Abdulmonam Eassa est né à Damas en 1995. Jusqu’au début de l’année 2018, il a vécu à Hammouria, une ville située dans la région agricole de la Ghouta orientale, à 13 kilomètres au nord-est de Damas. Il a été obligé d’abandonner ses études lorsque la guerre a éclaté en 2011. En 2013, les nombreux crimes commis par l’armée syrienne dont il a été témoin l’ont motivé à commencer son activité de photojournaliste avec quelques amis, pour assurer la couverture médiatique des attaques aériennes presque quotidiennes, des civils tués, et des massacres commis par les forces du gouvernement syrien, avec l’appui des forces aériennes russes dans le cadre de leur « lutte contre le terrorisme ». Leur principal objectif était de montrer au monde entier la réalité de ce qui se passait en Syrie et que les journalistes étrangers ne pouvaient couvrir puisqu’ils n’étaient pas autorisés à entrer dans la zone assiégée par les forces gouvernementales : le gouvernement syrien avait bloqué l’accès aux médias étrangers dès 2011 pour dissimuler ce qui se passait dans le pays.
Fin mars 2018, après une période de terreur et de bombardements durant laquelle des centaines de civils furent tués, un accord a été conclu entre les rebelles et le gouvernement syrien, entraînant l’évacuation forcée des civils vers le nord de la Syrie et il a été contraint de quitter sa ville natale. Une fois sur place, Abdulmonam s’est rendu compte que la situation était intenable et a donc décidé de traverser la frontière turque. Au terme de plusieurs mois de voyage, il a réussi à rejoindre Paris, où il a demandé l’asile.
Après avoir commencé la photographie en autodidacte, Abdulmonam s’est passionné pour le photojournalisme. Ses photos sont parues dans le New York Times, Time, le Guardian ou le Washington Post. Il a été amené à travailler pour l’Agence France Presse. En 2019, il a obtenu le Prix Visa d’Or humanitairedécerné par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
À propos de la Ghouta orientale
La Ghouta orientale est l’une des premières régions ayant participé aux révoltes pacifiques qui ont eu lieu en Syrie début 2011. Le régime a perdu le contrôle de cette zone dès la fin de l’année 2012. Presque les deux tiers de la Ghouta orientale étaient contrôlés par l’opposition et ont été assiégés par le régime syrien pendant plus de cinq ans. La zone est considérée comme l’une des régions ayant subi les plus terribles attaques menées par le régime syrien. Jusqu’en 2011, 1,2 million de personnes y vivaient. En mars 2018, seules 400 000 personnes étaient encore sur place.
La fin inespérée du siège
Une ville assiégée n’est rien d’autre qu’une immense prison qui vous piège, vous et ceux que vous aimez, à l’intérieur d’une zone que vous n’avez aucun moyen de quitter.
La seule issue possible est de trouver refuge dans vos rêves et souvenirs, mais cela ne peut pas durer : à chaque occasion, la réalité vous rattrape et vous entraîne dans un tourbillon d’horreurs quotidiennes et de souffrance. Il faut compter avec le bruit des bombardements et des attaques aériennes, l’ombre de la mort qui vous suit partout où vous allez, la faim, un climat glacial, la flambée des prix, et des pertes humaines qui n’en finissent jamais.
Jusqu’en mars 2018, les villages de la Ghouta orientale ont été ciblés quotidiennement par les attaques aériennes, à une fréquence terrifiante et destructrice : du jamais vu, même pendant la période de siège, et ce depuis 2013.
En moins de 60 jours, le visage des villes et des villages du territoire s’est transformé en raison de la destruction des mosquées, des hôpitaux et des écoles. Les bombardements ont en fait servi de punition collective imposée à quiconque vivait à l’intérieur de la ville assiégée, et de leçon à tous les autres quartiers et villes rebelles. Pendant toute cette période, beaucoup d’innocents n’ont pas eu l’occasion de quitter leurs abris afin de satisfaire leurs besoins quotidiens : ils étaient terrorisés par les bombardements permanents, et certains sont morts dans leurs abris en essayant de se protéger.
Bien que petite, la zone de la Ghouta orientale – contrôlée par les brigades d’opposition et quelques factions islamistes – a constitué un prétexte suffisant pour que le régime syrien mobilise un imposant dispositif militaire, avec l’appui des forces aériennes russes, afin de massacrer des milliers de civils innocents en utilisant toutes sortes de munitions. En mars 2018, de nombreux combattants et civils ont été évacués de force vers le nord de la Syrie, à la suite d’un accord injuste demandant que près de 70 000 résidents quittent leurs maisons et leurs terres.
ISBN de l’article (HTML) : 978-2-37704-604-1