Sophie Nakueira • Senior research fellow at the Max Planck Institute for Social Anthropology (Germany)
L’image de l’enfant résilient peut-elle durablement contrebalancer cette de l’enfant souffrant ? C’est le pari que fait l’autrice, s’appuyant sur son terrain d’étude, en Ouganda. Pour étayer son propos, elle évoque les expériences d’ONG et d’organisations internationales qui non seulement auraient fait évoluer leur politique iconographique, mais également permis à des enfants de sortir de leur situation de victimes.
Pour certains chercheurs, « la souffrance a une fonction sociale[1]Arthur Kleinman, Veena Das and Margaret M. Lock, “Introduction” in Arthur Kleinman, Veena Das and Margaret M. Lock (eds.), Social Suffering, University of California Press, 1997, pp. ix–xxvii … Continue reading » dans la vie de tous les jours. Dans le domaine de l’humanitaire ou du développement, les images ou récits de souffrance servent principalement à susciter une réponse affective chez les donateurs et le grand public, dans le but de lever des fonds ou de les sensibiliser à des situations impactant les enfants. Si ces représentations iconiques dépeignent des enfants en souffrance issus du monde entier, je me concentrerai dans cet article sur l’enfant africain. On pardonnera en effet aisément à qui l’Afrique demeure méconnue de ne percevoir le continent que par un prisme unidimensionnel – comme ravagé par « la faim, la famine et la mortalité précoce[2]Ibid, p. xxi. ». S’il ne s’agit en aucun cas de nier l’existence de la famine, de la maladie et des décès prématurés qui frappent les personnes en déplacement, le but est ici d’appeler à des représentations diversifiées, capables de mettre en lumière la réalité nuancée de l’expérience enfantine dans les contextes humanitaires, par l’utilisation d’images ou de stratégies qui alimentent la résilience des enfants. J’aborde ainsi l’appropriation de la souffrance dans le contexte humanitaire, notamment à travers l’emploi répandu de l’image de l’enfant qui souffre, pour soutenir une approche alternative qui évite de réifier les représentations stéréotypées des enfants en situation de déplacement ou de postconflit. Un point d’importance dans la mesure où certains chercheurs estiment que la souffrance affecte les populations appauvries et impuissantes tant des nations développées que des nations sous-développées[3]Ibid., p. ix.. Bien que la souffrance fasse partie inhérente de l’expérience humaine[4]Arthur Kleinman and Joan Kleinman, “The appeal of experience; the dismay of images: cultural appropriations of suffering in our times”, in Arthur Kleinman, Veena Das and Margaret M. Lock (eds.), … Continue reading, l’omniprésence des images d’enfants s’explique par le succès des campagnes de levée de fonds qui les utilisent, et la tendance à percevoir les enfants comme innocents, et par conséquent dignes de protection. Cet article ajoute aux connaissances existantes en proposant une représentation alternative de l’enfance dans les contextes humanitaires africains. Mon propos vise à montrer comment l’ethnographie peut contribuer à problématiser des visions spécifiques de certaines expériences, à l’exclusion de toute autre. Les multiples raisons m’ayant amenée à me concentrer sur l’éducation en tant qu’approche alternative et à l’étudier dans le contexte des camps de réfugiés en Ouganda sont exposées dans la section dédiée à la méthodologie.
L’iconographie humanitaire
Les humanitaires s’appuient depuis longtemps sur l’iconographie de l’enfant dans le but de collecter des fonds et de réveiller les consciences aux souffrances humaines[5]Heide Fehrenbach, “Children and other civilians: photography and the politics of humanitarian image-making”, in Heide Fehrenbach and Davide Rodogno (eds.), Humanitarian Photography: A History, … Continue reading. Selon Andrew C. Rajca, des images à l’esthétisme agréable, dans lesquelles « des enfants, des femmes et des minorités raciales et ethniques » apparaissent en innocentes victimes d’actes barbares commis par une entité malfaisante indéfinie, sont soumises au regard de spectateurs habituellement issus « d’un milieu éducatif et économique sûr[6]Andrew C. Rajca, “Cinematic aesthetics and the subject of human rights: on Eliane Caffé’s Era o Hotel Cambridge” in Danielle Celermajer and Alexandre Lefebvre (eds.), The Subject of Human … Continue reading ». Ces images, censées interpeller un public très éloigné des causes profondes de cette souffrance, visent à l’inciter à agir en réparation d’une injustice particulière[7]Ibid. Au sujet de la notion de « passive suffering » (« souffrance passive »), voir Erica Burman, “Innocents abroad: Western fantasies of childhood and the iconography of emergencies”, … Continue reading. L’action militante pour les droits de l’Homme, par cette « mobilisation de la honte[8]Thomas Keenan, “Mobilizing shame”, South Atlantic Quarterly, vol. 103, no. 2–3, 2004, pp. 435–449 (p. 435). », est critiquée en ce qu’elle contribue à véhiculer une image de « victimes sans défense » de certaines personnes, tout en dégageant de toute responsabilité ceux qui soutiennent « les structures économiques, politiques et sociales à l’origine même de la souffrance humaine[9]Andrew C. Rajca, “Cinematic aesthetics…”, art. cit., p. 173. ».
Pour Miriam Tickin, les enfants constituent l’image même de l’innocence[10]Miriam Ticktin, “A world without innocence”, American Ethnologist, vol. 44, no. 4, November 2017, pp. 577–590 (p. 577).. Kate Manzo remarque quant à elle que, par la « solidarité fondée sur l’innocence[11]Kate Manzo, “Imaging humanitarianism: NGO identity and the iconography of childhood”, Antipode, vol. 40, no. 4, September 2008, pp. 632–657 (p. 633). », les acteurs de l’aide et du développement mobilisent des visuels de l’enfance en tant que vecteurs par lesquels ils « se produisent eux-mêmes en tant qu’organisations fondées sur les droits[12]Ibid., p. 632.. » Laura Suski estime pour sa part que l’innocence de l’enfance a pour fonction de légitimer l’humanitarisme[13]Laura Suski, “Children, suffering and the humanitarian appeal”, in Richard Ashby Wilson and Richard D. Brown (eds.), Humanitarism and Suffering: The Mobilization of Empathy, Cambridge University … Continue reading. Plusieurs travaux de recherche s’accordent en outre à dire que les notions occidentales de l’enfance reflètent de plus larges « attitudes, valeurs et suppositions culturelles[14]Ibid., p. 635. ». Aussi, malgré les arguments selon lesquels les représentations visuelles « des sujets des droits humains en “victimes sans défense” qui doivent être sauvées[15]Andrew C. Rajca, “Cinematic aesthetics…”, art. cit., p. 172. » n’atteignent pas toujours l’objectif visé, les images d’enfants qui souffrent demeurent efficaces pour des raisons politiques et économiques. La photographie d’un enfant mal nourri du Soudan du Sud, aux portes de la mort, signée Kevin Carter, parue dans le New York Times, a notamment servi à éveiller les consciences sur une famine jusqu’alors négligée, et à lever des fonds pour des campagnes alimentaires destinées aux réfugiés[16]Arthur Kleinman and Joan Kleinman, “The appeal of experience…”, art. cit., p. 13.. L’image d’Alan Kurdi, enfant syrien échoué sur la plage, a apporté une dimension humaine à la question politiquement contentieuse de la migration irrégulière en Europe. Ces exemples témoignent des différentes finalités humanitaires et politiques au service desquelles l’iconographie de l’enfant est utilisée. Paradoxalement, cet usage symbolique de contrées distantes et sous-développées risque de donner corps au paternalisme et aux « visions coloniales d’un Nord supérieur et d’un Sud inférieur[17]Kate Manzo, “Imaging humanitarianism: NGO identity…”, art. cit., p. 636. ».
« Les images d’enfants qui souffrent demeurent efficaces pour des raisons politiques et économiques. »
Méthodologie
Je mène des travaux de recherche ethnographique dans un camp de réfugiés du sud-ouest de l’Ouganda depuis 2017. Les données sur lesquelles repose le présent article sont issues d’un projet en cours, qui vise à établir comment la fonction publique et les organismes d’aide répondent aux besoins de protection des réfugiés et demandeurs d’asile les plus vulnérables en Ouganda. Cette étude s’appuie sur les observations des participants, ainsi que sur des entretiens approfondis avec différents agents de terrain issus d’organismes internationaux principalement consacrés à la protection de l’enfance ou à l’éducation, du personnel humanitaire, des parents d’enfants réfugiés, et des fonctionnaires du département des réfugiés en Ouganda.
Les réfugiés du camp dans lequel l’étude a été menée viennent du Rwanda, d’Érythrée, d’Éthiopie et, pour la plus grande partie, de la République démocratique du Congo (RDC). Des conflits récurrents dans l’est de l’Afrique ont entraîné le déplacement forcé de plus de 1,3 million de réfugiés, faisant de l’Ouganda le troisième pays d’accueil des réfugiés dans le monde[18]Save the Children, A global test: the refugee response in Uganda, 2020, https://resourcecentre.savethechildren.net/pdf/Final+-+the+Uganda+refugee+response.pdf. Les enfants représentent plus de 60 % de cette population[19]Ibid.. Lors du Sommet humanitaire mondial (SHM) de 2016, acteurs internationaux des secteurs de l’aide humanitaire et au développement et donateurs privés et publics se sont engagés à faire de l’éducation une priorité de l’agenda humanitaire[20]Education Cannot Wait, “Education Cannot Wait develops ground-breaking curriculum for crisis-affected adolescents, derived from Viktor Frankl’s seminal work ‘Man’s Search for Meaning’”, … Continue reading. Le projet mené en Ouganda me sert d’étude de cas pour souligner en quoi l’éducation constitue une stratégie alternative à celle de l’image iconique de l’enfant, notamment en montrant comment les organismes d’aide internationaux s’appuient sur des programmes d’éducation et de résilience pour proposer des représentations différentes de l’enfant dans la souffrance.
Mes nombreuses visites du camp de réfugiés de Nakivale m’ont toujours permis d’observer la résilience des enfants qui y vivent. Quelles qu’aient été les circonstances de leur arrivée dans le camp, je les voyais jouer au bord de la route devant des huttes de terre par temps chaud, nager avec bonheur dans les mares creusées dans les champs par temps de pluie, ou s’affairer à différentes tâches comme aller chercher de l’eau ou du bois pour le feu. Certains rejoignaient leur classe ou sortaient de l’école, selon l’heure de la journée. Ils vivaient au quotidien de la seule façon qui leur était connue ou possible sur le camp. Malgré cela, dans la quête de financements, ces expériences nuancées et multiples des réalités vécues ne sont que rarement mises en lumière. Au contraire, la tendance demeure à la sensationnalisation de la souffrance, ouvrant la porte aux critiques pour exploitation du « trauma porn[21]Luma Makari, “Trauma porn and the commodification of Lebanon’s strategy”, The New Humanitarian, 25 January 2022, … Continue reading » (ou pornographie du traumatisme, NDLR).
« L’éducation constitue une stratégie alternative à celle de l’image iconique de l’enfant. »
L’éducation et l’enfant résilient
L’éducation s’avère efficace pour contrer l’usage établi de représentations d’enfants vulnérables dans le domaine humanitaire, en ce qu’elle se concentre sur le développement de « l’enfant résilient ». S’il s’agit là aussi d’un stéréotype, il s’oppose néanmoins aux images précédentes d’enfants dans la souffrance. Muni des bonnes compétences, l’enfant résilient s’épanouit malgré les difficultés. L’éducation fait partie des programmes par lesquels différentes agences cherchent à construire ou à renforcer cette résilience. C’est notamment le cas de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), dont les stratégies de levée de fonds reposent sur l’éducation des générations futures en tant que vecteur de développement de la résilience. Une stratégie par ailleurs très efficace, selon un participant à l’étude. Le HCR, explique-t-il, entend créer une génération compétente, de façon à briser le cycle de la violence[22]Entretien avec le HCR, 12 janvier 2022. : la résilience est l’objectif ultime, alors que d’autres éléments utilisés par d’autres organismes d’aide déshumanisent les enfants.
Les programmes éducatifs du HCR sont financés par la campagne Éducation sans délai (Education Cannot Wait – ECW en anglais), un fonds des Nations unies dédié à l’éducation en situations d’urgence[23]Education Cannot Wait, “Education Cannot Wait develops ground-breaking curriculum…”, art. cit.. Créé il y a six ans lors du SHM, l’ECW a pour but de faire de l’éducation une priorité dans les situations d’urgence humanitaire[24]Ibid.. L’agent du HCR interrogé a ainsi indiqué que grâce à la campagne ECW, les enfants acquièrent des compétences qui pourront leur être utiles aussi bien dans leur pays d’origine que dans leur pays d’asile. Critique à l’égard des représentations d’enfants dans la souffrance, ce dernier a soulevé le dilemme éthique que représente l’usage d’images comme le cliché de Kevin Carter mentionné précédemment.
Malgré l’importance de l’éducation en situations d’urgence (voir l’article 22 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés), son déploiement en tant que stratégie de développement de la résilience demeure régulier, mais graduel[25]Sarah Dryden-Peterson, Refugee education: a global review, The UN Refugee Agency, November 2011, pp. 13–15, https://www.refworld.org/docid/5142ee1c2.html. Depuis le SHM, de nombreuses agences semblent mettre en œuvre des programmes intégrant une composante éducative. Le site web de War Child Canada arbore des images positives d’enfants, parmi lesquelles des clichés d’enfants à l’étude sur des tablettes ou souriant dans la cour de l’école, ou encore une photo dont la légende explique que « Les enfants en Ouganda sont extrêmement résilients[26]Pour des représentations positives d’enfants, voir https://www.warchildholland.org/country-uganda ». Ces représentations posent un regard plus nuancé sur le quotidien des enfants dans les camps de réfugiés, en ce qu’elles montrent la multiplicité des expériences vécues par les enfants en situation de migration forcée, malgré le traumatisme ou la souffrance qu’ils endurent. De nombreux liens du site de War Child Canada renvoient à des représentations positives d’enfants en salle de classe, et promeuvent dans le même temps son programme Can’t Wait to Learn. Je qualifie de « positives » les représentations alternatives d’enfants dans leur quotidien, qui jouent, rient, sourient ou étudient. Ceci n’enlève rien à leurs souffrances, mais reconnaît la diversité de l’expérience enfantine, même dans les camps de réfugiés. Lors d’un entretien, War Child Canada a expliqué que ses programmes d’éducation visaient à garantir que les enfants ayant abandonné l’école puissent la réintégrer par le biais de programmes d’apprentissage accéléré. Des espaces adaptés aux enfants offrent aux mères-enfants un environnement propice à l’apprentissage en contexte humanitaire, avec une solution de garde pour leurs enfants. L’employé de War Child Canada interrogé a aussi expliqué que l’organisme entend lutter contre le mariage précoce et d’autres mécanismes d’adaptation négatifs auxquels les enfants sont susceptibles d’avoir recours en cas de décrochage scolaire[27]Entretien avec War Child Canada, 2020.. Save The Children et le Fonds des Nations unies pour l’enfance, deux organismes internationaux proposant également des programmes éducatifs dans des camps de réfugiés de l’Ouganda, publient eux aussi des images positives d’enfants sur leurs sites internet.
Interrogé sur la priorité donnée aux programmes d’éducation, l’agent du HCR a indiqué que l’ensemble de ses partenaires étaient tenus d’adhérer aux principes de protection internationaux, dont l’éducation fait partie. Ainsi, explique-t-il, dans la mesure où celle-ci se place au cœur de l’objectif de développement durable n° 4 , l’accent sur l’éducation dans les contextes humanitaires constitue l’un des leviers pour l’atteindre.
Résultats
Les entretiens auprès de certains réfugiés ayant grandi sur le camp de Nakivale ont révélé le rôle majeur que l’éducation et les bourses d’étude ont pu jouer dans leur vie. L’un des interrogés, dont la famille avait fui le Burundi pour rejoindre le Rwanda, puis la Tanzanie et enfin l’Ouganda, a expliqué qu’une bourse octroyée par Windle International Uganda lui avait permis d’étudier et de trouver un emploi dans les bureaux humanitaires du camp. Les bénéficiaires de bourses d’étude, à présent adultes avec leur propre famille, vivaient dans des situations de réfugiés prolongées après leur arrivée dans le camp à l’âge de 9 ou 10 ans.
Dans son essai sur la souffrance et la violence structurelle en Haïti, Paul Farmer soutient que l’expérience de vie des personnes dans la pauvreté « doit impérativement être intégrée à l’ethnographie pour que leur représentativité puisse être comprise. Ces connaissances locales doivent elles-mêmes être intégrées aux systèmes historiques à plus large échelle dans lesquels s’inscrit le site du travail de terrain[28]Paul Farmer, “On suffering and structural violence: a view from below”, in Arthur Kleinman, Veena Das and Margaret M. Lock (eds.), Social Suffering, op. cit., p. 273.. » L’intégration des expériences de vie à l’ethnographie dévoile comment la souffrance est éprouvée, mais également les structures qui la provoquent ou la perpétuent. L’ethnographie peut également percer à jour de nouvelles voies pour combattre ces structures (ne serait-ce que dans une moindre mesure). Dans les camps de réfugiés de l’Ouganda, la situation politique, sociale et économique à l’échelle mondiale influe sur les expériences de vie des enfants, et c’est dans ce plus vaste contexte que les stratégies alternatives doivent être conceptualisées et positionnées. Non seulement par l’usage d’images d’enfants souriants, mais aussi par une sensibilisation aux difficultés infrastructurelles et aux statistiques montrant la croissance de la population enfantine, et la démonstration des conséquences de ces phénomènes en matière de protection. Ces stratégies ont porté leurs fruits pour le HCR, qui a réussi grâce à elles à obtenir des fonds. Les stratégies qui projettent une vision des enfants comme futurs leaders sont également susceptibles de rencontrer plus de succès, dans la mesure où elles conceptualisent des solutions porteuses de moyens et d’autonomie.
Une analyse historiquement approfondie , telle que Farmer nous invite à en mener, nous rappelle que les mineurs non accompagnés ou enfants séparés des camps de réfugiés du sud-ouest de l’Ouganda ont été contraints de quitter des pays touchés depuis des décennies par des conflits récurrents, notamment dans les régions riches en ressources de la RDC. D’autres encore sont des descendants de migrants forcés à fuir les génocides au Rwanda et au Burundi, ou les violences ethniques. Lorsque les considérations éthiques le permettent, une stratégie offrant aux enfants l’occasion de raconter eux-mêmes leur propre vécu montrerait la diversité et la nuance de leurs expériences.
« L’émergence de “l’enfant résilient” présente une alternative préférable aux images iconiques d’enfants qui souffrent. »
L’ethnographie joue un rôle majeur lorsqu’il s’agit de dévoiler la complexité des expériences de vie des enfants déplacés, et peut être utile au développement de représentations alternatives. La longévité de l’archétype de l’enfant dans la souffrance s’explique principalement par l’usage que les organismes humanitaires et de développement en font dans le cadre de stratégies de collecte de fonds visant à réveiller des sensibilités morales ou affectives. En outre, les systèmes d’aide humanitaire reposent sur un critère de vulnérabilité pour protéger ou prioriser les plus fragiles. Le développement de la résilience, notamment par le biais de programmes d’éducation, prend toutefois de l’ampleur. L’émergence de « l’enfant résilient » présente une alternative préférable aux images iconiques d’enfants qui souffrent, car elle permet de conceptualiser des stratégies constructives propices au développement de communautés résilientes. Cette résilience trouve sa représentation avec des images d’enfants dans leur quotidien – qui étudient, jouent ou sourient –, et dont l’arrière-plan – classes surchargées, huttes de terre ou infrastructures sous-développées – révèle le manque de ressources de leur contexte local. Pour aller plus loin dans la création de représentations alternatives, l’inclusion de récits rapportés par les enfants déplacés eux-mêmes, ou de concepts qui renvoient à l’avenir de ces enfants, mériterait également être explorée.
Traduit de l’anglais par Rozenn Guennou
ISBN de l’article (HTML) : 978-2-37704-931-8