Partenariat avec les opérateurs privés : un indispensable débat au sein des ONG

Anne-Aël  Pohu
Anne-Aël  PohuJuriste et experte indépendante en développement international, Anne-Aël Pohu a travaillé pendant près de dix ans pour diverses ONG et le Programme des Nations unies pour le développement dans des contextes de transition et de sortie de crise. Soucieuse de coupler l’opérationnel et l’analyse, elle a piloté plusieurs travaux de recherche et ouvrages relatifs à la résolution des conflits. En tant que responsable des programmes depuis le siège d’ONG, elle a par ailleurs contribué au développement stratégique des partenariats et à la diversification des sources et modalités de financements. Elle a récemment collaboré avec la Fondation Handicap International en tant qu’analyste éthique, et entrepris un travail de recherche sur la place occupée par les compagnies privées de développement dans la mise en œuvre de l’aide internationale.

Pour clore – temporairement – ce dossier, Anne-Aël Pohu aborde le cas particulièrement éclairant des « compagnies privées de développement », ces sociétés qui se sont créées presque exclusivement pour intervenir sur le champ du développement et de l’humanitaire. Percevant des fonds publics, sous-traitant à des ONG pour remplir leurs engagements, elles induisent un véritable changement de paradigme. Les ONG gagneraient à ouvrir un véritable débat pour ne pas être emportées par ce mouvement de fond.

Collaborer avec des sociétés privées pour la mise en œuvre de projets humanitaires ou de développement est une tendance à laquelle les ONG sont de plus en plus encouragées par certains bailleurs. Sollicitées pour leur expertise technique par des opérateurs privés pour répondre en consortium à des appels d’offres conséquents, les ONG sont bouleversées dans leurs pratiques et leur manière de concevoir les objectifs et les modalités de l’aide. 

Les opérateurs privés à la conquête du «marché de l’aide»

Depuis les années 2010, certains bailleurs internationaux n’ont de cesse d’encourager la participation du secteur privé à l’aide au développement, y compris afin que ce dernier joue un rôle dans la mise en œuvre directe de l’aide. C’est ainsi que des entreprises privées concluent des contrats avec des institutions internationales ou des États bailleurs pour mettre en œuvre, sur fonds publics, les programmes d’aide définis par leur cocontractant. Tantôt qualifiées de « for-profit entities in humanitarian response », « international development contractors », « commercial entities providing relief » ou encore de « for-profit development companies », celles que l’on pourrait appeler en français des « compagnies privées de développement » (CPD) se caractérisent par leur grande diversité et leur capacité à se positionner en appui direct à des institutions, des gouvernements, ou d’autres entreprises sur de multiples thématiques (ingénierie, infrastructure, santé, réforme de la justice, etc.).

Les CPD sont principalement actives dans le secteur du développement, notamment pour des projets de reconstruction et de réhabilitation. Leur participation à l’aide d’urgence n’a émergé qu’au lendemain du tsunami en Asie du Sud-Est en 2004, leur rôle étant principalement confiné jusqu’alors à la fourniture de services pour les agences humanitaires ou les ONG dans les secteurs de la logistique ou du transport. Depuis lors, le volume de l’aide absorbé par les CPD ne cesse de croître. Leur contractualisation par USAID, l’agence américaine pour le développement international, avait progressivement émergé dans les années 1990 avant de significativement augmenter dans les années 2000, en raison des besoins importants de reconstruction en Irak et en Afghanistan et de la réduction des capacités internes d’USAID. En 2015, les 20 principaux signataires de contrats avec USAID ont ainsi perçu 4,8 milliards de dollars, dont 25 % seulement étaient alloués à des ONG. Le premier bénéficiaire a été le Partnership for Supply Chain Management[1]Conglomérat mixte de 13 ONG et CPD travaillant sur des programmes de lutte contre le VIH/sida et la tuberculose. (PFSCM), devant d’importantes compagnies privées : Chemonics International (520 millions de dollars) ; John Snow Incorporated (415 millions) ; DAI (272 millions) ; AECOM (150 millions) ; Abt Associates (143 millions)[2]Ezekiel Carlo Orlina, “Top USAID contractors for 2015”, Devex, 27 mai 2016, http://www.devex.com/news/top-usaid-contractors-for-2015-88181 La même année, la première d’entre elles – Chemonics – signait le plus gros accord-cadre jamais octroyé par USAID à n’importe quel sous-contractant, pour un montant de 9,5 milliards de dollars. En Grande-Bretagne, la montée en puissance des CPD s’est également accentuée depuis 2010. En 2011, les montants octroyés par l’agence britannique de coopération internationale (DFID) aux compagnies privées et aux ONG étaient encore quasi équivalents, avant que l’écart se creuse. Ainsi, en 2015, les trois principales ONG récipiendaires de l’aide publique au développement britannique ont reçu 119,7 millions de livres sterling (48,8 millions pour Population Services International  ; 37 millions pour IMA World Health ; et 33,9 millions pour Marie Stopes International), quand les trois principales compagnies privées recevaient plus du double – 245 millions – soit 92 millions pour PricewaterhouseCoopers, 80 millions pour Adam Smith International, et 73 millions pour DAI[3]Ma Karen Brutas, “DFID’s top NGO partners for 2015”, Devex, octobre 2016, www.devex.com/news/dfid-s-top-ngo-partners-for-2015-88991 et Ezekiel Carlo Orlina, “DFID’s top private sector … Continue reading.

Si les pays anglo-saxons ont été précurseurs dans la contractualisation des CPD, la Commission européenne a progressivement suivi la tendance. À l’heure actuelle, les fonds relevant de l’action humanitaire (ECHO) ne sont pas mobilisables pour financer des programmes mis en œuvre via des sociétés privées. En revanche, du côté de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DEVCO), cette pratique est désormais répandue, notamment dans le cadre du Fonds européen de développement (FED) via les contrats de service.

Des approches qui bousculent le secteur de l’aide

Les CPD sont plébiscitées par les bailleurs pour leur capacité de gestion financière. Les contrats commerciaux offrent à ces derniers une possibilité de contrôle accru des objectifs et des modalités opérationnelles (par exemple la sélection des experts), tout en transférant à la compagnie les responsabilités financière, administrative et fiscale liées au contrat. De plus, par ces financements d’envergure, le bailleur réduit le nombre de contrats à gérer et s’épargne le suivi des partenaires et sous-contractants participant à la mise en œuvre du programme. C’est ainsi la compagnie qui endosse les plus gros risques. Pour autant, le plébiscite doit être nuancé.

La recherche de profits et de rentabilité constitue, à la différence des valeurs portées par les ONG, l’objectif final des CPD. C’est précisément ce qui justifie cette prise de risques. Ces profits, ainsi que le montant des salaires de leurs dirigeants défraient régulièrement la chronique. En 2015, une pétition circulant en Grande-Bretagne dénonçait le fait que l’aide publique au développement transite via ces sociétés, régulièrement accusées de gaspillage et de corruption. La presse britannique a même pointé 11 compagnies britanniques pour les bénéfices exorbitants tirés des programmes d’aide financés par DFID, rebaptisant leurs dirigeants les « barons de la pauvreté»[4]Ian Birrell, “Poverty barons’ payday bonanza: Fatcats cashing in on British aid boom by driving up profits, pays and dividends in poorest parts of the world”, MailOnLine, 10 avril 2016, … Continue reading

En outre, l’expertise et les capacités financières des CPD ne sont pas toujours suffisantes pour garantir la qualité des offres techniques soumises aux bailleurs. Des alliances avec des opérateurs externes, notamment des ONG, leur sont nécessaires pour mobiliser des compétences et des experts spécialisés, appréhender les contextes d’intervention ou renforcer l’ancrage des projets au niveau communautaire. Les CPD sont en effet régulièrement pointées du doigt pour leur manque de connaissances techniques et leur défaut de légitimité, de compréhension des enjeux interculturels[5]Geoff Prescott and Lara Pellini, “Public-private partnerships in the health sector: the case of Iraq”, Humanitarian Practice Network Report, Overseas Development Institute, avril 2004, … Continue reading,  voire de maîtrise du cycle de projet[6]Des audits externes ont ainsi pointé la manière dont Chemonics avait établi des critères d’évaluation sans lien avec les objectifs de ses projets en Haïti..

Le respect des principes humanitaires est également mis à mal par les CPD, notamment en matière de neutralité et d’indépendance. Certaines compagnies privées interviennent en appui à une partie au conflit (en soutenant par exemple la logistique des opérations militaires dans un État en guerre) et le risque d’amalgame avec la politique étrangère menée par l’État bailleur est grand. D’autres ont été accusées d’avoir des liens directs avec les services de renseignement des États qui les financent, voire de contribuer au renversement de régimes politiques[7]Voir les affaires ayant affecté les compagnies DAI à Cuba et au Venezuela, ou Creative Associates au Pakistan. Ces pratiques affectent l’ensemble des acteurs humanitaires sur le terrain dans la mesure où elles génèrent un climat de méfiance généralisée, une réduction de l’accès ou encore des incidents sécuritaires. Aux États-Unis, les liens avec la sphère politique sont clairement assumés par les CPD qui reconnaissent poursuivre les objectifs de la politique étrangère américaine[8]Voir le site du Council of International Development Companies (CIDC), une plateforme de CPD américaines visant à faciliter le dialogue avec les bailleurs. Cette proximité est renforcée par l’existence de liens interpersonnels entre les responsables politiques et les dirigeants des compagnies, tandis que les transferts de personnels entre agences étatiques et CPD ne sont pas rares[9]La senior vice-présidente de la stratégie et du marketing de DAI, et le représentant de Creative Associates sont d’anciens conseillers de USAID, tandis que le fondateur de Chemonics a travaillé … Continue reading.

Au-delà des principes humanitaires, de nombreuses approches et bonnes pratiques du secteur (participation, inclusion, do no harm…) sont encore mal intégrées par les CPD, ce qui peut provoquer des tensions avec les communautés, et réduire l’acceptation et la cohérence des interventions des différents acteurs. De plus, les CPD restent souvent à l’écart des mécanismes de coordination de l’aide, et partagent peu ou pas d’informations sur les activités mises en œuvre sur le terrain. Ce manque de visibilité sur la nature et l’étendue des programmes questionne le degré de redevabilité auquel sont soumises ces compagnies concernant les résultats de leurs actions. Leurs activités ne sont nullement reflétées dans les instruments de reporting du secteur (comme la 4W matrix, le Financial Tracking System d’OCHA ou les rapports du Comité d’aide au développement de l’OCDE ou du Global Humanitarian Assistance) et globalement, les bailleurs ne communiquent pas sur les contrats signés par les CPD. Ce manque de transparence tend à complexifier la coordination entre les acteurs.

Points de vigilance dans la collaboration avec les opérateurs privés

La collaboration avec les CPD dans la mise en œuvre de l’aide est devenue une réalité pour les ONG, qui peuvent ainsi accéder à des financements d’envergure, pluriannuels et portant sur plusieurs pays. S’ouvrir aux opportunités d’alliance est légitime, mais doit faire l’objet d’une attention particulière de la part des ONG afin que ces dernières soient en mesure d’en étudier les conditions et de protéger leurs intérêts.

Tisser des alliances avec des CPD implique en effet un changement de paradigme. En s’engageant dans une négociation commerciale, les ONG s’exposent à une logique de profit et de libre concurrence. Elles doivent être armées pour faire face aux déconvenues possibles : mise en concurrence avec d’autres partenaires ; non-conclusion du partenariat après avoir partagé leur expertise ; offre non conforme aux termes initialement convenus ; manque de visibilité sur le dialogue avec le bailleur ; absence de choix des partenaires opérationnels… Sans remettre en question sa nature d’organisation à but non lucratif, l’ONG doit changer de langage et adapter sa culture d’intervention à ce nouvel environnement.

L’analyse des risques liée au contrat doit faire l’objet d’une attention particulière et être régulièrement mise à jour. Les capacités techniques de la CPD doivent être étudiées scrupuleusement, ainsi que la qualité de l’offre technique finale. Grâce aux conseils d’un juriste spécialisé en droit privé, l’ONG doit également mesurer les risques financiers encourus si les résultats n’étaient pas atteints. Même si, dans les montages en consortium, c’est la société leader qui endosse le plus de risques, rien n’empêche que ceux-ci soient partagés avec les autres partenaires, d’où l’importance de bien comprendre les obligations contractuelles de chaque partie. D’autres questions techniques doivent également être traitées, comme celle de la compatibilité du statut d’ONG avec le dégagement de profits : quels montages peuvent être envisagés pour combiner ces approches a priori antagonistes ?

L’éthique comme garde-fou

C’est aussi et peut-être surtout sur le plan éthique que l’ONG doit s’interroger et se positionner, notamment quant à cette possibilité de gains financiers sur un programme d’aide. Si le principe en était accepté, dans quelles limites et à quelles conditions ? Afin de préserver son identité d’acteur indépendant, neutre et impartial, l’ONG doit en outre affirmer ses principes d’intervention et les principes éthiques endossés par beaucoup d’associations. La communication et le dialogue avec les CPD se révèlent ici essentiels afin que l’entreprise s’approprie ces principes plutôt qu’elle les perçoive comme un frein. L’ONG doit ainsi poser ses conditions sur des questions spécifiques, comme le recours à des sociétés privées de sécurité ou à des escortes armées ; la négociation avec des parties engagées dans le conflit ; l’intervention dans des zones où le bailleur peut avoir des intérêts autres qu’humanitaires, ou encore les exigences posées par certains bailleurs en matière de lutte contre le terrorisme. La ligne de conduite doit être clairement définie en ce qui concerne la transmission d’informations sur l’identité des bénéficiaires, sur les pratiques de contrôle (vetting), et plus globalement sur la propriété et la protection des données. Cela implique une totale transparence de la CPD quant au profil des autres partenaires du consortium ou des sous-traitants. L’ONG doit s’assurer que ces alliances stratégiques ou opérationnelles ne sont pas contraires à sa ligne de conduite et ne mettent pas en danger sa réputation et sa crédibilité, son acceptation et la sécurité de ses équipes et des bénéficiaires. Sur ce point, l’ONG doit mesurer l’impact global de s’engager en consortium avec une CPD dans un de ses pays d’intervention. En effet, les modalités d’intervention imposées peuvent contrevenir à ses pratiques dans le pays ou aux politiques internes de l’organisation (notamment en matière de gestion des ressources humaines). En outre, certains bailleurs peu favorables aux CPD interrogent les ONG sur le sens et la pertinence d’un tel partenariat.

L’entrée en force des CPD est encore peu appréhendée et analysée par les ONG et dans la littérature consacrée au rôle du secteur privé dans la mise en œuvre de l’aide. Pourtant, cette tendance impacte déjà les ONG, et la manière dont l’aide humanitaire ou au développement est mise en œuvre. La part grandissante des fonds captés par les CPD, combinée à la promotion croissante de la localisation de l’aide, pèse directement sur la place qu’occupent les acteurs traditionnels. À terme, la diversité des ONG pourrait être bouleversée et ne laisser place qu’aux plus grandes organisations qui seront en capacité de participer aux consortiums pilotés par les CPD. Faire l’impasse sur cette réflexion ne serait pas responsable de la part des ONG dont la variété des approches et des expertises constitue une richesse. Les ONG devraient analyser conjointement ces changements afin d’anticiper et de mesurer les opportunités et menaces que ces évolutions représentent pour le secteur, et éventuellement consolider entre elles de nouvelles alliances. De plus, la poursuite du dialogue avec les bailleurs de fonds est indispensable afin que les ONG puissent les interroger sur leurs choix, tout en promouvant leurs valeurs et leur expertise et réaffirmant leur attachement aux principes humanitaires et aux bonnes pratiques du secteur.

ISBN de l’article (HTML) : 978-2-37704-292-0

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References

References
1 Conglomérat mixte de 13 ONG et CPD travaillant sur des programmes de lutte contre le VIH/sida et la tuberculose.
2 Ezekiel Carlo Orlina, “Top USAID contractors for 2015”, Devex, 27 mai 2016, http://www.devex.com/news/top-usaid-contractors-for-2015-88181
3 Ma Karen Brutas, “DFID’s top NGO partners for 2015”, Devex, octobre 2016, www.devex.com/news/dfid-s-top-ngo-partners-for-2015-88991 et Ezekiel Carlo Orlina, “DFID’s top private sector partners for 2015”, Devex, décembre 2016, http://www.devex.com/news/dfid-s-top-private-sector-partners-for-2015-89333
4 Ian Birrell, “Poverty barons’ payday bonanza: Fatcats cashing in on British aid boom by driving up profits, pays and dividends in poorest parts of the world”, MailOnLine, 10 avril 2016, www.dailymail.co.uk/news/article-3531963/Poverty-barons-payday-bonanza-Fatcats-cashing-British-aid-boom-driving-profits-pays-dividends-poorest-parts-world.html
5 Geoff Prescott and Lara Pellini, “Public-private partnerships in the health sector: the case of Iraq”, Humanitarian Practice Network Report, Overseas Development Institute, avril 2004, http://odihpn.org/magazine/public–private-partnerships-in-the-health-sector-the-case-of-iraq
6 Des audits externes ont ainsi pointé la manière dont Chemonics avait établi des critères d’évaluation sans lien avec les objectifs de ses projets en Haïti.
7 Voir les affaires ayant affecté les compagnies DAI à Cuba et au Venezuela, ou Creative Associates au Pakistan.
8 Voir le site du Council of International Development Companies (CIDC), une plateforme de CPD américaines visant à faciliter le dialogue avec les bailleurs.
9 La senior vice-présidente de la stratégie et du marketing de DAI, et le représentant de Creative Associates sont d’anciens conseillers de USAID, tandis que le fondateur de Chemonics a travaillé au State Department’s Foreign Service Officer. En 2009, Barack Obama nommait Alonzo Fulgham, membre de Palladium, au conseil d’administration de USAID.

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