Dans la crise des réfugiés et des migrants en Europe, une personne sur trois en quête de refuge est un enfant. Parmi ces enfants, des mineurs non accompagnés[1]« Les mineurs non-accompagnés sont des enfants âgés de moins de 18 ans, qui ont été séparés de leurs deux parents et d’autres membres proches de leur famille, et ne sont pas pris en … Continue reading. Aucun recensement exhaustif de ces enfants n’existe. De par leur grande mobilité, les chiffres évoluent constamment. On estime qu’ils sont en permanence environ 500, présents sur l’ensemble du littoral de la Manche depuis début 2016. Ces enfants fragiles ne sont pourtant pas protégés. Les réponses proposées par les pouvoirs publics en France sont limitées et inadaptées. Ils vivent ainsi dans des conditions indignes (manque de nourriture et d’accès à l’eau, déscolarisation). À la merci des passeurs et des adultes, ils sont exposés à des dangers permanents : accidents, blessures, violences dont des situations de violences sexuelles.
La photographe Laurence Geai s’est rendue à Calais entre février et mai 2016 et a enquêté dans le bidonville, auprès de ces jeunes isolés décidés à rejoindre l’Angleterre. Ses photographies nous engagent à reconnaître la rudesse de l’existence de ces enfants, les risques qu’ils encourent, et l’urgence à leur venir en aide. Elles nous rappellent que ce sont avant tout des enfants, et que la façon de les accueillir dans nos pays est une responsabilité partagée.
Son reportage, associé à l’enquête sociologique menée par l’association Trajectoires pour l’UNICEF France[2]Olivier Peyroux, Alexandre Le Clève et Evangéline Masson Diez, Ni sains ni saufs. Enquête sur les enfants non-accompagnés dans le Nord de la France, Unicef et Trajectoires, juin … Continue reading, entend documenter la situation de ces jeunes : les rendre visibles pour que cesse le déni et que soient adoptées des mesures appropriées à leur situation, à leur âge et à leur fragilité.
Pour aller plus loin : les enfants migrants bloqués en Grèce
51 % : c’est la proportion d’enfants de moins de 18 ans composant la population des réfugiés dans le monde en 2015, soit une augmentation de plus de 41 % par rapport à 2009. Plus de 98 400 enfants non-accompagnés ou séparés ont présenté des demandes d’asile dans 78 pays en 2015, essentiellement des enfants d’origine afghane, érythréenne, somalienne et syrienne, soit le nombre le plus important depuis le début du recensement de ces données en 2006*.
Au printemps 2016, à l’heure où les réfugiés et les migrants bloqués sur les îles grecques commençaient à regagner la Turquie en vertu de l’accord conclu entre Ankara et l’Union européenne, l’UNICEF rappelait aux États leur obligation de prendre soin et de protéger tous les enfants et de leur donner la possibilité de s’exprimer lorsque leur avenir est en cause. La nouvelle loi grecque, entrée en vigueur le 4 avril dernier, exempte certains groupes vulnérables tels que les enfants non-accompagnés ou séparés, les enfants porteurs de handicap, victimes de traumatismes ou en détresse, les femmes enceintes ou récemment accouchées, de retours forcés ou de procédures frontalières exceptionnelles. Ceci même s’il reste davantage à faire.
Il y avait au printemps dernier plus de 22 000 enfants réfugiés et migrants bloqués en Grèce, confrontés à un avenir incertain et même à des formes diverses de détention depuis la mise en application de l’accord. L’UNICEF souhaite la mise en place d’une procédure bien coordonnée afin d’établir l’intérêt supérieur des enfants et de satisfaire les besoins de chacun d’entre eux, entendant par là un logement décent, des soins de santé, une protection contre le trafic d’êtres humains et l’exploitation conformément aux lois internationales et européennes. De par leur situation, les enfants ont des raisons particulières de pouvoir bénéficier d’une protection internationale, notamment pour échapper au mariage forcé et au recrutement dans des forces armées. La Commission européenne a bien stipulé que les retours devaient s’effectuer conformément au droit international européen.
Yvan Conoir
Chaire Raoul Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l’UQAM/Montréal, Membre du conseil d’orientation de la revue Alternatives Humanitaires
* UNHCR, Global Trends. Forced Displacement in 2015, UNHCR, 20 juin 2016, http://www.unhcr.org/statistics/unhcrstats/576408cd7/unhcr-global-trends-2015.html
ISBN de l’article (HTML): 978-2-37704-154-1