Aide humanitaire en Palestine : repenser la neutralité au prisme de la protection de l’enfance

Elise Reslinger
Elise ReslingerActuellement doctorante en sciences sociales et politiques à l’université de Bath (Royaume-Uni) après une expérience professionnelle de sept ans en Territoire palestinien occupé. Elise Reslinger a été responsable de programmes puis représentante d’une ONG française (Secours Islamique France) avant d'être chargée de protection pour l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).
Joan Deas
Joan DeasDoctorante et attachée temporaire d’enseignement et de recherche en sciences politiques à Sciences Po Grenoble, Joan Deas est également chercheure associée à la Chaire Raoul-Dandurand en Études stratégiques et diplomatiques de l’université du Québec à Montréal, à l’Observatoire canadien sur les crises et l’aide humanitaire (UQAM) et au Réseau Genesys de l’université catholique de Louvain. Elle a précédemment travaillé en Territoire palestinien occupé au sein de plusieurs ONG locales, notamment comme chargée de recherche au Gaza Community Mental Health Programme. Joan coordonne aussi régulièrement des séjours académiques et éducatifs dans la région.

En novembre 1947 était adopté le Plan de partage de la Palestine qui allait ouvrir le chapitre des guerres israélo-arabes. Soixante-dix ans plus tard, la situation humanitaire en Territoire palestinien occupé ne cesse de se détériorer, particulièrement dans la bande de Gaza, en processus de « dé-développement ». Joan Deas et Elise Reslinger, au prisme de la question de la protection des enfants palestiniens, nous invitent à repenser et questionner le paradigme de l’aide humanitaire en place aujourd’hui, sclérosée par une approche gestionnaire favorisant la déresponsabilisation de la puissance occupante.

Depuis la signature des accords d’Oslo par le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin et le chef de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) Yasser Arafat le 13 septembre 1993 sous l’égide de la Maison Blanche, plus de 23 milliards de dollars d’aide ont été investis par la communauté des donateurs. Cela fait de la population palestinienne l’un des plus importants bénéficiaires d’aide non militaire per capita au monde[1]Jeremy Wildeman et Alaa Tartir, “Can Oslo’s failed aid model be laid to rest?”, Al-Shabaka, 19 septembre 2013. Pourtant, 24 ans après les accords ayant paramétré cette hypothétique « paix économique », non seulement la paix n’est toujours pas là, mais tous les indicateurs à disposition indiquent une détérioration de la situation économique et humanitaire en Territoire palestinien occupé (TPO)[2]Voir UNCTAD, “Assistance to the Palestinian People: Developments in the Economy of the Occupied Palestinian Territory”, septembre 2017 ; Jon Pedersen et Rick Hooper (dir.), Developing … Continue reading. La protection de l’enfance est en ce sens un sujet particulièrement préoccupant et révélateur, non seulement des dysfonctionnements profonds, mais surtout des biais idéologiques intrinsèques du « modèle d’Oslo ». La continuation des violations des droits des enfants palestiniens, malgré la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant en 1991 par Israël et en 2014 par la Palestine, met en lumière les limites de l’aide humanitaire selon le paradigme proposé par les accords d’Oslo.

Oslo et la «paix économique»: un modèle d’aide néolibéral perpétuant l’occupation

Ces accords, considérés alors comme les plus prometteurs de l’histoire du conflit, étaient censés constituer le point de départ d’un processus transitoire, avec pour point d’orgue la création d’un État palestinien dans une limite de 5 ans. C’était il y a 24 ans déjà. Aujourd’hui, la Palestine ne jouit toujours d’aucun attribut de souveraineté et demeure sous le contrôle total de la force occupante. Comme l’explique Sam Bahour, « les ressources économiques et stratégiques de l’État – la terre, l’eau, les routes, les frontières, le spectre électromagnétique, l’espace aérien, l’accès, la circulation, l’électricité, les relations de libre-échange et la population, la plus importante – sont micro-gérées à 100 % par l’occupation militaire israélienne [3]Sam Bahour, “Palestine’s Economic Hallucination”, This Week in Palestine, 9 août 2014.  ». La population palestinienne subit une liberté de mouvement restreinte, un manque d’accès aux services de base et s’enlise dans le cercle vicieux de la dépendance à l’aide. Le principe de « paix économique », conçu par les accords d’Oslo et renforcé par les grandes institutions internationales, notamment la Banque mondiale dont les recommandations apolitiques et décontextualisées ont encouragé et systématisé son application[4]Jeremy Wildeman et Alaa Tartir, “Persistent failure: World Bank policies for the Occupied Palestinian Territories”, Al-Shabaka, 9 octobre 2012., a le monopole idéologique du système d’aide en Palestine depuis plus de deux décennies. Il est basé sur un postulat néolibéral biaisé, considérant le développement économique comme la prémisse de la stabilité politique et de la paix, faisant ainsi fi du contexte politique d’occupation et de la relation asymétrique de dépendance économique à Israël et l’aide internationale dont souffrent les Palestiniens. Appliqué depuis vingt-quatre ans au sein du TPO, ce principe vise ainsi à investir toujours plus d’argent via la communauté des donateurs afin d’encourager un développement économique illusoire et artificiel – car dépendant d’un afflux économique extérieur voué à se tarir.

La création de l’Autorité palestinienne (AP), une forme de proto-gouvernement chargé d’administrer localement ce modèle de « paix économique », a quant à elle encouragé un sentiment illusoire et trompeur de souveraineté économique et d’autonomie politique, tout en contribuant à dépolitiser la « question palestinienne ». Comme l’explique Lev Mintz, « l’OLP, un mouvement de libération nationale anticolonial, a été remplacé comme principal acteur et interlocuteur politique palestinien par l’AP, un embryon de gouvernement quasi autonome. Les thématiques de développement, en accord avec les institutions internationales sont ainsi devenues la préoccupation principale du gouvernement de l’AP, supplantant de facto la mobilisation politique contre l’occupation[5]Jesse Lev Mintz, After Oslo: Palestinian NGOs and the Peace Process, thèse de maîtrise, université de Londres, 2011, p. 27. ». Ce mirage d’autonomie et de prospérité ainsi créé a conduit les Palestiniens à accepter les compromis politiques concédés par leurs représentants, tout en contribuant à décharger Israël de ses responsabilités légales de puissance occupante au regard des Conventions de Genève. Pourtant, au lieu d’être renégociés, ces principes sont devenus les paramètres fondamentaux constituant la base de toutes les négociations postérieures à 1993. Ainsi, le « langage d’Oslo » s’est imposé à la fois comme vocabulaire et approche dominants du conflit et de son processus de gestion, discréditant et délégitimant de fait toute suggestion qui tenterait de diverger de cette idéologie[6]Idem.. Les accords d’Oslo ont ainsi établi une forme de « régime de vérité[7]Michel Foucault, Dits et Écrits II (1976-1988), Quarto Gallimard, 2001. », internalisé non seulement par l’AP, mais également par la communauté des donateurs et les organisations d’aide locales et internationales.

Paralysie et asymétrie politiques: la responsabilité américaine

Le rôle joué par les États-Unis dans la construction du modèle d’Oslo et le renforcement de son monopole idéologique sont fondamentaux. Officiellement médiateur principal des négociations israélo-palestiniennes depuis les années 1970, les États-Unis ont non seulement échoué à rééquilibrer l’asymétrie de puissance entre les parties, mais ont au contraire aggravé celle-ci en soutenant systématiquement la position israélienne, à la fois au niveau bilatéral et multilatéral. En favorisant l’option de « négociations bilatérales directes » bien plus favorable au camp israélien, l’hégémonie matérielle et idéationnelle américaine sur le processus de paix a permis de neutraliser les tentatives d’intervention d’acteurs potentiellement plus favorables au camp palestinien. Cette hégémonie a également paralysé le fonctionnement des institutions internationales en capacité de sanctionner Israël[8]Roland Dannreuther, “Understanding the Middle East Peace Process: A historical institutionalist approach”, European Journal of International Relations, vol. 17, n° 2, 2010, p. 187-208.. C’est le cas du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU), où les États-Unis ont utilisé leur droit de veto quasi systématiquement afin de protéger l’État israélien (sur un total de 49 veto pour 92 résolutions adoptées par le Conseil concernant le conflit israélo-arabe depuis 1946, 41 étaient d’origine américaine[9]Données compilées grâce au site www.un.org ). Cette paralysie des mécanismes multilatéraux reflète l’échec plus général de l’ONU à occuper un rôle politique central dans le processus de résolution de ce conflit et de la situation d’occupation qu’il implique, inédite par sa durée. Même si depuis plus de soixante ans, l’ONU a été au centre de la construction des différents paramètres encadrant la résolution du conflit, l’organisation internationale a cependant progressivement été contournée, paralysée, instrumentalisée, ou a vu son rôle politique considérablement amoindri par l’hégémonie américaine[10]Phyllis Bennis, “What has been the role of the UN in the Israel-Palestine struggle?”, Trans Arab Research Institute, janvier 2001 ; et Roland Dannreuther, “Understanding…”, art. cit., ne devant se contenter que d’un rôle tout au plus technique et administratif de gestion de l’aide et d’archivage d’informations. 

De graves conséquences sur le terrain

Cette fragilité économique, ainsi que cette absence d’avancée sur le plan politique ont eu des conséquences désastreuses pour la population palestinienne. En 2016, le taux de chômage atteignait 18 % en Cisjordanie, et 42 % dans la bande de Gaza ; le taux de chômage des jeunes (15-29 ans) était de 27 % en Cisjordanie et de 56 % à Gaza[11]UNCTAD, “Assistance…”, art. cit.. En 2011, le taux de pauvreté atteignait 17,8 % en Cisjordanie, et grimpait jusqu’au chiffre alarmant de 38,8 % dans la bande de Gaza. Cette dernière, dont l’économie est totalement asphyxiée par le blocus israélien mis en place depuis 2007, est en situation de « dé-développement » depuis désormais dix ans. En 2016, environ la moitié des Gazaouis souffraient d’insécurité alimentaire et plus de 80 % étaient dépendants de l’aide alimentaire et d’autres programmes sociaux. Après des années de croissance artificielle, gonflée par les afflux financiers de l’aide internationale, le PIB par habitant s’est également effondré en Cisjordanie. En 2013, il perdait 1,5 %[12]Voir les différents rapports d’OCHA : http://www.ochaopt.org et Palestinian Central Bureau of Statistics (http://www.pcbs.gov.ps).. Le développement de l’occupation et l’accélération de la colonisation fragmentent quant à elles le territoire palestinien et les communautés qui y vivent, celles-ci subissant une forte restriction de leur liberté de mouvement ainsi que le non-respect de la majorité de leurs droits fondamentaux.

Une réponse humanitaire inadéquate

La seule vue des chiffres précédemment cités suffit à comprendre le problème : alors que la présence humanitaire est en constante augmentation depuis vingt-quatre ans, la situation des Palestiniens ne cesse de se dégrader. Si les organisations humanitaires ont joué un rôle fondamental d’assistance lors des différents pics de violence ponctuant régulièrement le conflit, le contexte dans lequel elles exercent leurs mandats ne leur permet pas de répondre aux vraies sources du problème afin de prévenir les conséquences humanitaires mentionnées précédemment. Celui-ci découle en effet directement de l’impasse du processus de négociation et de la perpétuation de l’occupation, sur lesquelles les organisations humanitaires n’ont qu’une influence négligeable. Ce problème éminemment politique rend impossible toute tentative d’autonomisation et de renforcement des capacités de la population palestinienne sur le long terme, contraignant les organisations humanitaires à « mettre des pansements » sans jamais pouvoir véritablement guérir la plaie.

Impacts de l’occupation: le cas de la protection de l’enfance

Les activités de protection de l’enfance en Palestine incluent le renforcement de capacités de l’AP, mais également des réponses aux situations d’urgence affrontées par quasiment tout enfant palestinien. Deux exemples emblématiques de violations sont les démolitions de structures, maisons ou écoles, mais aussi les détentions d’enfants. En 2016, 1 093 saisies ou démolitions de biens ont été rapportées par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA)[13]http://www.ochaopt.orgen Cisjordanie (incluant Jérusalem Est), déplaçant plus de 1 600 Palestiniens, la moitié étant des enfants, soit quasiment le double de 2015. En outre, environ 500 à 700 enfants sont détenus et poursuivis en justice chaque année[14]Voir DCI : www.dci-palestine.org. Dans les deux cas, des systèmes de réponses d’urgence ont été mis en place par les ONG et l’ONU. Alors que de nombreuses initiatives de plaidoyer auprès des décideurs et du grand public ont été lancées[15]Pour quelques exemples : OCHA, UNRWA ou AIDA., on ne constate pas – au contraire – de diminution du nombre de démolitions ou d’enfants détenus, ce qui amène au constat de l’échec de ces stratégies de sensibilisation. On peut aussi relever qu’environ 30 % des structures démolies ou saisies par les autorités israéliennes en 2016 avaient été financées par les donateurs internationaux lors d’une assistance humanitaire antérieure[16]www.ochaopt.org.

Une stratégie de dépolitisation

L’aide humanitaire proposée dans ces deux situations semble pertinente. Pourquoi sommes-nous alors dans une situation qui empire d’année en année ? Une partie de la réponse se trouve dans la stratégie de dépolitisation de l’aide en TPO. Dans les deux cas, on constate que l’approche du problème – à la fois par les acteurs de l’aide et par la puissance occupante – est purement technique : les ONG et l’ONU essaient de s’assurer que les besoins primaires des enfants sont couverts, s’efforçant de respecter les principes humanitaires d’« impartialité politique », leur mandat les restreignant à un niveau d’aide purement technique. Mais, comme démontré précédemment, il est impossible d’ignorer la nature éminemment politique du problème. La puissance occupante quant à elle, se garde bien de politiser – ou de laisser politiser – l’aide en Palestine. Bénéficiant toujours du soutien indéfectible des États-Unis, Israël profite de sa position de force et de l’asymétrie grandissante avec la partie palestinienne pour développer une logique de contrôle fondée sur une approche purement technique et technocratique du « problème palestinien », favorisant ainsi une approche « gestionnaire » de l’aide et repoussant sine die toute tentative d’approche qui viendrait repolitiser ou questionner la nature et l’efficacité du système d’aide instauré par les accords d’Oslo.

Un problème de responsabilisation

La question de la responsabilisation d’Israël est également problématique au plus haut niveau. Un exemple emblématique en est le cas du « Rapport de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé[17]Rapport du Secrétaire général, « Le sort des enfants en temps de conflit armé », 25 juillet 2016 : http://www.un.org/ga », coordonné par l’Unicef et compilant les cas de violations des droits de l’enfant considérés comme les plus « graves ». À la fin de ce rapport sont listées les parties armées ne respectant pas ces droits. Pour la première fois depuis la création de ce rapport en 1999, le Secrétaire général des Nations unies est allé à l’encontre de l’avis de sa représentante spéciale, Leila Zerrougui, en décidant de ne pas intégrer l’armée de défense d’Israël (IDF) à la liste. Cette décision a fait suite à des pressions politiques de la part d’Israël et des États-Unis, rapportées par diverses organisations des droits de l’Homme et sources proches du dossier[18]Voir notamment Human Rights Watch : www.hrw.org. Cet exemple relance ainsi le débat sur les limites des organisations internationales comme institutions apolitiques, ainsi que l’instrumentalisation qui en est faite par leurs membres les plus puissants afin de servir leurs intérêts nationaux et leurs objectifs de politique étrangère.

La neutralité de l’aide et sa perception

Pour tout travailleur de la protection de l’enfance – et plus généralement humanitaire – se pose alors la question de la neutralité et la non-politisation de l’action de l’aide en TPO. Il n’existe pas de définition de la neutralité commune à tous les acteurs, mais tous s’accordent sur son objectif : obtenir la confiance des acteurs locaux et être opérationnels. Or on note que les populations locales perçoivent les acteurs humanitaires internationaux non pas comme des agents neutres, mais bien politisés, avec leurs propres agendas jugés trop opaques par les populations qu’ils sont censés servir. C’est ainsi que la plupart des manifestations palestiniennes de soutien aux prisonniers politiques sont organisées devant les bureaux du CICR ou de l’ONU, perçus comme « médiateurs » avec l’occupant mais aussi comme partiellement responsables, engendrant parfois des violences contre eux[19]http://blogs.icrc.org/ilot/2017/05/17/security-incident-forces-icrc-shut-ramallah-office/. La société civile israélienne a aussi ses réserves, par exemple, les camps d’été pour les enfants organisés par l’UNRWA sont toujours sous une surveillance accrue des médias israéliens qui accusent régulièrement l’agence de manque de neutralité, voire d’incitation à la violence. La capacité à conserver un accès humanitaire pour accéder aux populations les plus vulnérables est la seconde raison invoquée pour justifier l’impératif de neutralité. Pourtant, le rapport du consortium humanitaire « AIDA » démontre bien que les autorités israéliennes entravent déjà sévèrement l’accès humanitaire, contraignant les organisations à allouer des ressources humaines, logistiques et financières considérables pour garantir leur accès aux bénéficiaires, voire abandonner certains projets. Les restrictions imposées par les donateurs ont aussi un rôle non négligeable dans la réduction de l’espace humanitaire, avec 60 % des organisations sondées se disant affectées négativement par les clauses antiterroristes visant les partenaires locaux, principalement à Gaza[20]Idem.. On peut d’autre part aussi questionner le caractère apolitique de ces clauses.

«Tout est politique»

Ainsi, ce ne sera qu’en confrontant les dynamiques et les pressions géopolitiques qui sont en jeu derrière les violations des droits de l’enfant que les professionnels de l’aide en Palestine pourront commencer à répondre aux vraies causes des violations des droits de l’enfant. Tant que le travail sera effectué dans un cadre faussement prétendu « apolitique » et sans processus de responsabilisation des acteurs violant les droits des enfants, la protection de l’enfance, ainsi que toute action humanitaire en Palestine, restera un mandat impossible. Questionner le paradigme d’Oslo du point de vue de la protection de l’enfance commencera par (re)questionner ces concepts de neutralité et de prise de responsabilité. Comme Jason Hart écrivait en 2015 : « Prévenir le tort systématique fait aux enfants durant un conflit armé est en soi une entreprise politique[21]Jason Hart, “The (anti-)politics of child protection”, Open Democracy, juin 2015 : www.opendemocracy.net/beyondslavery/jason-hart/antipolitics-of-%E2%80%98child-protection%E2%80%99. » Ainsi, si l’ONU et les ONG reconnaissent l’aspect éminemment politique de leur rôle et mesurent leur neutralité en termes de réponses aux violations, alors le véritable travail pourra commencer.

Le paradigme d’aide prévalant dans le TPO n’a fait que renforcer la domination et le contrôle de l’État israélien. En acceptant cette logique instaurée par Oslo et imposée par Israël, en minimisant les tentatives de responsabilisation et de questionnement de l’aide par souci de « neutralité », les organisations internationales contribuent ainsi à décharger Israël de ses responsabilités de puissance occupante, et doivent de ce fait reconnaître leur part de responsabilité dans la dégradation de la situation humanitaire en TPO. Afin d’éviter le maintien « d’une assistance susceptible de contribuer à pérenniser l’occupation[22]Rony Brauman cité par Xavier Crombé (dir.), « L’action humanitaire en situation d’occupation », Les Cahiers du CRASH/Fondation Médecins Sans Frontières, janvier 2007. », ce paradigme d’aide doit donc urgemment passer d’une perspective principalement technocratique, apolitique et neutre – dont on vient d’expliquer l’échec et les incohérences – à un modelé d’aide reconnaissant l’asymétrie de pouvoir à l’œuvre dans le conflit[23]Jeremy Wildeman et Alaa Tartir, “Can Oslo’s…”, art. cit.. Le modèle doit être réarticulé autour de la lutte pour les droits fondamentaux des Palestiniens, tout en s’assurant qu’aucune de ses actions ne favorise la poursuite du projet colonial israélien. Tout doit être fait pour favoriser la fin de l’impasse du processus politique et faire renaître l’espoir de justice qui seule permettrait une véritable amélioration de la situation humanitaire en Palestine.

ISBN de l’article (HTML) : 978-2-37704-272-2

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References

References
1 Jeremy Wildeman et Alaa Tartir, “Can Oslo’s failed aid model be laid to rest?”, Al-Shabaka, 19 septembre 2013.
2 Voir UNCTAD, “Assistance to the Palestinian People: Developments in the Economy of the Occupied Palestinian Territory”, septembre 2017 ; Jon Pedersen et Rick Hooper (dir.), Developing Palestinian Society Socio-economic Trends and their Implications for Development Strategies, Fafo report 242, Fafo Institute for Applied Social Science, 1998 ; et Jeremy Wildeman et Alaa Tartir, “Can Oslo’s…”, art. cit.
3 Sam Bahour, “Palestine’s Economic Hallucination”, This Week in Palestine, 9 août 2014.
4 Jeremy Wildeman et Alaa Tartir, “Persistent failure: World Bank policies for the Occupied Palestinian Territories”, Al-Shabaka, 9 octobre 2012.
5 Jesse Lev Mintz, After Oslo: Palestinian NGOs and the Peace Process, thèse de maîtrise, université de Londres, 2011, p. 27.
6 Idem.
7 Michel Foucault, Dits et Écrits II (1976-1988), Quarto Gallimard, 2001.
8 Roland Dannreuther, “Understanding the Middle East Peace Process: A historical institutionalist approach”, European Journal of International Relations, vol. 17, n° 2, 2010, p. 187-208.
9 Données compilées grâce au site www.un.org
10 Phyllis Bennis, “What has been the role of the UN in the Israel-Palestine struggle?”, Trans Arab Research Institute, janvier 2001 ; et Roland Dannreuther, “Understanding…”, art. cit.
11 UNCTAD, “Assistance…”, art. cit.
12 Voir les différents rapports d’OCHA : http://www.ochaopt.org et Palestinian Central Bureau of Statistics (http://www.pcbs.gov.ps).
13 http://www.ochaopt.org
14 Voir DCI : www.dci-palestine.org
15 Pour quelques exemples : OCHA, UNRWA ou AIDA.
16 www.ochaopt.org
17 Rapport du Secrétaire général, « Le sort des enfants en temps de conflit armé », 25 juillet 2016 : http://www.un.org/ga
18 Voir notamment Human Rights Watch : www.hrw.org
19 http://blogs.icrc.org/ilot/2017/05/17/security-incident-forces-icrc-shut-ramallah-office/
20 Idem.
21 Jason Hart, “The (anti-)politics of child protection”, Open Democracy, juin 2015 : www.opendemocracy.net/beyondslavery/jason-hart/antipolitics-of-%E2%80%98child-protection%E2%80%99
22 Rony Brauman cité par Xavier Crombé (dir.), « L’action humanitaire en situation d’occupation », Les Cahiers du CRASH/Fondation Médecins Sans Frontières, janvier 2007.
23 Jeremy Wildeman et Alaa Tartir, “Can Oslo’s…”, art. cit.

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