Honduras, Liban, Népal : la société civile sur le front des catastrophes naturelles et de leurs conséquences au quotidien

Arjun Bhattarai
Arjun Bhattarai Secrétaire général adjoint de la Fédération des ONG du Népal, Arjun Bhattarai collabore avec des organisations de la société civile depuis 1995, et travaille encore aujourd’hui sur des thématiques autour de la réduction de la pauvreté, des inégalités, de l’autonomisation des communautés, du leadership des jeunes, de l’espace civique et du plaidoyer lié aux politiques sur différentes problématiques. Défenseur de l’entrepreneuriat social depuis l’ère des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), il s’engage et contribue de manière continue à la localisation et à l’accomplissement des OMD.
Bibbi Abruzzini
Bibbi Abruzzini Elle fait partie de l’équipe communication de Forus, un réseau mondial d’organisations de la société civile regroupant soixante-huit plateformes nationales d’ONG et sept coalitions régionales d’Afrique, d’Amérique, d’Asie, d’Europe et du Pacifique qui luttent en faveur d’un avenir plus juste et plus durable. Bibbi Abruzzini a également cofondé « Both Nomads », un collectif de création qui réalise des documentaires et des reportages photographiques collaboratifs partout sur la planète.
José Ramón Ávila
José Ramón Ávila Directeur de l’Association des organisations non gouvernementales (ASONOG) née dans les années 1980 au Honduras sous la forme d’une initiative pour coordonner les efforts d’un groupe d’organisations intervenant auprès des populations réfugiées dans les zones situées à la frontière occidentale du pays. Depuis, l’ASONOG s’est engagée en faveur des processus de plaidoyer pour les politiques de développement du pays, avec la participation des populations traditionnellement exclues au niveau local, municipal, départemental et national, au travers de la création de processus participatifs.
Sarah Strack
Sarah Strack Directrice de Forus depuis avril 2020, Sarah Strack est forte d’une expérience de plus de dix ans dans la collaboration avec les réseaux de la société civile et les alliances, notamment avec le Climate Action Network (CAN) International, l’International Civil Society Centre ou Transparency International. Fervente militante en faveur de la justice sociale, Sarah est convaincue de la puissance transformatrice des coalitions centrées sur les personnes qui agissent pour le changement.
Ziad Abdel Samad
Ziad Abdel Samad Directeur exécutif du Réseau des ONG arabes pour le développement (Arab NGO network for Development, ANND). Basé à Beyrouth, l’ANND rassemble depuis 1999 trente ONG et neuf réseaux nationaux originaires de dix pays arabes actifs dans la protection des droits sociaux et économiques.

Comment faire face aux conséquences en cascade des catastrophes naturelles ? Dans cet article collaboratif, les auteurs mettent en avant le dynamisme des sociétés civiles locales, bien souvent les premières et les dernières à aider les populations.

L’ère géologique dans laquelle nous nous trouvons actuellement, l’Anthropocène[1]« L’époque anthropocène est une unité de temps géologique non officielle, utilisée pour décrire la période la plus récente de l’histoire de la Terre où l’activité humaine a … Continue reading, est considérée comme la période au cours de laquelle l’activité humaine représente le facteur d’influence dominant sur le climat et l’environnement. En tant qu’espèce, nous sommes dans l’œil du cyclone, mais la boussole et le système de navigation sur lesquels nous nous appuyons sont-ils adaptés pour avancer ? Sommes-nous en mesure de faire face aux « catastrophes du quotidien » qui se trouvent sur notre chemin ? Pour citer Donna J. Haraway[2]Donna J. Haraway, Staying with the Trouble, Duke University Press, 2016., notre mission est désormais d’« apaiser les eaux troublées et de reconstruire des endroits tranquilles. » Du Népal au Honduras en passant par le Liban, nous nous proposons dans cet article collaboratif de faire entendre la voix des organisations de la société civile qui sont en première ligne des catastrophes naturelles ou d’origine humaine, et bien souvent même des deux. Comment les forces locales et mondiales se conjuguent-elles pour reconstruire, protéger les communautés et prévenir le tsunami social et économique déclenché par les catastrophes ?

Le Honduras dans « l’œil du cyclone »

L’Amérique centrale est l’une des régions du monde les plus exposées aux effets du changement climatique. Le Honduras, qui compte parmi les pays les plus vulnérables aux ouragans, tempêtes tropicales, inondations et sécheresses, fait également partie des vingt nations les plus touchées par le changement climatique. Or, combien sommes-nous à avoir entendu parler des souffrances vécues par le Honduras[3]Podcast « Justicia climática en Honduras » (en espagnol), Forus/Asonog, https://soundcloud.com/user-975127425/es-justicia-climatica-en-honduras ?

« Le Honduras fait face à des catastrophes d’une très grande intensité, des ouragans aux inondations, surtout si l’on compare notre situation à celle d’il y a dix ou vingt ans. Nous avons désormais des réfugiés climatiques, en particulier des agriculteurs qui quittent leurs terres en raison d’une insuffisance de ressources. L’ensemble de l’Amérique centrale est frappé par tous types de catastrophes… Personne n’est à l’abri », explique l’Association des organisations non gouvernementales (ASONOG) du pays. Depuis les années 1980, cette plateforme nationale d’organisations non gouvernementales (ONG) œuvre à renforcer les capacités de la société civile à réduire les impacts des catastrophes, qui se cumulent entre eux. Depuis des années maintenant, les aléas climatiques ravagent les récoltes et les infrastructures essentielles partout dans le pays. Pour les communautés vivant dans ce qu’elles ont baptisé le « couloir sec », l’insécurité alimentaire est devenue un problème récurrent. Trente pour cent de la population hondurienne[4]Banque mondiale/Organisation internationale du travail, Indicateurs clés du marché du travail, « Emplois dans l’agriculture (% du total des emplois) – Honduras », … Continue reading travaille dans l’agriculture, et les sécheresses prolongées, conjuguées à des orages et inondations de grande ampleur, ont fait chuter les rendements de manière catastrophique. Or, le gouvernement n’a mis en place pratiquement aucune mesure d’adaptation à un nouveau climat[5]Martin Reischke, “Dauerkrise in Honduras. Korruption, Kokain und Klimawandel”, Deutschlandradio, 3 August 2021, … Continue reading. La plupart du temps, les agriculteurs doivent trouver des solutions par eux-mêmes.

Alors que le Honduras subit des catastrophes majeures à répétition, agences internationales comme groupes de la société civile insistent sur la nécessité de faire face à l’un des problèmes – à plus long terme – qui ne fait pas l’objet d’une attention suffisante dans le pays : la corruption[6]“Civil Society is Vital to Fighting Corruption in Honduras”, Democracy Speaks, 17 August 2021, https://www.democracyspeaks.org/blog/civil-society-vital-fighting-corruption-honduras. Le gouvernement continue d’attribuer à des entreprises des titres fonciers dans des régions exploitées par les agriculteurs, les peuples indigènes ou les Afro-descendants. Des licences d’exploitation concédées dans des zones protégées affectent les écosystèmes tout autant que les moyens de subsistance des communautés indigènes, ces dernières étant souvent les plus touchées en premier lieu par les catastrophes naturelles et les effets du changement climatique. Ceux qui s’opposent au pouvoir en place s’exposent à des peines d’emprisonnement ou à des frais de justice. « Il est très difficile pour les leaders communautaires de contester ces mesures en raison de la violence à laquelle ils sont confrontés. Nous œuvrons au renforcement des capacités au niveau national et régional en coopérant avec des réseaux d’organisations de la société civile, des défenseurs des droits humains et des mouvements sociaux de lutte contre la corruption », explique Francisco Javier Garcia de l’ASONOG.

Dans la perspective des élections présidentielles[7]“Honduras: Process for General Elections in November Advances”, Telesur, 1 October 2021, … Continue reading de novembre 2021, les organisations de la société civile[8]Voir par exemple la vidéo d’ASONOG – Honduras, Forus International, 18 septembre 2020 ,https://www.facebook.com/watch/?v=435665370729309 ont accéléré leurs efforts en faveur du renforcement de la supervision et de la redevabilité. En effet, l’ASONOG a associé le thème de la réduction des risques liés aux catastrophes non seulement à celui du changement climatique, mais également à celui de la lutte contre la corruption et le modèle extractiviste de développement, qui domine à l’échelle du pays.

« Le Honduras subit des catastrophes majeures à répétition. »

 

L’ASONOG plaide en faveur d’une « localisation » du partage des savoirs et des ressources, surtout s’agissant des catastrophes quotidiennes et des « luttes environnementales », qui sont complexes et ne font habituellement pas l’objet d’une forte médiatisation. En sa qualité de réseau de la société civile, l’organisation a pour ambition de soutenir les communautés locales et indigènes dans l’ensemble du Honduras, car « c’est là qu’interviennent les violations des droits humains les plus importantes : assassinats, persécutions, emprisonnement de personnes dont le seul crime a été de défendre leur peuple et leurs moyens de subsistance. » Le Honduras arrive en cinquième place[9]“Latin America is the Most Dangerous Region for Environmentalists”, Catalyst, 18 October 2021, … Continue reading en nombre de défenseurs de l’environnement assassinés. « Au niveau de l’Amérique centrale, nous occupons la première place », déplore l’ASONOG, en évoquant Berta Caceres, dont le meurtre, en 2016, à la suite de son opposition clairement affirmée à un projet hydroélectrique au Honduras avait soulevé une vague d’indignation internationale. Le nombre d’assassinats d’activistes n’a jamais été aussi important[10]“Last line of defence”, Global Witness, 13 September 2021, https://www.globalwitness.org/en/campaigns/environmental-activists/last-line-defence, tandis que d’autres militants sont menacés, poursuivis en justice ou encore victimes d’agressions.

Lors de catastrophes, les personnes privées de leurs droits humains sont encore plus fortement touchées. Des travaux de recherche[11]Elizabeth Ferris, “Natural Disasters, Human Rights, and the Role of National Human Rights Institutions”, 25 October 2008, Brookings, … Continue reading montrent que ce phénomène peut entraîner des inégalités d’accès à l’assistance, des discriminations dans la mise à disposition de l’aide, des actes de violence sexuelle et sexiste, et des retours ou réinstallations dangereuses ou involontaires. La première étape essentielle est de faire en sorte que les voix locales soient entendues et protégées, plutôt que persécutées et éliminées. Mais qu’advient-il lorsque les forces institutionnelles sont presque invisibles et que les communautés locales doivent faire face aux catastrophes pratiquement toute seules ?

Liban : la société civile « a sauvé la nation »

Au Liban, aucune devise n’est disponible dans les bureaux de change des grandes villes, les étagères des magasins sont pauvrement approvisionnées, les rues ne sont pas éclairées, les stations essence sont vides, les travailleurs sont en grève[12]“In crisis-struck Lebanon, school year is gripped by chaos”, Associated Press, 30 September 2021, … Continue reading. Cette situation dure maintenant depuis de longs mois. Système politique dans l’impasse, effondrement financier : les dirigeants plaident en faveur d’une assistance étrangère d’urgence pour éviter le naufrage, et notamment pour des denrées alimentaires à destination des forces armées du pays, en proie à la faim[13]“Qatar to provide aid for Lebanese troops as crisis deepens”, Al Jazeera, 7 July 2021, https://www.aljazeera.com/news/2021/7/7/qatar-to-provide-aid-for-lebanese-troops-amid-economic-crisis. Mais en réalité, ceux qui agissent pour les communautés touchées par la crise sont les organisations de la société civile et les mouvements sociaux informels, qui ont conjugué leurs forces pour sauver leur pays.

En août dernier, plus de 200 personnes ont perdu la vie et des milliers d’autres ont été blessées lors d’une explosion chimique de grande ampleur[14]“Beirut port explosion investigation suspended for second time”, BBC News, 27 September 2021, https://www.bbc.com/news/world-middle-east-58705687 survenue dans le port de Beyrouth. « L’explosion est la conséquence d’un État en déroute. La moitié de la ville a été détruite, et des milliers de personnes se sont retrouvées sans abri. Le gouvernement a brillé par son absence. C’est la réponse immédiate de la société civile qui a sauvé la nation. », explique le Réseau des ONG arabes pour le développement (Arab NGO Network for Development, ANND)[15]Pour de plus amples informations : https://www.annd.org/english/page.php?pageId=1#sthash.8gLt2edU.dpbs. « La société civile a fait preuve d’une grande efficacité dans sa réponse, car nous avons connu 15 ans de guerre civile sans aucune présence étatique. C’est triste à dire, mais nous avons une certaine expérience. »

La réponse officielle s’est caractérisée par son manque de transparence ; des politiques haut placés ont refusé de coopérer dans une enquête judiciaire visant à établir une possible négligence criminelle, selon Freedom House[16]Freedom House, Lebanon – Key Developments in 2020, https://freedomhouse.org/country/lebanon/freedom-world/2021. C’est grâce au dynamisme et à la vitalité de la société civile que des personnes ont pu être sauvées des décombres et que de la nourriture a pu être apportée aux communautés touchées par l’explosion et la crise économique qui en a découlé ; c’est ce qui a permis aux citoyens de se mobiliser et de se battre pour leurs droits. Suite à l’explosion, des personnes de religions et d’origines culturelles et sociales variées se sont retrouvées à Beyrouth pour organiser l’aide humanitaire et commencer à mettre sur pied le processus politique de « reconstruction de la nation ». Comme l’affirme l’ANND : « Ce n’est pas le moment de l’abattement. C’est le moment de la création de liens, de structures politiques et de modèles de citoyenneté inédits. Comment y parvenir ? C’est là tout le défi de la société civile ».

« Suite à l’explosion, des personnes de religions et d’origines culturelles et sociales variées se sont retrouvées à Beyrouth pour organiser l’aide humanitaire. »

 

Népal : cumul de fragilités

« J’ai cru mourir » : ce sont les mots de Sapana, habitant de Bhaktapur, lorsqu’il se rappelle le tremblement de terre de 2015 ; il ajoute : « Mes trois filles étaient à la maison. En raison du tremblement de terre, je ne pouvais pas les joindre, et ma maison a été détruite. J’espère que nous serons désormais capables de construire une meilleure société. »

Au Népal, les catastrophes de grande ampleur, dont le récent tremblement de terre de 2015 à Gorkha[17]Sources multiples : “Gorkha Earthquake 2015”, ScienceDirect, https://www.sciencedirect.com/topics/earth-and-planetary-sciences/gorkha-earthquake-2015, font partie du quotidien. Outre sa vulnérabilité sismique due à sa situation géographique, la nation himalayenne est également l’un des pays sur Terre les plus susceptibles d’être touchés par le changement climatique. Selon les estimations, des millions de Népalais[18]Climate Links, “Nepal at a Glance, Climate Projections and Impacts”, https://www.climatelinks.org/countries/nepal sont menacés par les impacts du changement climatique, et notamment : réduction de la production agricole, insécurité alimentaire, diminution des ressources en eau, déclin des surfaces forestières et de la biodiversité, et dommages causés aux infrastructures.

Plus préoccupant encore, le Népal a connu la pire saison de feux de forêts[19]Kunda Dixit, “Nepal is going up in smoke – Wildfires lead to hazardous air quality for third straight day, with no end in sight”, Nepali Times, 28 March 2021, … Continue reading de mémoire humaine au printemps dernier. Sur l’ensemble des contreforts himalayens, les montagnes ont été la proie des flammes de novembre à mars : au pic de la saison, près de 2 000 incendies non maîtrisés avaient lieu en même temps. La terre carbonisée avait à peine eu le temps de se régénérer quand la mousson est arrivée[20]“Monsoon hits Nepal with a bang”, Nepali Times, 15 juin 2021, https://www.nepalitimes.com/latest/monsoon-hits-nepal-with-a-bang, déclenchant des précipitations record, dont une grande partie dans la région transhimalayenne, normalement située dans l’ombre pluviométrique. Les pentes mises à nu n’ont ainsi pas pu retenir l’eau, et les écoulements sont venus grossir les rivières, emportant sur leur passage habitations, ponts, routes et centrales hydroélectriques, explique Kunda Dixit du Nepali Times[21]Kunda Dixit, “Disasters in Nepal come in waves – There are crises within crises, layers upon layers of calamities”, Nepali Times, 17 June 2021, … Continue reading.

Comme c’est le cas dans de nombreuses catastrophes, les premiers intervenants[22]KhemLal Bishwakarma, “Community Forestry: An Effective Avenue to Respond to COVID-19”, my República, 7 October 2021, … Continue reading ont été les organisations de la société civile. La fédération des ONG du Népal (NGO Federation of Nepal, NFN)[23]NGO Federation of Nepal, https://www.ngofederation.org et ses membres jouent un rôle essentiel dans le renforcement de la coordination, pas seulement « sur le terrain », mais également en faisant pression en faveur de l’adoption de nouvelles législations et plans d’action.

En réalité, le travail des organisations de la société civile ne s’arrête pas avec la catastrophe : « Nous continuons à accompagner les victimes », explique la NFN. Dans un pays comme le Népal, les organisations de la société civile mobilisent des bénévoles, apportent de la nourriture, du gaz et de l’eau et répondent à d’autres besoins fondamentaux au sein des communautés. Mais elles encouragent également l’émergence de nouveaux réseaux et modèles de collaboration et de gouvernance.

« Le travail des organisations de la société civile ne s’arrête pas avec la catastrophe. »

 

Lorsque le Népal a été frappé par le tremblement de terre en 2015, des milliers de bâtiments publics et privés ont été détruits, y compris des monuments historiques et des temples, tuant près de 9 000 personnes et faisant plus de 22 000 blessés. Au coût matériel du tremblement de terre s’est ajouté le tribut psychologique. Dans des mouvements de solidarité, les voisins se sont soutenus mutuellement en partageant nourriture, abri et, plus important encore, assistance émotionnelle. Cet aspect pourtant essentiel de la gestion des risques est souvent relégué au dernier plan. Comment faire face aux stigmates psychologiques, tant individuellement que collectivement ?

« Pendant le tremblement de terre, j’étais désespéré. J’ai eu la peur de ma vie, j’avais l’impression d’avoir tout perdu. Pendant les sauvetages, j’ai vu des cadavres… Mes proches m’ont dit d’être fort et d’aider les autres. », décrit un adolescent. Plusieurs décennies après un glissement de terrain, un tsunami ou un conflit, les gens doivent continuer à vivre avec les conséquences. Ces urgences silencieuses ne disparaissent pas, mais elles sont bien souvent oubliées.

Même si, depuis cette catastrophe, de grands progrès ont été accomplis dans la coordination entre gouvernement, agences internationales et société civile, le défi est désormais de maintenir ce niveau d’implication afin d’améliorer la préparation au prochain grand tremblement de terre ou à la prochaine catastrophe majeure. Près d’un petit mémorial en pierre, érigé après le tremblement de terre de 1934 en bordure d’une rue animée de Katmandou, des maisons de trois étages ont été construites : c’est la limite qu’impose une loi adoptée pour réduire l’impact des prochains tremblements de terre. Cependant d’autres étages se sont ajoutés, déstabilisant les édifices à mesure que la mémoire et les leçons du passé s’effacent et s’estompent. Comment conserver la vitalité de l’engagement personnel, public et politique ?

L’avenir

Comment opérer la transition entre la gestion des catastrophes et la gestion des réalités plus complexes et imbriquées qui conduisent à la multiplication et à l’intensification des catastrophes, à la fois de grande ampleur et quotidiennes ? En 2019, Forus a lancé un projet[24]Forus, « À propos de la boîte à outils RRC », https://drr.forus-international.org visant à renforcer les capacités des plateformes nationales d’ONG dans des situations de crise et de post-urgence avec le soutien de la Fondation de France. Du Mali à la Colombie, en passant par le Népal ou le Bangladesh, cela a permis de rassembler les expériences et mécanismes des réseaux d’organisations de la société civile qui font face aux catastrophes au quotidien. Ces derniers ont partagé leur expérience dans la création de passerelles entre experts, groupes locaux et autres acteurs afin de coordonner une réponse plus efficace et d’améliorer la préparation en posant les bases d’un travail collectif et interconnecté.

Qu’est-il ressorti de ce processus ? Dans la gestion des catastrophes, nous devons nous appuyer sur les savoirs locaux des communautés, mettre en place des partenariats innovants avec des acteurs internationaux qui repensent les rapports de pouvoirs, et renforcer la confiance et la coordination entre les acteurs.

« Dans la gestion des catastrophes, nous devons nous appuyer sur les savoirs locaux des communautés. »

 

Les efforts visant à bâtir des communautés résilientes ne s’arrêtent pas à partir de l’extinction d’un incendie, de la fin d’un ouragan ou de la reconstruction d’une ville. Il s’agit d’un processus à long terme, allant de pair avec de nouveaux modèles de financement du développement durable[25]Forus, « Financement du développement durable », https://www.forus-international.org/fr/financing-for-sustainable-development. Si nous continuons à promouvoir les modèles extractivistes comme la seule voie de développement, ou si nous limitons l’espace alloué à la société civile, aux communautés et aux citoyens, l’avenir sera marqué par davantage d’échecs et de souffrances. L’épicentre de ces initiatives doit trouver ses racines dans les communautés locales, lesquelles ont vocation à être au cœur des efforts de reconstruction et de préparation afin de construire des perspectives pleines d’espoir et des trajectoires pérennes pour l’avenir de nos sociétés.

Traduit de l’anglais par Anna Brun

Nous tenons particulièrement à remercier la Fondation de France, Sanjog Manandhar, Magali Dandolo, ainsi que le réseau et le secrétariat de Forus, et en particulier Rémi Renon, pour leurs conseils et leurs contributions à cet article.


ISBN de l’article (HTML) : 978-2-37704-899-1

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References

References
1 « L’époque anthropocène est une unité de temps géologique non officielle, utilisée pour décrire la période la plus récente de l’histoire de la Terre où l’activité humaine a commencé à avoir un impact significatif sur le climat et les écosystèmes de la planète », National Geographic, Resource library/Encyclopedic entry, https://www.nationalgeographic.org/encyclopedia/anthropocene ; Voir également : François Gemenne et Marine Denis, « Qu’est-ce que l’anthropocène ? », Vie publique, parole d’expert, 8 octobre 2019, https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271086-terre-climat-quest-ce-que-lanthropocene-ere-geologique
2 Donna J. Haraway, Staying with the Trouble, Duke University Press, 2016.
3 Podcast « Justicia climática en Honduras » (en espagnol), Forus/Asonog, https://soundcloud.com/user-975127425/es-justicia-climatica-en-honduras
4 Banque mondiale/Organisation internationale du travail, Indicateurs clés du marché du travail, « Emplois dans l’agriculture (% du total des emplois) – Honduras », https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SL.AGR.EMPL.ZS?locations=HN
5 Martin Reischke, “Dauerkrise in Honduras. Korruption, Kokain und Klimawandel”, Deutschlandradio, 3 August 2021, https://www.deutschlandfunkkultur.de/dauerkrise-in-honduras-korruption-kokain-und-klimawandel.979.de.html?dram:article_id=501153
6 “Civil Society is Vital to Fighting Corruption in Honduras”, Democracy Speaks, 17 August 2021, https://www.democracyspeaks.org/blog/civil-society-vital-fighting-corruption-honduras
7 “Honduras: Process for General Elections in November Advances”, Telesur, 1 October 2021, https://www.telesurenglish.net/news/Honduras-Process-for-General-Elections-in-November-Advances-20211001-0020.html
8 Voir par exemple la vidéo d’ASONOG – Honduras, Forus International, 18 septembre 2020 ,https://www.facebook.com/watch/?v=435665370729309
9 Latin America is the Most Dangerous Region for Environmentalists”, Catalyst, 18 October 2021, https://catalyst.cm/stories-new/2021/5/7/latin-america-is-the-most-dangerous-region-for-environmentalistsnbsp
10 “Last line of defence”, Global Witness, 13 September 2021, https://www.globalwitness.org/en/campaigns/environmental-activists/last-line-defence
11 Elizabeth Ferris, “Natural Disasters, Human Rights, and the Role of National Human Rights Institutions”, 25 October 2008, Brookings, https://www.brookings.edu/on-the-record/natural-disasters-human-rights-and-the-role-of-national-human-rights-institutions
12 “In crisis-struck Lebanon, school year is gripped by chaos”, Associated Press, 30 September 2021, https://apnews.com/article/business-middle-east-lebanon-education-beirut-04f3c5298a48195cf139a3cbc1a730395
13 “Qatar to provide aid for Lebanese troops as crisis deepens”, Al Jazeera, 7 July 2021, https://www.aljazeera.com/news/2021/7/7/qatar-to-provide-aid-for-lebanese-troops-amid-economic-crisis
14 “Beirut port explosion investigation suspended for second time”, BBC News, 27 September 2021, https://www.bbc.com/news/world-middle-east-58705687
15 Pour de plus amples informations : https://www.annd.org/english/page.php?pageId=1#sthash.8gLt2edU.dpbs
16 Freedom House, Lebanon – Key Developments in 2020, https://freedomhouse.org/country/lebanon/freedom-world/2021
17 Sources multiples : “Gorkha Earthquake 2015”, ScienceDirect, https://www.sciencedirect.com/topics/earth-and-planetary-sciences/gorkha-earthquake-2015
18 Climate Links, “Nepal at a Glance, Climate Projections and Impacts”, https://www.climatelinks.org/countries/nepal
19 Kunda Dixit, “Nepal is going up in smoke – Wildfires lead to hazardous air quality for third straight day, with no end in sight”, Nepali Times, 28 March 2021, https://www.nepalitimes.com/banner/nepal-is-going-up-in-smoke
20 “Monsoon hits Nepal with a bang”, Nepali Times, 15 juin 2021, https://www.nepalitimes.com/latest/monsoon-hits-nepal-with-a-bang
21 Kunda Dixit, “Disasters in Nepal come in waves – There are crises within crises, layers upon layers of calamities”, Nepali Times, 17 June 2021, https://www.nepalitimes.com/banner/disasters-in-nepal-come-in-waves
22 KhemLal Bishwakarma, “Community Forestry: An Effective Avenue to Respond to COVID-19”, my República, 7 October 2021, https://myrepublica.nagariknetwork.com/news/community-forestry-an-effective-avenue-to-respond-to-covid-19
23 NGO Federation of Nepal, https://www.ngofederation.org
24 Forus, « À propos de la boîte à outils RRC », https://drr.forus-international.org
25 Forus, « Financement du développement durable », https://www.forus-international.org/fr/financing-for-sustainable-development

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