Pologne, en Lettonie et en Ukraine. Ces sujets seront ses premières parutions.
En 2016, il revient à ses racines de géographe en réalisant, pour la Ville de Nantes, un reportage à Seattle dans lequel il documente les actions de la mégalopole américaine face au changement climatique. Son travail a été exposé la même année lors du Climate Chance, sommet mondial des acteurs non étatiques du climat.
Après avoir effectué un stage au service photo du journal Le Monde, il s’éloigne de l’actualité pour développer un travail documentaire plus personnel. En 2018, il débute un projet au long cours à l’île d’Yeu. Pendant trois ans, il y documente la vie de la jeunesse et sa perception de la liberté dans un espace restreint. Thomas a, depuis, un attrait particulier pour la vie insulaire.
Très attaché à l’Ukraine, il est y retourné à de nombreuses reprises depuis 2014. Il continue également son projet au long cours où, par l’utilisation de diptyques, il souligne l’évolution de Kiev depuis Maïdan.
Thomas a été publié en France et à l’international, notamment par le magazine Stern, The Telegraph Magazine, The Financial Times, le Süddeutsche Zeitung Magazin, les éditions internationales de GEO, GoodWeekend magazine (Australia), la revue DOMUS, De Standaard Magazine, Zeit Leo, Fluter, Woxx, Focus, VICE Media, Rhythms Monthly, la maison d’édition Actes Sud, L’Obs, La Vie ou encore NEON.
Lorsque j’ai foulé la place Maïdan en 2014, l’ambiance m’a aussitôt touché. Sur les visages des manifestants ukrainiens qui s’étaient mobilisés sans relâche, se mêlaient la fierté et la tristesse. Car cette victoire face au gouvernement pro-russe d’Ianoukovitch avait un prix : de nombreuses personnes avaient été tuées par les milices anti-émeutes Berkout, et par les tirs des snipers embusqués dans l’hôtel Ukrayina.
Ma première vision de Maïdan était celle d’une place noircie par la masse des militants, secouée par les émeutes, parsemée de photos de victimes, de drapeaux européens et ukrainiens, d’innombrables barricades, de graffitis anti-Poutine, et de taches de sang sur la promenade. Au milieu des campements révolutionnaires, les badauds se mélangeaient aux journalistes venus du monde entier pour couvrir l’événement.
Je voulais immortaliser cette atmosphère « à l’ancienne », à l’argentique. Je n’étais encore qu’un photographe amateur, mais je savais déjà que je voulais y faire mon premier reportage, et interroger la jeunesse pro-ukrainienne rencontrée aux abords de Maïdan. Surpris d’être sollicités par un Français, ces jeunes m’avaient accepté dans leur quotidien. Alina, Anna, Constantine, Dmytro, Ira, Lisa, Oksana, Olga, Roma, Viktor… Ils avaient entre 20 et 25 ans, portaient le deuil de la répression, la fierté d’avoir changé le cours des choses et l’optimisme d’un rapprochement avec l’Union européenne.
Leurs espoirs allaient vite être douchés. Au lendemain de ce qui avait pu apparaître comme une victoire du peuple ukrainien, les tensions s’exacerbèrent, les événements dans la capitale avaient précipité l’annexion de la Crimée par la Russie, enclenché le conflit dans le Donbass, opposant des séparatistes soutenus par Moscou aux nouvelles autorités de Kiev. Quelques semaines après avoir documenté ce mouvement, je me retrouvai à interroger les pro-russes de Donetsk, et à être témoin des premiers bombardements de la guerre, prémices de l’invasion qui surviendrait en 2022.
Les années passaient, nous rapprochant de cette issue. Cependant, j’avais gardé contact avec ces jeunes et nous étions devenus amis. De Kiev à Donetsk, l’Ukraine m’avait profondément marqué et traumatisé. Ensemble, nous avions donc un point commun. Je ne travaillais plus à l’argentique, mais au numérique ; j’avais tourné le dos à ma carrière dans l’administration pour devenir photojournaliste. Sur les réseaux sociaux, nous échangions sur nos quotidiens. Roma n’était plus étudiant et s’était engagé dans l’armée pour venger son père tué sur le front du Donbass. Sa sœur Oksana songeait à fuir le pays. Traumatisée par Maïdan, Anna étudiait à Dresde en Allemagne. Dmytro se concentrait sur ses études de médecine à Kiev, et Lisa était au Canada pour prendre du recul.
À mon retour en 2017, la place de l’Indépendance avait retrouvé sa destination première, c’est-à-dire un point de rencontre pour les citoyens, mais elle était aussi un lieu de recrutement pour les bataillons et de rassemblement pour les nationalistes raillant la Russie. Les fleurs étaient toujours présentes pour commémorer les morts. Les stèles n’étaient plus faites de briques mais de marbre dans une rue rebaptisée Allée des Cent-Héros-Célestes.
J’ai eu la chance d’y revoir quelques ami·e·s. Roma avait fini son service militaire et travaillait dans le marketing, Lisa était graphiste à Kiev. La rencontre qui m’avait le plus marqué était celle d’Ira. En 2014, cette jeune étudiante en agriculture biologique portait une couronne de fleurs et s’habillait comme une jeune femme de son âge. En 2017, elle arborait des vêtements militaires et revenait du Donbass. Mise au repos forcé, elle ne souhaitait pourtant qu’une chose : retourner à la guerre. En attendant, elle suppliait le peuple ukrainien de se réveiller pour combattre les pro-russes
En 2018, je retournai en Ukraine. Les ami·e·s voulaient être des acteurs de la future Ukraine. Constantine gérait un écolodge à succès, Olga travaillait pour les Nations unies et Dmytro était devenu cardiologue. Ira était retournée dans le Donbass tandis que Roma, qui s’était engagé dans l’armée, allait y repartir. Malgré la corruption, chacun voyait des changements depuis Maïdan : c’était une nation enfin unie et solidaire, avec un fort patriotisme et une fierté culturelle. Cependant tout un pays était prêt à se battre, si un jour la Russie lui déclarait la guerre.
J’avais pour ambition de continuer ce projet lorsqu’Olga, puis Anna, Oksana et Dmytro m’ont appelé le 24 février 2022. L’invasion russe nous a bouleversés, mais personne n’était surpris. Pour Anna et Oksana, le choc était plus rude, car elles habitaient désormais à Leipzig en Allemagne, et à La Corogne en Espagne. Olga, Lisa et Alina avaient fui la capitale pour s’installer dans l’ouest du pays. Dmytro ne voulait pas s’engager pour rester à l’hôpital de Kiev. Quant à Roma et Ira, ils partaient au front. Depuis nos derniers échanges en mars, je n’ai plus de nouvelles.
J’espère retourner d’ici quelques mois à Kiev et dans d’autres villes pour continuer ce projet débuté en 2014. Je n’imaginais pas alors la direction qu’il prendrait, encore moins la tournure des événements. Après Maïdan, mes ami·e·s de Kiev s’étaient pris à rêver : à l’image de toute une nation, ils pensaient s’ouvrir enfin à l’Europe et au monde, et découvrir de nouvelles cultures. Mais depuis le 24 février 2022, ils rêvent simplement de victoire et de liberté.
Cet article vous a été utile et vous a plu ? Soutenez notre publication !
L’ensemble des publications sur ce site est en accès libre et gratuit car l’essentiel de notre travail est rendu possible grâce au soutien d’un collectif de partenaires. Néanmoins tout soutien complémentaire de nos lecteurs est bienvenu ! Celui-ci doit nous permettre d’innover et d’enrichir le contenu de la revue, de renforcer son rayonnement pour offrir à l’ensemble du secteur humanitaire une publication internationale bilingue, proposant un traitement indépendant et de qualité des grands enjeux qui structurent le secteur. Vous pouvez soutenir notre travail en vous abonnant à la revue imprimée, en achetant des numéros à l’unité ou en faisant un don. Rendez-vous dans notre espace boutique en ligne ! Pour nous soutenir par d’autres actions et nous aider à faire vivre notre communauté d’analyse et de débat, c’est par ici !
Pour offrir les meilleures expériences, nous utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations des appareils. Le fait de consentir à ces technologies nous permettra de traiter des données telles que le comportement de navigation ou les ID uniques sur ce site. Le fait de ne pas consentir ou de retirer son consentement peut avoir un effet négatif sur certaines caractéristiques et fonctions.
Fonctionnel
Toujours activé
Le stockage ou l’accès technique est strictement nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de permettre l’utilisation d’un service spécifique explicitement demandé par l’abonné ou l’utilisateur, ou dans le seul but d’effectuer la transmission d’une communication sur un réseau de communications électroniques.
Préférences
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de stocker des préférences qui ne sont pas demandées par l’abonné ou l’utilisateur.
Statistiques
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement à des fins statistiques.Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement dans des finalités statistiques anonymes. En l’absence d’une assignation à comparaître, d’une conformité volontaire de la part de votre fournisseur d’accès à internet ou d’enregistrements supplémentaires provenant d’une tierce partie, les informations stockées ou extraites à cette seule fin ne peuvent généralement pas être utilisées pour vous identifier.
Marketing
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire pour créer des profils d’utilisateurs afin d’envoyer des publicités, ou pour suivre l’utilisateur sur un site web ou sur plusieurs sites web ayant des finalités marketing similaires.