Féru de littérature et passionné par les affres de la santé mentale, le docteur Guyader, psychiatre hospitalier, a consacré sa vie professionnelle à ouvrir des brèches dans l’indifférence de nos sociétés excluantes. En banlieue parisienne, ce chef de service en psychiatrie s’est démené avec son équipe pour rendre à ces citoyens abandonnés la dignité qui leur est due.
Au loin, du Cambodge au Rwanda en passant par l’Irak et la Palestine, rares étaient les acteurs humanitaires à se soucier des profondes blessures psychiques dont pouvaient souffrir celles et ceux qui se repassaient en boucle, comme des mantras de mort, les visions d’horreur et les cris des suppliciés.
C’est ainsi que, tandis que je faisais route avec les fondateurs de Handicap International, le docteur Guyader a jeté un pont entre sa pratique en France et ces maux d’ailleurs. À l’invitation du ministère français des Affaires étrangères, il s’est lancé dans l’élaboration de programmes destinés aux personnels de santé palestiniens soucieux de santé mentale. Pendant dix ans, de 1996 à 2006, il s’est ainsi rendu en Palestine, participant à la formation de psychiatres confrontés au drame d’un peuple et à ses blessures invisibles.
Ce livre témoigne de l’itinéraire d’un médecin humaniste qui s’est joué des frontières pour atteindre les confins de l’esprit.
Le mot de l’éditeur
Alors que Charlie Chaplin nous a donné du vagabond une image généreuse et poétique, comment inscrire une pratique de psychiatre de service public dans les pas de ce désarmant trimardeur ? Comment essayer d’ouvrir le champ des interrogations les plus fécondes, comment proposer qu’adviennent des rencontres improbables entre les personnes les plus dissemblables, comment explorer les chemins parfois escarpés de la pensée, de l’expression artistique, de la réflexion philosophique et de la question sociale ? C’est à ces questions que Michaël Guyader tente de donner une esquisse de réponse en racontant ce qu’a été son aventure exaltante de chef de service en psychiatrie dans la banlieue parisienne la moins nantie : accompagné d’une équipe remarquable de compétence, d’attention et de dévouement, il s’est employé à mettre en œuvre un projet de soin orienté par la résistance à toute forme de domination de l’homme par son semblable, à une époque où les conduites de partition, de ségrégation et d’exclusion font florès. De son compagnonnage avec la folie, et grâce à des rencontres avec nombre de « gens ordinaires faisant des choses extraordinaires » comme le disait Lucien Bonnafé, il nous livre une vive incitation à penser sans trop de contraintes et propose à la réflexion de chacun un point de vue radical et original sur l’aliénation, entre psychanalyse et politique.