Le caractère proprement inédit de la pandémie a autant mobilisé que déconcerté les ONG humanitaires et leurs personnels. L’inaction forcée mêlée à la mise en place de programmes dans un contexte très incertain a engendré des expériences morales fortes, parfois douloureuses. Le projet de recherche initié au sein de Médecins Sans Frontières Suisse a déjà permis de recueillir des données utiles aussi bien pour la présente crise que pour d’autres à venir.
Les questions morales liées à la pratique médicale et aux choix opérationnels ont été soulevées au sein de Médecins Sans Frontières (MSF) dès la création de l’organisation. La gestion des programmes humanitaires implique souvent des décisions complexes, par exemple lorsque des compromis doivent être trouvés avec les belligérants afin d’obtenir un accès aux populations[1]Chiara Lepora, Robert E. Goodin, On complicity and compromise, Oxford University Press, 2013., ou que des décisions concernant les principes de collecte de fonds ou le positionnement politique et public doivent être prises. Les difficultés sont également fréquentes lorsque les équipes humanitaires doivent décider de l’allocation de ressources médicales limitées dans des contextes où de nombreuses personnes en ont besoin, comme ce fut le cas pour des collègues lors de la pandémie de VIH[2]Ruth Macklin, Ethics in Global Health: Research, Policy and Practice, Oxford University Press, 2012..
Les expériences morales sont des questions qui reflètent ce qui est en jeu sur le plan éthique pour les individus et les communautés ; elles « englobent le sentiment d’une personne que les valeurs qu’elle juge importantes sont réalisées ou contrecarrées dans la vie quotidienne. Cela inclut les interprétations qu’une personne a d’une rencontre vécue, qui évoluent sur un continuum bien-mal, bon-mauvais ou juste-injuste[3]Matthew R. Hunt, Franco A. Carnevale, “Moral experience: a framework for bioethics research”, J Med Ethics, vol.37 (11), November 2011, p.658-662. ». Les expériences morales ne se limitent pas aux dilemmes éthiques classiques ou à l’argumentation savante, mais s’exercent dans la vie quotidienne.
Ce que ces événements ont en commun réside dans la tension entre les priorités et les valeurs, le fait que la personne qui vit la situation y est impliquée et ne peut agir selon ses propres valeurs. Cela peut conduire à une détresse morale, qui est définie comme se produisant lorsque l’on « sait ce qu’il faut faire, mais les contraintes institutionnelles, contextuelles ou culturelles font qu’il est quasi impossible de suivre la bonne façon de procéder[4]Andrew Jameton, “Dilemmas of Moral Distress: Moral Responsibility and Nursing Practice”, AWHONN’s clinical issues in perinatal and women’s health nursing, vol.4 (4), 1993, p.542-551. ».
L’analyse des expériences morales pouvant conduire à une détresse morale dans le travail humanitaire est, depuis 2018, au cœur des recherches menées au centre opérationnel de MSF à Genève.
Récemment, il a été reconnu que la détresse morale affectait les travailleurs humanitaires[5]Sarah Gotowiec, Elizabeth Cantor-Graae, “The burden of choice: a qualitative study of healthcare professionals’ reactions to ethical challenges in humanitarian crises”, Journal of International … Continue reading. Il existe des preuves suggérant que, faute d’être traitée, elle contribue à la démoralisation, à la désensibilisation et au burn-out du personnel et, en définitive, à une baisse des normes relatives à la sécurité des patients et à la qualité des soins[6]Michiyo Ando, Masashi Kawano, “Relationships among moral distress, sense of coherence, and job satisfaction”, Nursing Ethics, vol.25(5), August 2018, p.571-579 ; Ann B. Hamric, Elizabeth G. … Continue reading. Ainsi, il est nécessaire de trouver un moyen de gérer les sentiments d’insuffisance, d’impuissance, de non-sens et de frustration afin d’éviter des conséquences néfastes pour les individus et la qualité du travail humanitaire[7]Sofia Nilsson et al., “Moral Stress…”, art. cit.. Les stratégies d’adaptation et la façon dont les individus surmontent les défis moraux sont susceptibles d’être affectées par la qualité du soutien qu’elles reçoivent avant, pendant et après la confrontation à une situation difficile.
L’analyse des expériences morales pouvant conduire à une détresse morale dans le travail humanitaire est, depuis 2018, au cœur des recherches menées au centre opérationnel de MSF à Genève. Le projet sur les « expériences morales » en cours sert à reconnaître l’importance de celles-ci dans la conduite de l’action humanitaire et entend fournir au personnel un espace pour partager des expériences et des stratégies afin de prévenir ou d’atténuer la détresse morale. L’objectif est d’avoir une meilleure compréhension des expériences morales susceptibles d’entraîner une détresse morale et, en fin de compte, de mieux soutenir le personnel dans ces situations en développant du matériel d’intégration et de formation, des stratégies de soutien par les pairs et des lignes directrices éthiques plus générales.
L’impact de la pandémie de la Covid-19
Comme toutes les organisations humanitaires, MSF a été considérablement affectée par les conséquences de la pandémie de la Covid-19. Pour une organisation humanitaire médicale, il est particulièrement difficile de soutenir la réponse à la Covid-19 tout en maintenant des programmes médicaux réguliers auprès de dizaines de milliers de patients. Nous sommes confrontés à d’énormes obstacles pratiques, notamment concernant les mouvements de personnels à travers les frontières et les défis découlant de la pénurie de fournitures médicales disponibles. La situation actuelle augmente potentiellement la détresse morale. La prise de décision est difficile sur le plan éthique, en raison de la crise qui évolue rapidement et de l’incertitude dans laquelle les décisions doivent être prises.
Les entretiens du projet « expériences morales » réalisés pendant la pandémie ont été considérés comme cruciaux pour mieux comprendre la façon dont la situation a affecté les travailleurs humanitaires et nourrir une réflexion sur la manière de prévenir et d’atténuer la détresse morale potentielle dans ce contexte. Nous avons effectué une analyse préliminaire des expériences morales du personnel liées à la pandémie de la Covid-19, en utilisant une approche qualitative pour identifier les thèmes récurrents et extraits des exemples représentatifs des entretiens. Il est important de noter que l’échantillonnage n’était pas censé être représentatif et que les entretiens portaient sur les expériences morales en général, non limitées à la Covid-19.
Au total, douze entretiens ont été menés pendant la pandémie (avril et mai 2020) : auprès de personnels des opérations et des fonctions support des sièges (six), de coordinateurs pays et projet, en mission ou entre deux missions (quatre), d’un personnel international en mission ou entre deux missions et d’un personnel national. La moitié d’entre eux (six) bénéficiait d’une formation médicale ou liée à la santé. Le projet étant en cours, d’autres entretiens sont prévus, avec le personnel sur le terrain et le personnel national. Les entretiens semi-directifs ont été menés via Zoom en français ou en anglais et ont duré entre quarante-cinq et soixante minutes. Un effort particulier a été fait pour joindre les collègues nationaux, cependant sans succès principalement en raison de problèmes techniques. Cet article présente donc une vision partielle des expériences morales des travailleurs humanitaires, qui sera complétée par de nouvelles recherches.
Défis moraux pendant la pandémie
Nous avons identifié trois grandes catégories de circonstances moralement difficiles vécues par les personnes interrogées en raison de la pandémie de la Covid-19. Tout d’abord, étant donné que la pandémie a touché les pays à revenu élevé où la plupart de nos sièges sont situés, et d’où proviennent la plupart de nos employés internationaux, le personnel devait trouver un équilibre entre la loyauté envers son travail à l’étranger et celle envers sa famille et ses amis laissés derrière lui. En outre, cela a mis en évidence les défis des interventions humanitaires dans les pays riches. Deuxièmement, les contraintes en matière de ressources et de mobilité internationale ont servi de catalyseur à la détresse morale du personnel au cours de projets dans des contextes déjà complexes. Troisièmement, lorsque le personnel a été condamné à l’inaction, ce qui a pu se produire en raison du confinement, de la priorité donnée à d’autres projets, de restrictions relatives aux voyages internationaux, ou parce que des membres du personnel ont été évacués de façon préventive en vue de les protéger s’ils appartenaient à un groupe à risque, le sentiment de faire quelque chose de « mal », moralement, était fort.
Une crise touchant tout le monde et partout
Pour la première fois à cette échelle, notre personnel a mené des interventions d’urgence fournissant de l’aide dans les pays à revenu élevé. Ces interventions ont soulevé de nombreuses questions pour les personnes concernées, allant du sentiment d’un « travail » ne s’arrêtant jamais, découlant du fait d’avoir de la famille et des amis vivant la même crise, aux questions morales liées à la pertinence d’allouer des ressources dans un pays riche.
Personnel des opérations, siège : « Lorsque nous cherchions à aider ici, je n’arrêtais pas de penser : est-il juste que nous utilisions les ressources ici ? Si les ressources venaient à se raréfier, qui devrait avoir la priorité, les terrains ou notre nouveau projet Covid-19 ici ? En fin de compte, dans notre projet, nous avons fourni une expertise technique aux organisations soutenant les groupes les plus marginalisés, ce qui a été très apprécié, et aucune ressource n’a été détournée. Cela a été résolu d’une manière très satisfaisante. »
L’espace de travail humanitaire, la famille et les amis au domicile ont soudainement été exposés à une grave menace pour la santé, en même temps que les déplacements internationaux étaient quasi interrompus. Cela a exposé le personnel au sentiment d’être déchiré entre les exigences du travail et la famille, mais aussi à l’accumulation des défis dans leurs vies professionnelle et privée.
Personnel des services support, siège : « Lorsque nous commençons ce travail, nous allons sur le terrain en acceptant un certain niveau de risque, prêts à faire face à des situations difficiles, mais nous avons cette assurance et cette confiance que l’organisation s’assure de la gestion de la sécurité, et que nous pouvons rentrer chez nous à n’importe quel moment si quelque chose arrive à nos familles… Mais cette possibilité n’est plus facilement accessible, et l’organisation ne peut rien y faire. »
Chef de mission (CdM), personnel international : « Lorsque les voyages internationaux ont commencé à être interrompus, j’ai parlé avec chaque membre de l’équipe pour les informer que, s’ils voulaient partir, c’était maintenant. Plus tard, il n’y avait aucune garantie qu’ils puissent rejoindre leurs familles si quelque chose leur arrivait. Avec l’évolution de la situation, en plus de travailler de très longues journées, ces employés parlaient à leurs familles tous les soirs, les réconfortant et les soutenant et cela ne faisait qu’ajouter de l’inquiétude supplémentaire au sujet de la famille à la maison. »
La pandémie de la Covid-19 comme catalyseur
Dans les contextes déjà complexes, tels que les environnements où l’insécurité est importante ou les projets transfrontaliers, la pandémie de la Covid-19 et ses conséquences ont ajouté une difficulté supplémentaire pour le personnel. La réduction ou la suppression des possibilités de déplacement et d’évacuation, combinées à la détérioration des contextes de sécurité et au confinement, sont devenues trop lourdes pour certains.
Infirmière, personnel international : « J’ai fini par avoir le sentiment que je devais décider de quitter le projet. Avec la détérioration de la situation sécuritaire, l’inefficacité du travail à distance, les difficultés croissantes pour se déplacer à l’intérieur du pays, et la potentielle insuffisance d’équipement de protection individuelle (EPI)… Je me sentais tellement impuissante dans cette situation . J’ai l’impression que cela revenait à abandonner le projet. Et les gens. »
Le personnel médical a été témoin de contraintes accrues telles que des possibilités limitées d’orientation des patients vers des soins spécialisés indispensables.
Infirmière, personnel international : « Pour notre projet transfrontalier, nous avions l’habitude de diriger les patients d’un camp de personnes déplacées à l’intérieur du pays vers un établissement chirurgical. Mais désormais, la frontière était fermée. C’était une lutte quotidienne pour négocier avec les autorités. Si elles disaient non, la femme qui avait besoin d’une césarienne en urgence ne serait pas en mesure de la recevoir. Cela n’avait tout simplement aucun sens pour moi puisque, à notre connaissance, il n’y avait pas de cas de Covid-19 dans la région… Il m’était vraiment difficile d’accepter que nous ne puissions pas simplement ouvrir cette frontière pour transférer des patients. »
L’inaction imposée aux travailleurs humanitaires
Un fort sentiment de perte d’objectif a été particulièrement important lorsque le personnel, attaché aux valeurs de MSF et impliqué dans ses actions, s’est vu empêcher ou incapable d’agir là où il avait été affecté en raison des confinements, des quarantaines ou des restrictions de voyage liés à la Covid-19.
CdM, personnel international : « Un projet était sur le point de se terminer et un autre n’avait pas encore commencé. Puis le confinement est arrivé. Donc, essentiellement, nous devions simplement rester à la maison et attendre la fin du confinement. L’équipe a été perturbée. Ils devaient faire quelque chose, sinon ils ne voyaient pas de raison d’être ici. Quelle est ma fonction ici si nous ne faisons rien ? Nous n’avons pas un seul patient. »
Les participants ont fait part de leur frustration lorsque les autorités locales ont demandé le soutien de MSF pour lutter contre la pandémie : ils ont voulu proposer des interventions, avaient parfois même les moyens et le matériel, mais leur sentiment est que leur situation n’a pas été immédiatement priorisée par les responsables au niveau des sièges.
CdM, personnel international : « Nous n’avons rien demandé, pas de ressources humaines, pas d’EPI, pas d’argent, nous avions réussi à obtenir ces ressources à partir d’autres projets dans le pays, mais le siège a quand même d’abord dit non à notre proposition d’intervention relative à la Covid-19. Et cela a été très difficile pour les médecins et les infirmières face aux patients. »
Même lorsque les équipes ont compris les décisions, une autre difficulté a été d’en expliquer la raison aux communautés et au personnel locaux.
Coordinateur médical, personnel national : « Mettre un projet en standby est vraiment une décision difficile à prendre. Mais il est encore plus difficile d’expliquer cela au personnel local et à la communauté. Ils savent que MSF est là pour les urgences, et aujourd’hui la Covid-19 est une urgence, et nous avons beau expliquer les ressources limitées – les gens ne comprennent pas pourquoi MSF part maintenant. »
Les solutions pragmatiques des participants
Les participants ont décrit une gamme de stratégies qui les ont aidés ou peuvent les avoir aidés lorsqu’ils se sont retrouvés dans ces situations difficiles. L’accès à des informations régulières et complètes était le plus important, augmentant le sentiment de pouvoir agir, d’avoir un contrôle sur une situation. Le fait d’être inclus dans la prise de décision, de partager les responsabilités et les expériences a également été mentionné.
Infirmière, personnel international : « En attendant un vol de retour, le CdM m’appelait presque tous les jours pour m’informer de ce qui était fait, même pour dire “pas de nouvelles”, c’était vraiment utile. J’étais sûre que les gens travaillaient là-dessus et que je n’étais pas oubliée. »
La plupart des informations étaient perçues comme se perdant à tous les niveaux de la hiérarchie. Par conséquent, un contact direct et un partage ouvert des informations étaient considérés comme nécessaires. De plus, les participants ont souligné que les informations sont souvent partagées par courriel ou sur des plateformes institutionnelles, alors que toutes les personnes n’ont pas un accès égal aux connexions institutionnelles, aux ordinateurs et à Internet – et donc aux informations. Une approche plus inclusive a été suggérée. Un espace de discussion, pour exprimer les désaccords, critiquer, débattre et poser des questions, dans des situations où les décisions sont moralement difficiles, a été proposé. Pour le personnel devant prendre des décisions, il a été utile d’avoir le soutien de l’équipe et de la hiérarchie, pour lever les doutes, mais aussi pour créer une cohérence collective.
CdM, personnel international : « Nous étions une très bonne équipe de coordination, j’ai donc pu partager mes inquiétudes et nous pouvions discuter dans la prise de décision, cela a réduit mes doutes sur ce qu’il fallait faire. »
Partager des expériences avec des pairs se trouvant dans la même situation et donc capables de comprendre a été mentionné comme le principal outil pour soulager la détresse. Souvent, les amis et la famille à la maison ne pouvaient remplir ce rôle, car il semblait important d’avoir une expérience partagée de la situation.
Enseignements et pistes d’action
Les expériences morales découlant de la Covid-19 présentent des similitudes avec d’autres expériences morales dans des contextes humanitaires, mais les contraintes imposées par la pandémie accentuent les défis moraux. Cela implique des difficultés d’orientation, pouvant coûter la vie d’un patient, des fermetures rapides de projets et des questions sur leur priorisation. Cependant, cela a également créé des situations assez uniques, touchant les sièges tout autant que les terrains, en raison de l’inaction imposée par l’impossibilité des déplacements internationaux, ou les enjeux liés à l’intervention dans les pays à revenu élevé. Cela a provoqué une détresse morale chez certains participants, tandis que d’autres ont trouvé des mécanismes d’adaptation efficaces.
Nous nous attendons à ce que la nature des situations moralement difficiles évolue pour notre personnel pendant la pandémie de la Covid-19. Les questions actuellement soulevées en Europe et aux États-Unis quant à l’obligation des professionnels de la santé de prendre en charge des patients avec un matériel de protection limité, risquant de contracter l’infection et de la transmettre à leurs familles ; l’allocation limitée de ressources de traitement (ventilateurs, oxygène) ou les dilemmes relatifs aux mesures de santé publique non pharmacologiques (confinement, quarantaine)[8]Sofia Nilsson et al., “Moral Stress…”, art. cit. ; Lisa Schwartz et al., “Ethics in Humanitarian Aid Work: Learning From the Narratives of Humanitarian Health Workers”, Ajob Primary … Continue reading n’ont pas encore été soulevés par les personnes interrogées, probablement en raison du nombre encore relativement faible de patients gravement malades dans la plupart de nos pays d’intervention.
Les contraintes imposées par la pandémie accentuent les défis moraux.
Bien que de nombreuses causes de défis moraux ne puissent être évitées dans le contexte du travail humanitaire, d’autant plus que les expériences sont subjectives, des interventions de soutien peuvent aider les personnes confrontées à ces situations. Les outils et stratégies utiles suggérés ci-dessus par les participants résonnent avec la littérature existant sur l’atténuation de la détresse morale[9]Ann B. Hamric, Elizabeth G. Epstein, “A health system-wide…”, art. cit. ; Settimio Monteverde, Handbuch Pflegeethik…, op. cit. ; Colleen Varcoe et al., “Moral Distress: Tensions as … Continue reading.
Au niveau individuel, une meilleure compréhension des facteurs de stress moral peut réduire la détresse morale perçue et soutenir la recherche de moyens d’adaptation adéquats, ainsi qu’encourager la résilience morale (« la capacité d’un individu à maintenir ou à restaurer l’intégrité en réponse à la complexité morale, à la confusion, à la détresse ou au revers[10]Cynda Hylton Rushton, “Moral Resilience: A Capacity for Navigating Moral Distress in Critical Care”, AACN advanced critical care, vol.27(1), 2016, p.111-119. »), grâce à l’accès à l’information et à la formation continue pour développer et maintenir la compétence éthique.
Au niveau organisationnel, les mécanismes permettant de répondre aux considérations éthiques, à la protection de l’intégrité morale et aux priorités organisationnelles en vue d’une pratique éthique contribuent à réduire la survenue de la détresse morale. Grâce à des structures de dialogue partagées, le personnel peut s’assurer que sa voix est prise en compte dans les décisions, et les stratégies devraient faire en sorte de l’encourager à exprimer ses préoccupations. Les superviseurs à tous les niveaux peuvent s’enquérir quotidiennement des potentielles préoccupations morales. Cela, conjugué à la présence de ressources éthiques bien préparées, peut offrir une opportunité d’intervention précoce et potentiellement diminuer le degré de détresse ressenti par le personnel à tous les niveaux[11]Ann B. Hamric, Elizabeth G. Epstein, “A health system-wide…”, art. cit. ; Adam S. Burston, Anthony G. Tuckett, “Moral distress in nursing: Contributing factors, outcomes and … Continue reading.
Il est déjà évident que la pandémie de la Covid-19 contribue à un environnement susceptible de déclencher une détresse morale : incapacité d’agir, confrontation à des choix insatisfaisants, travail dans des conditions dégradées et manque de matériel et de ressources. Il peut être intéressant de mettre cela en perspective en explorant davantage les effets positifs de ce nouvel environnement sur les expériences morales, tels que le sentiment de solidarité, un accès plus égal à l’information étant donné que tous les travailleurs à domicile étaient sur un pied d’égalité, ou une plus grande autonomie dans la prise de décision sur le terrain.
Des interventions pour soutenir le personnel et prévenir ou atténuer la détresse morale sont nécessaires et demandent un engagement à tous les niveaux de l’organisation, dont ce projet constitue un premier pas important. Mais nous devons trouver des moyens d’améliorer notre compréhension des expériences morales de nos collègues nationaux, qui représentent la majorité de notre personnel au niveau mondial, afin de nous assurer que leur point de vue est pris en compte.
Les auteurs tiennent à remercier Duncan McLean, Monica Rull, Kate de Rivero, Christine Jamet, Kenneth Lavelle et Philippe Calain pour leurs précieux commentaires sur les versions antérieures de cet article, et Amy Mavor pour la révision de cet article.
ISBN de l’article (HTML) : 978-2-37704-680-5 |