Le recueil de données fait aujourd’hui partie intégrante de l’action humanitaire. Et sur ce volet d’activités, comme sur les actions d’aide elles-mêmes, la survenue de la pandémie a contraint les organisations à s’adapter. Ce retour d’expérience dans les camps de Cox’s Bazar au Bangladesh enseigne notamment combien les réfugiés représentent une ressource précieuse.
Le 25 mars 2020, le Commissaire pour les secours et le rapatriement des réfugiés (RRRC) a suspendu toutes les activités humanitaires non essentielles[1]Selon les lignes directrices opérationnelles, seuls les services et l’aide essentiels sont autorisés, y compris tous les services de santé et de nutrition, les activités et les services WASH … Continue reading et réduit de 80 %[2]Ibid. l’accès du personnel humanitaire aux camps de réfugiés de Cox’s Bazar. Toute collecte de données primaires a cessé. Six mois plus tard, la planification et les restrictions d’accès sont maintenues. Le nombre de permis d’accès a légèrement augmenté, mais la collecte à grande échelle de données d’entretiens par des équipes externes reste suspendue. Pourtant, pour que la réponse humanitaire puisse fonder ses décisions sur des données probantes et répondre aux besoins des populations touchées, la collecte de données primaires doit continuer.
La méthode de collecte de données à Cox’s Bazar s’est fondée sur l’idée que la collecte par entretiens effectuée par des équipes externes serait toujours possible. Une population accessible combinée au manque de coordination et le peu de partage d’informations entre organisations ont conduit à un environnement où les acteurs recueillaient rapidement les données primaires en fonction des besoins du moment. La perte soudaine d’accès a conduit les humanitaires à repenser la collecte de données.
La perte soudaine d’accès a conduit les humanitaires à repenser la collecte de données.
Avant la pandémie, des évaluations représentatives des besoins étaient menées de manière régulière[3]Les exercices réguliers de collecte de données représentatives à grande échelle dans la réponse sont les suivants : l’évaluation conjointe des besoins multisectoriels (Joint Multi-Sector … Continue reading. Un examen de plus de 200 rapports publiés entre août 2017 et décembre 2019 montre que la plupart étaient des « rapports d’évaluation » (46 %) basés sur de la collection de données primaires d’entretiens par le biais d’entretiens de foyers, d’entretiens de personnes ressources (key informant interviews – KII en anglais), d’entretiens collectifs (focus group discussions – FGD en anglais), et des données recueillies auprès des prestataires de services[4]Un examen du panorama d’évaluation et d’analyse a été effectué par le centre d’analyse de l’ACAPS avant la Covid-19. Toutefois, il n’a pas encore été publié en raison d’un … Continue reading. Cet article explore la façon dont les unités collectant les données ont continué d’opérer pour fournir les informations cruciales aux intervenants pendant la pandémie. À travers les entretiens de personnes ressources par sept acteurs de la collecte de données intervenant actuellement à Cox’s Bazar[5]Les KII ont été menés avec REACH, BBC Media Action, Traducteurs Sans Frontières (TSF), CARE, l’unité NPM de l’OIM, Communication avec les communautés (Communications with Communities – … Continue reading et les conclusions de recherches antérieures, il explore l’incidence des contraintes d’accès physique sur la collecte de données et les possibles leçons de cette crise pour la collecte de données primaires dans de tels contextes.
Méthodes de collecte de données adaptées utilisées pendant la Covid-19
Collecte de données mobiles à distance
Pour mettre en œuvre les programmes, les agents de terrain ont besoin de données sur « qui travaille où » (4W)[6]Les bases de données 4W sont utilisées par le « cluster system » des Nations unies afin de fournir des renseignements clés sur les organisations (qui/who) qui mènent telles activités … Continue reading, de renseignements sur l’accès et la sécurité, d’évaluations des besoins, et de données relatives aux bénéficiaires. Les coordinateurs requièrent des registres d’évaluation des besoins, des bases de données de projet, ou des rapports multisectoriels[7]“Bangladesh country report. A case study of humanitarian data transparency in the Rohingya crisis”, Publish What You Fund, August 2020, … Continue reading. Pour continuer à répondre à ce besoin, de grandes unités de collecte de données ont dû s’adapter pour la réaliser à distance au moyen d’entretiens téléphoniques. Cependant, les équipes n’étaient pas préparées pour le faire dans de si larges proportions, car il existait une interdiction stricte des télécommunications dans les camps jusqu’en avril 2020[8]Le 2 septembre 2019, le gouvernement du Bangladesh a ordonné aux entreprises de cesser de vendre des cartes SIM aux réfugiés rohingyas et de fermer les services de téléphonie mobile dans les … Continue reading. La levée de l’interdiction ne s’est pas accompagnée d’une restauration de l’Internet 3 et 4G avant août 2020[9]Md. Kamruzzaman, “Bangladesh to restore phone, internet at Rohingya camps. Restoration of communications is important for better services to Rohingya amid the pandemic, says refugee … Continue reading, et la couverture du réseau reste faible, peu fiable et inégale, ce qui conduit à des coupures d’appels au milieu d’entretiens et à des numéros de téléphone inaccessibles. De même, les réfugiés rohingyas comptent principalement sur l’énergie solaire pour recharger leurs téléphones, qui sont fréquemment éteints pour conserver leur batterie. La coordination et les leçons apprises sur le terrain ont permis aux humanitaires de développer une idée des meilleures heures d’appel, mais l’accumulation des problèmes a eu pour conséquence un taux de réponse d’environ 30 à 40 %, ce qui a impliqué d’élargir de façon significative la taille des échantillons.
De nombreuses équipes de collecte de données s’appuient sur des enquêteurs bangladais qui parlent le chittagonien, une langue qui ressemble à la langue rohingya[10]En novembre 2018, TSF a constaté que 36 % des réfugiés rohingyas ne comprenaient pas une simple phrase en chittagonien. Le rohingya est la seule langue parlée que tous les réfugiés … Continue reading. Bien que de nombreux enquêteurs parlent le rohingya, les problèmes de langue et de traduction rendent difficile la collecte de données par téléphone. Pour atténuer le risque accru de malentendus, certains collecteurs de données ont augmenté les contrôles de qualité[11]Oxfam GB, Going digital: improving data quality with digital data collection, July 2018, … Continue reading, tels que le rappel des personnes interrogées par des enquêteurs plus expérimentés pour vérifier les réponses ou le suivi quotidien des données reçues afin de signaler et de corriger les erreurs. Cette augmentation des contrôles de qualité ainsi que les problèmes de réseau, la taille plus vaste de l’échantillon et la réticence des participants ont presque doublé le temps nécessaire à la collecte des données. La capacité d’attention a faibli et la qualité des entrevues diminuait après vingt à trente minutes. Pour y remédier, les études quantitatives ont été raccourcies et les questionnaires simplifiés. Certains collecteurs de données ont divisé leurs entretiens en deux séances plus courtes afin de maintenir un bon niveau de concentration.
Le plus grand défi auquel ont fait face les équipes de collecte de données était l’absence d’une vaste base de données téléphonique représentative pour produire l’échantillon nécessaire à une étude elle-même représentative[12]J-MSNA, une évaluation multisectorielle annuelle à l’échelle de la crise et inter-organismes menée au nom de la réponse humanitaire, a effectué un mélange de la base de données du HCR sur … Continue reading. De nombreuses équipes ont utilisé des « échantillonnages en boule de neige[13]Business Research Methodology, “Snowball sampling”, https://research-methodology.net/sampling-in-primary-data-collection/snowball-sampling » pour tenter de régler ce problème, en demandant aux participants de les mettre en contact avec d’autres personnes. Prélever un vaste échantillon de cette façon prend du temps et, en l’occurrence, n’a pas produit d’échantillon représentatif parce que les participants initiaux étaient plus proches des acteurs humanitaires et plus susceptibles d’être des hommes éduqués ayant des liens avec les autorités du camp.
Certaines unités de collecte de données offraient de petites incitations financières pour encourager les participants à en recruter d’autres et à prêter leurs téléphones à des groupes sous-représentés. Cependant, les réfugiés rohingyas hésitaient à mettre les chercheurs en contact avec d’autres personnes. Des décennies de persécution, combinées à des niveaux élevés de corruption et d’insécurité dans les camps et à la peur du rapatriement, de la relocalisation à Bhasan Char ou de la séparation avec leurs familles rendent l’obtention de la confiance des participants extrêmement difficile[14]Carlos Sardiña Galache, Burmese labyrinth: a history of the Rohingya tragedy, Verso, 2020 ; Allard K. Lowenstein International Human Rights Clinic, Yale Law School, “Persecution of the Rohingya … Continue reading. Cette méfiance et cette réticence à partager des numéros de téléphone sont aussi en partie dues à l’interdiction des téléphones et à la confiscation aléatoire de cartes SIM et de téléphones. Dans les camps de réfugiés rohingyas et la communauté d’accueil bangladaise, la possession de téléphones mobiles et l’alphabétisation sont faibles. Seulement 9 % des ménages rohingyas et 25 % des ménages bangladais possèdent des « actifs étendus », une classification qui comprend les téléphones mobiles[15]World Food Programme, “Refugee influx emergency vulnerability assessment (REVA) – Cox’s Bazar, Bangladesh”, April 2020, … Continue reading. Dans les ménages qui ont le téléphone, leur utilisation est souvent contrôlée par le chef de famille, qui est dans la plupart des cas un homme.
Pour surmonter ces défis, l’unité d’évaluation des besoins et de la population (Needs and Population Monitoring – NPM en anglais) a collaboré avec l’équipe de Communication avec les communautés (Communicating with Communities – CwC en anglais) de l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM) pour utiliser son programme de réponse vocale interactive (RVI)[16]Covid-19 INFO LINE est un programme de réponse vocale interactive (RVI) administré par l’OIM CwC pour diffuser de l’information et recueillir des commentaires de la communauté pendant … Continue reading afin d’identifier des participants et de concevoir des outils de collecte de données à partir des retours des communautés. Les réfugiés rohingyas qui utilisaient le service de RVI pour signaler des problèmes ont été rappelés et des études pertinentes d’évaluation des besoins ont été menées. Les résultats ont permis aux humanitaires de comprendre les besoins et les stratégies d’adaptation des résidents des camps, tandis que l’information était soumise aux organismes responsables pour résoudre des problèmes précis[17]Relief Web, “IOM’s Needs and Population Monitoring Covid-19 NPM-IVR needs assessment”, July 2020, … Continue reading. Toutefois, les résultats sont demeurés indicatifs et 90 % des utilisateurs du service étaient des hommes[18]Ibid..
La confidentialité des entretiens à distance n’a pu être assurée. Il s’agissait d’une difficulté infranchissable dans les camps surpeuplés et congestionnés, où les taux d’insécurité, de corruption, de violences sexuelles, sexistes et conjugales ont augmenté. Certaines questions ne pouvaient pas être posées à distance en toute sécurité, et les sujets sensibles ont dû être supprimés ou formulés de façon générale. Les humanitaires n’étaient donc pas capables de mesurer l’ampleur des problèmes spécifiques, seulement leur existence générale. La méfiance et les biais positifs signifiaient également que les questions de perception étaient difficiles à poser au téléphone et ont produit des résultats très différents de lorsqu’elles étaient posées en personne.
Collecte de données à petite échelle par l’entremise du personnel essentiel de programmation
Les organismes de mise en œuvre ont besoin de renseignements détaillés sur des besoins précis et immédiats, ainsi que sur l’impact et les progrès des programmes actifs. Ces données sont normalement recueillies par les unités de suivi et d’évaluation, mais en raison de la Covid-19 celles-ci ont été suspendues. Pour y pallier, le personnel essentiel de programmation et des bénévoles rohingyas ont mené des KII qualitatifs à petite échelle. Ils ne pouvaient toutefois mener qu’un petit nombre d’entretiens par jour car ce n’était pas leur fonction principale. De nombreux membres du personnel de programmation ne reçoivent pas non plus de formation approfondie sur le dénombrement, la collecte de données qualitatives ou le bon enregistrement et la transcription fidèle des KII. Certains foyers ont refusé de participer aux activités de collecte de données par crainte de contracter la Covid-19, quelles que soient les mesures de prévention utilisées. Le personnel externe qui a continué à travailler dans les camps a signalé un ressentiment initial et de la peur à leur égard. La collecte de données par le personnel mettant en œuvre des services essentiels a également eu une incidence sur les réponses, surtout lorsqu’il s’agissait de recueillir des informations de nature délicate. Malgré ces difficultés, BBC Media Action et TSF ont pu mettre en place un système de suivi des rumeurs en tirant parti du personnel de programmation essentiel ayant accès aux camps pour comprendre l’utilisation des messageries et atténuer les rumeurs potentiellement nuisibles.
Certains foyers ont refusé de participer aux activités de collecte de données par crainte de contracter la Covid-19.
Bien que la collecte de données en personne puisse éliminer certains obstacles liés à la langue, à la culture et à la communication, les défis qui existaient avant la Covid-19 ont persisté. La plupart des entretiens ont continué d’être menés par le personnel bangladais en chittagonien[19]Tous les réfugiés rohingyas parlent rohingya et certains parlent birman. Dans les centres d’apprentissage, les enfants apprennent l’anglais et le birman. Le chittagonien est la langue parlée … Continue reading. Les réfugiés rohingyas répondent différemment aux questions sensibles et fondées sur l’opinion selon que l’enquêteur est bangladeshi ou rohingya[20]REACH, Participation of Rohingya Enumerators in Data Collection Activities, April 2019, … Continue reading. Les femmes sont moins susceptibles d’être instruites et de parler d’autres langues que le rohingya, ce qui a une incidence sur leur capacité à participer à des exercices de collecte de données[21]Traducteurs Sans Frontières, “The Language Lesson: What we have learned about communicating with Rohingya refugees”, 4 December 2018, … Continue reading.
Des réfugiés rohingyas comme chercheurs
L’unité CwC de l’OIM a pu poursuivre la collecte de données en personne en utilisant des chercheurs de terrain rohingyas formés aux méthodes de collecte de données qualitatives et à la transcription avant la pandémie. Ils étaient entre autres formés aux méthodes participatives, à l’observation des participants, à la description détaillée et à la conduite d’entretiens ouverts et semi-structurés. Lorsque l’accès aux camps depuis l’extérieur a été bloqué, cette équipe majoritairement rohingya a poursuivi les consultations sur les points de vue de la communauté, faisant entendre la voix des Rohingyas aux moments critiques de planification de la réponse à la Covid-19. De petits entretiens collectifs ont été organisés et des entretiens ont été enregistrés et transcrits avant d’être vérifiés et analysés par l’unité CwC de l’OIM. L’utilisation des réfugiés rohingyas en tant que chercheurs a aidé à surmonter certains des défis omniprésents en matière de confiance et de communication, permettant aux Rohingyas de communiquer dans leur langue maternelle et au moyen de discussions ouvertes sans la présence d’intervenants humanitaires extérieurs. Les chercheurs ont également pu atteindre des groupes vulnérables spécifiques, tels que ceux qui n’ont pas accès au téléphone et qui ont moins accès aux espaces publics (souvent des femmes et des personnes handicapées).
Néanmoins, la saturation théorique[22]L’utilisation du terme saturation fait référence ici au « moment où le chercheur ne trouve pas de nouvelles informations ou de nouveaux thèmes dans les nouvelles données collectées ». et la couverture des différents groupes démographiques dans les camps sont demeurés des défis. Pour se conformer aux mesures de prévention de la Covid-19 et réduire le risque de transmission, une combinaison d’échantillonnage raisonné et de commodité a été utilisée et le nombre et la fréquence des cycles de collecte de données ont été réduits. Cela signifiait qu’une grande partie de la population était inaccessible si aucun chercheur rohingya ne vivait dans ces zones.
Leçons pour la collecte de données
La technologie et l’innovation sont des solutions de choix lorsque l’accès physique est restreint. Toutefois, dans le contexte des réfugiés rohingyas, la solution passe par le fait de développer une compréhension approfondie de la population, d’accroître l’engagement communautaire et la participation aux processus de collecte de données, et par l’investissement dans la préparation à l’évaluation pour veiller à ce que les exercices de collecte de données qualitatives et quantitatives prennent en compte les populations les plus vulnérables et les plus difficiles à atteindre.
Toutes les personnes ressources interrogées soulignent que la collecte de données à distance, bien que nécessaire pendant la réponse à la Covid-19, n’est pas la méthode de collecte de données la plus populaire ou appropriée. Non seulement les défis opérationnels ont eu une incidence sur l’efficacité de cette méthode, mais des niveaux élevés de méfiance ont entraîné une extrême réticence à parler au téléphone ou à fournir ses coordonnées. Les équipes de collecte de données à distance ont également eu des difficultés à inclure des groupes vulnérables, tels que les femmes, les personnes âgées, les personnes handicapées et les personnes plus discrètes de manière générale. Les réfugiés les plus pauvres ont également été exclus de la collecte de données par téléphone en raison des contraintes financières liées à l’accès au téléphone portable. Certaines personnes ressources ont déclaré collaborer avec des organisations non gouvernementales travaillant avec des groupes vulnérables pour atteindre un échantillon plus diversifié lors de la collecte de données à distance, tandis que d’autres comptaient sur des Rohingyas de confiance en possession de téléphones pour localiser différents groupes démographiques dans leurs réseaux sociaux. Toutefois, ces solutions n’ont pu être mises en œuvre à l’échelle nécessaire. La collecte de données quantitatives à distance n’a pas permis à elle seule de produire un récit cohérent qui représente fidèlement la situation, mettant l’accent sur l’« ici et maintenant », plutôt que sur le « comment et pourquoi ». Les défis liés à la confiance signifiaient également que même les informations sur l’« ici et maintenant » étaient limitées aux besoins de base et aux perceptions immédiates. Il n’a pas été possible de rendre compte de manière précise des comportements.
En raison d’un manque de connaissances contextuelles sur la dynamique sociale et les croyances socioculturelles des Rohingyas, les humanitaires ont eu des difficultés à comprendre leur comportement, ce qui a eu une incidence sur leur capacité à mettre en œuvre des programmes liés à la Covid-19 conformes à leurs besoins. La pandémie a mis en lumière les défis majeurs et les lacunes de la réponse humanitaire en matière de collecte de données tout en catapultant les bonnes pratiques émergentes, telles que l’accent mis sur le fait d’instaurer un climat de confiance, l’utilisation de chercheurs rohingyas formés et l’introduction de méthodes de contrôle de qualité plus rigoureuses. Cela a permis aux humanitaires de comprendre les nuances culturelles et les facteurs de besoins afin d’améliorer l’engagement et de mieux comprendre les opinions des Rohingyas sur des sujets sensibles. La capacité réduite des humanitaires à effectuer une collecte de données représentatives à grande échelle a montré qu’une combinaison de plus petits exercices de collecte de données primaires (qualitatifs et quantitatifs) peut fournir une image globale d’une réalité complexe.
L’utilisation des réfugiés rohingyas en tant que chercheurs a aidé à surmonter certains des défis omniprésents en matière de confiance et de communication.
Plus l’environnement de collecte des données est complexe, plus il est nécessaire de disposer d’informations complètes, de haute qualité et en temps réel, et de méthodes de collecte de données adaptées au contexte. Cela exige des équipes bien formées et une meilleure compréhension des méthodes de recherche. Le manque d’investissement dans la formation à long terme combiné à de faibles taux d’alphabétisation, l’absence d’écriture reconnue pour la langue rohingya, les restrictions en matière d’emploi et de mouvements des réfugiés à l’intérieur et à l’extérieur des camps signifiaient que lorsque la pandémie a frappé, il y avait un manque d’enquêteurs rohingyas formés[23] REACH, Participation of Rohingya Enumerators…, op. cit.. La mise sur pied d’une équipe de chercheurs rohingyas qualifiés prend plus de temps et d’investissement que la constitution d’une équipe externe de collecte de données, et les normes restrictives en matière de genre et les risques pour la sécurité rendent difficiles le recrutement de chercheuses et la garantie de leur sécurité dans leur travail. Toutefois, la valeur d’une équipe de recherche rohingya pendant la pandémie de la Covid-19 a non seulement montré que la constitution de telles équipes est possible avec de l’investissement, mais qu’elle est essentielle.
La localisation de la recherche et de la collecte de données est importante. Sans un effort conséquent en faveur de l’intégration de normes éthiques rigoureuses, d’une coordination et d’un investissement accrus dans la préparation à la collecte de données, les lacunes révélées par la Covid-19 sont peu susceptibles d’entraîner l’amélioration des pratiques. La collecte de données doit tenir compte des préférences des réfugiés rohingyas quant à la façon dont ils aimeraient raconter leur histoire et signaler leurs besoins. Pour poursuivre la collecte de données qualitatives en personne, les acteurs de la réponse devraient reconnaître les capacités des réfugiés rohingyas à travailler comme chercheurs et enquêteurs et investir en ce sens. Un investissement continu dans la formation garantira non seulement l’accès en cas de restrictions d’accès, mais devrait aussi mener à ce que les chercheurs rohingyas dirigent la méthodologie de recherche.
La valeur d’une équipe de recherche rohingya pendant la pandémie de la Covid-19 a non seulement montré que la constitution de telles équipes est possible avec de l’investissement, mais qu’elle est essentielle.
Pour que la collecte de données quantitatives à distance soit utile et efficace en cas de besoin, une base de données téléphonique représentative doit être établie à l’avance. Cela répondrait à des problèmes liés à l’échantillonnage. Un autre élément de la préparation à l’évaluation réside dans l’expérimentation et la formation et la population touchée doit être sensibilisée aux méthodes de collecte de données à distance. Les équipes devraient être formées à la collecte de données à distance avant que le besoin ne s’en fasse sentir, et la méthode de recherche à distance (y compris l’échantillonnage et les questionnaires) devrait être testées à l’avance. L’utilisation accrue de rappels et de contre-vérifications des KII et la vérification au moyen d’examens secondaires des données se poursuivront à mesure que les personnes ressources constateront qu’elles améliorent la qualité de leurs données. Il nous faut tirer parti de ces leçons, renforcer la coordination entre les acteurs de la collecte des données et améliorer les pratiques de partage des données afin de réduire le dédoublement, veiller à ce que les données soient utilisées au maximum et améliorer la qualité et les critères de la collecte des données dans leur ensemble.
Traduit de l’anglais par Gabriel Grandjouan
ISBN de l’article (HTML) : 978-2-37704-743-7 |