Revenir sur 50 ans d’histoire pour mieux envisager l’avenir de l’humanitaire. C’est à cette gageure que s’attaque Randolph Kent, pointant les défauts structurels d’un système afin qu’il puisse faire face aux sombres défis qui, selon l’auteur, s’annoncent.
Les changements en profondeur surviennent souvent au bord du chaos. Les décideurs, stratégistes et responsables politiques prévoient les scénarios probables, mais anticipent rarement les facteurs connexes qui peuvent entraîner des transformations profondes défiant les évidences. Le secteur humanitaire, qui regroupe les institutions et les personnes qui doivent assurer la prévention, la préparation et la réponse aux urgences et catastrophes naturelles, semble se trouver à la croisée des chemins.
Nous posons cette hypothèse évidente alors que la nature, l’ampleur et la dynamique des facteurs de crises humanitaires évoluent, parfois de façon exponentielle. Dans cette optique, cet article décrira brièvement l’évolution des organisations humanitaires et de l’assistance depuis les années 1970 jusqu’à nos jours. Ce faisant, nous évaluerons la capacité d’adaptation du secteur humanitaire par le passé et dans quelle mesure cet historique d’intervention permet de répondre aux défis futurs.
Si cet historique suggère une incapacité d’anticipation et d’adaptation aux nouvelles menaces et aux méthodes de prévention, alors le futur n’augure rien de bon pour un grand nombre de personnes dans le monde entier. Mais si, au contraire, ceux qui sont concernés par l’action humanitaire anticipent et s’ajustent aux conséquences probables de ces défis, leurs conséquences pourront être atténuées de différentes façons. En conclusion de l’article, nous expliquerons cette nécessité d’adopter des méthodes axées sur l’anticipation et l’adaptation, dans le but d’endiguer des crises aux facteurs toujours plus complexes.
« Le chaos déchaîné »
Peu de temps après un cyclone qui, en 1970, fit des ravages dans le delta de ce qui était alors le Pakistan oriental, on demanda à un haut fonctionnaire américain son opinion sur la réponse de la communauté internationale au cyclone. « C’était, répondit-il, le chaos déchaîné[1]Randolph C. Kent, Anatomy of Disaster Relief : The International Network in Action, Frances Pinter, Londres, 1987. ». L’élan de solidarité a été une déferlante. Des colis alimentaires, certains contenant du porc, furent expédiés aux survivants, dont la majorité était musulmane ; des chaussures à talons hauts, peu adéquates pour marcher dans la boue, figuraient parmi les montagnes de vêtements livrés de l’étranger, tandis qu’une pléthore d’organisations gouvernementales, internationales et non gouvernementales s’étaient déployées de manière aléatoire près des zones affectées ainsi qu’à Dhaka, la capitale, toutes cherchant à trouver le meilleur moyen de venir en aide.
De diverses manières, la réponse était symptomatique des interventions humanitaires au cours des années 1970 et au début des années 1980. Les symptômes récurrents en étaient moins les colis et les vêtements inadéquats que les postures imprégnées d’un certain « catastrophisme », même si elles étaient bien intentionnées. Rares étaient ceux, par exemple, qui étaient prêts à admettre que les désastres et les urgences pouvaient faire partie de la « vie ordinaire », ou qu’ils soient l’inévitable résultat de la manière dont étaient structurées les sociétés ou dont ces dernières répartissaient les ressources. Les catastrophes et situations d’urgence étaient perçues comme des « phénomènes aberrants », des ruptures dans le cours normal de la vie et généralement – en particulier dans le cas des soi-disant « catastrophes naturelles » – imprévisibles. Cela n’incitait certainement pas le secteur humanitaire, alors balbutiant, à anticiper les risques de catastrophes et les situations d’urgence. Lors de situations de crises exceptionnelles, il intervenait plus de façon réactive que proactive, sans capacité d’anticipation.
Dans le même ordre d’idées, les catastrophes et les situations d’urgence étaient vues comme des événements ponctuels et localisés. Autrement dit, on ne considérait pas qu’une crise humanitaire pouvait en déclencher une autre, ni que les crises pouvaient s’alimenter entre elles. On supposait plutôt qu’elles reflétaient des « défaillances du système », linéaires, et qu’elles avaient donc un début et une fin. Elles n’étaient certainement pas perçues comme des « désordres complexes[2]Alpastan et Mitroff soutiennent que les problèmes « résistent à nos tentatives de les limiter et de les mettre au pas en les réduisant à une seule discipline ou un seul point de vue. Par … Continue reading ».
Un autre facteur encore aggravant des crises humanitaires tenait au rôle des gouvernements des pays touchés, ainsi que leurs populations. Jusqu’au début des années 1970, on considérait que ces gouvernements avaient la responsabilité d’intervenir et, en général, qu’ils disposaient des moyens pour le faire (sauf cas exceptionnels, ainsi la crise du Biafra en 1967). Les élans bien intentionnés de charité et de compassion des ONG et gouvernements occidentaux ne visaient qu’à compléter l’intervention due par l’État concerné.
Mais progressivement, le « Nord volontariste » – symbole d’un groupe d’institutions du « monde développé » – a ressenti la nécessité de guider et souvent de contourner les autorités gouvernementales des pays du Sud. Émergeait ce sentiment que les pourvoyeurs de l’aide étaient mieux à même de déterminer les besoins et les modes d’interventions que les pays bénéficiaires. Ces présupposés émergents se sont répandus de diverses façons dans un réseau informel et souvent erratique généralement appelé le système humanitaire, parfois le secteur humanitaire, ou désigné par certains observateurs comme « l’entreprise humanitaire[3]Larry Minear, The Humanitarian Enterprise : Dilemmas and Discoveries, Kumarian Press, 2002. ».
Des systèmes à l’arrêt
En 1984, avec les ravages de la famine en Éthiopie, les responsables du Programme alimentaire mondial et du Fonds des Nations unies pour l’enfance ont été contraints de solliciter le Secrétaire général de l’ONU, Javier Pérez de Cuéllar, pour qu’il mobilise les agences opérationnelles de l’ONU afin d’endiguer la crise qui se propageait dans toute l’Afrique de l’Est. Les instances prenaient progressivement conscience que, dans une grande partie du monde occidental, le public était choqué par les souffrances relayées sans cesse par la télévision. Il devenait aussi évident que certaines organisations, notamment intergouvernementales, qui étaient peu enclines à agir, devaient voir leurs rôles et responsabilités élargis au champ d’intervention d’urgence, démontrant ainsi qu’elles pouvaient faire face aux changements planétaires en cours.
Un facteur géopolitique sous-jacent, rarement mentionné, parfois nié, a favorisé la prise de conscience humanitaire. La guerre froide était une réalité omniprésente dans certains grands pays, par ailleurs contributeurs majeurs des causes humanitaires. Dès 1970, à l’occasion du cyclone de Bhola déjà évoqué, les autorités américaines avaient déjà souligné l’importance de leur appui humanitaire pour empêcher les Soviétiques d’installer une base en Asie du Sud. Puis, au cours des années 1980 et 1990, l’action des Casques bleus de l’ONU, les interventions bilatérales et lesdites « mesures de conformité » s’entrecroisèrent de plus en plus avec les activités humanitaires.
La nécessité de développer des services d’intervention d’urgence s’est répandue dans de nombreuses organisations gouvernementales, intergouvernementales et non gouvernementales, et les institutions ont dû s’adapter. Beaucoup d’organisations d’aide au développement étaient apparues dans les années 1960, mais ce n’est qu’au cours des années 1980 que la plupart d’entre elles intégrèrent la réponse humanitaire. En parallèle, de nouvelles organisations furent créées pour intervenir spécifiquement sur les crises humanitaires émergentes.
Leur croissance ne se fit pas sans heurts. Au sein des institutions, la question humanitaire prenait de plus en plus le pas sur le développement, la relation entre secours et développement faisait débat, tout comme la question de la priorité entre prévention, préparation et action. D’innombrables efforts ont été faits pour introduire des mécanismes de coordination qui pourraient guider, sinon diriger, les principaux acteurs ; de nouveaux types de produits et de nouvelles approches de secours ont été ajoutés aux « programmes d’aide » ; la compétition pour les ressources devenait un objectif institutionnel majeur ; les débats s’intensifiaient concernant les rôles des personnes affectées, tandis que l’importance du respect des principes humanitaires par les acteurs du secteur était le leitmotiv récurrent d’innombrables ateliers et conférences.
Malgré cette croissance du secteur et en dépit des changements amorcés, peu d’acteurs allaient à l’encontre des idées reçues. Trop souvent, en dépit des innovations susceptibles de transformer le secteur, comme les transferts d’argent ou l’utilisation de denrées alimentaires comme mécanismes de marché, les hypothèses caractérisant le secteur humanitaire des années 1980 restent aujourd’hui encore prégnantes chez des acteurs trop frileux. De ce point de vue, le secteur semble être dans une forme d’apathie institutionnelle.
Malgré la volonté d’impliquer les acteurs locaux, les mécanismes du secteur semblent toujours reposer sur l’intervention d’un Occident volontariste amené à décider du sort de pays du Sud intrinsèquement vulnérables. Le secteur refuse toujours l’idée que les sources des crises humanitaires peuvent relever de la « normalité », la conception des situations d’urgence comme des phénomènes exceptionnels expliquant trop souvent le manque d’anticipation. Ce défaut d’anticipation met en lumière un facteur critique, à savoir que le secteur représente, à bien des égards, une industrie aux intérêts parfois contradictoires, soucieuse de ne pas contrarier les donateurs potentiels[4]Richard Dobbs et al., No Ordinary Disruption : The Four Global Forces Breaking All the Trends, New York, NY : Public Affairs, 2015. Voir aussi, Planning from the Future : Is the Humanitarian System … Continue reading.
Comme l’a noté un observateur avisé du secteur humanitaire, « l’histoire nous dit que, malgré sa grande adaptabilité aux changements externes, le système humanitaire souffre de tensions qui perdurent depuis ses origines, perpétuant des suppositions, dynamiques et pratiques dépassées, ainsi que les institutions qui les maintiennent, ce qui l’empêche de mettre en œuvre des changements en profondeur[5]Planning from the Future…, p. 23. ».
Vers un nouveau paradigme humanitaire
En prévision du Sommet humanitaire mondial de 2016, le Secrétaire général de l’ONU de l’époque, Ban Ki-Moon, avait souligné la nécessité d’un Nouvel agenda humanitaire, qui apporterait des changements significatifs pour les populations les plus vulnérables. Mais si le Sommet a entraîné d’importantes initiatives telles que le « Grand Bargain[6]L’agenda pour l’humanité : 5 responsabilités clés ; 24 transformations : « Le Grand Bargain comprend une série de changements dans les pratiques opérationnelles des bailleurs et des … Continue reading », on pourrait également soutenir que certains des changements les plus essentiels attendus pour faire face aux défis futurs ont été laissés de côté. Peu d’acteurs ont sollicité l’évaluation des types de crises auxquels la communauté internationale devait se préparer, et les transformations systémiques requises pour gérer ces défis ont suscité un faible intérêt. Finalement, le Sommet n’a pas réussi à sensibiliser la communauté mondiale à la nécessité de créer un nouveau paradigme humanitaire, un paradigme moins enraciné dans le présent et plus pertinent à l’aune de crises dont les sources sont toujours plus complexes et incertaines.
En exhortant les acteurs et responsables humanitaires à se préparer pour un futur complexe et incertain, nous n’ignorons en aucune manière la détresse actuelle de centaines de millions de réfugiés, personnes déplacées et autres victimes de crises. Au contraire, penser les perspectives, les stratégies et les outils requis pour préparer l’avenir aura un impact positif sur nos modes d’action présents.
Si prédire l’avenir est risqué, le préparer est un exercice différent. Cela implique d’être très attentif aux différents scénarios possibles, et de prendre le temps à l’échelle individuelle et institutionnelle d’évaluer les conséquences des changements potentiels à long terme. Dans ce contexte, les responsables et acteurs humanitaires devraient considérer les conséquences des menaces futures énumérées ci-dessous, se demander quels impacts humanitaires en découleront et comment ils pourraient y répondre :
- pandémies de bio-ingénierie et catastrophes mondiales – Selon l’Agence centrale de renseignement américaine (CIA), la perspective d’une pandémie globale résultant d’une substance pandémique artificielle est très faisable et son impact global pourrait être pire qu’une guerre nucléaire[7]Central Intelligence Agency, The Darker Bioweapons Future, 2003, cité dans Harvey Ruben, Future Global Shocks : Pandemics, OECD/IFP Project on « Future Global Shocks », IPF/WKP/FGS, 2011, 2, p. 60.. Cette problématique soulève des questions fondamentales: quelles sortes de connaissances et de capacités seraient nécessaires pour une réponse humanitaire efficace ? Comment surveiller ce qui pourrait devenir une menace pour l’humanité, et dans ce contexte, quels rôles la prévention et la préparation doivent-elles jouer ?
- endettement mondial et échecs synchrones – «Débrancher la prise » est une sombre expression utilisée de plus en plus fréquemment dans la sphère financière, dans un contexte d’endettement global croissant. L’idée est que si un pays (par exemple la Chine) demande à un autre (par exemple les États-Unis) le recouvrement de sa dette, cela entraînerait un effondrement mondial sans précédent, avec une pauvreté endémique aux conséquences dramatiques. Dans de telles circonstances, comment définir « le besoin » et la priorité de la réponse ?
- la cybernétique et les cyber-catas-trophes – De plus en plus, les cyber-systèmes deviennent des piliers essentiels de l’activité humaine, et il est probable que de tels systèmes finiront par être basés dans l’espace. Si ces systèmes sont détruits par des météorites ou des attaques d’origine humaine, quelles seraient les conséquences en termes de disponibilité et d’accès, par exemple pour les combustibles, la nourriture, l’eau, les communications, les systèmes financiers et sanitaires? Est-ce que les acteurs et responsables humanitaires ont quelques capacités qui soient pour contrebalancer l’impact de telles catastrophes, et comment pourraient-t-ils localiser les populations affectées et parvenir jusqu’à elles ?
- les déplacements comme catastrophe permanente – Les flux et reflux de personnes qui sillonnent les pays en très grand nombre, contraintes de s’installer dans de nouveaux «no man’s lands » permettent d’envisager à long terme ce que seront les déplacements dans le futur. Les frontières étatiques deviendront peut-être plus incertaines, ce qui pourrait déclencher des conflits dans des zones frontalières tendues et entre groupes de personnes déplacées pris entre deux feux géopolitiques. Pour les acteurs humanitaires, répondre aux besoins nécessiterait des niveaux de flexibilité et des marges de manœuvre opérationnelles sans précédent. Cela nécessiterait également des volumes d’assistance inégalés, potentiellement déployés sur plusieurs décennies. Dans ces conditions, quels seraient les besoins des acteurs humanitaires en termes d’engagement et de flexibilité, et quel niveau de certitude peuvent-ils espérer sur des questions comme les chaînes d’approvisionnement ?
De différentes façons, les réponses aux questions posées dans chacun de ces scénarios spéculatifs soulignent la nécessité de repenser les menaces futures. Ils appellent à un nouveau paradigme, un consensus autour d’idées émergentes qui sont intrinsèquement différentes des soubassements de l’action humanitaire actuelle. Depuis les raisons justifiant une réponse humanitaire jusqu’à la nature même des acteurs et des interventions, tout doit être remis à plat pour que les démarches de prévention, de préparation et d’intervention puissent être adaptées aux situations.
Planifier l’avenir : un nouveau paradigme humanitaire
Quand on lui demanda pourquoi le Commandement des États-Unis pour l’Afrique participait à un atelier sur les épidémies organisé par la Communauté de développement d’Afrique australe, le Colonel répondit : « Vous voyez, monsieur, une épidémie en Afrique de l’Ouest représenterait une menace directe pour les États-Unis. »
Si c’est peut-être évident dans ce contexte, on oublie trop souvent que dans un avenir proche, les facteurs de crises et leurs impacts auront des conséquences directes et indirectes qui s’étendront bien au-delà de la source ou de la zone initiale de la crise. Il faut prendre conscience que les catastrophes et les urgences se produisent au sein de systèmes en constante mutation, poussés par un « besoin constant d’énergie[8]Ben Ramalingam, Aid on the Edge of Chaos, Oxford University Press, Oxford, 2013, p. 220. ». À l’image de la vie quotidienne, leur équilibre est précaire, et ils reflètent la fluctuation constante des frontières, qui bougent dans toutes les directions.
En prenant en compte le caractère global des facteurs et impacts des crises, les distinctions traditionnelles entre « pays développés » et « pays en voie de développement » sont moins pertinentes. Il est préférable de considérer les conséquences complexes, multiples et mondiales déclenchées par un événement ponctuel, sans chronologie prévisible. Par ce changement de paradigme, les interventions d’urgence seront de moins en moins motivées par des élans de compassion ou de charité, mais davantage par la prise de conscience d’une convergence des intérêts entre pays.
Cette évolution ouvre la voie à une nouvelle définition des « rôles et responsabilités humanitaires » pour le futur. Comme le supposent les scénarios évoqués ci-dessus, les futures crises seront déclenchées par des facteurs dont la nature, l’ampleur et la dynamique nécessiteront un niveau d’expertise qu’aucune institution humanitaire, même parmi les plus avancées, ne possède à ce jour. En raison de la nature et de l’ampleur des crises futures, la réponse nécessitera souvent l’intervention d’organisations peu impliquées jusqu’ici dans le monde humanitaire, mais dont les capacités de production et de logistique seront indispensables.
La résolution des crises futures nécessitera la mise en œuvre de compétences multiples, comme la surveillance et la logistique spatiales, la télémédecine et l’impression 3 et 4D, la désalinisation instantanée ou la livraison par drones à grande échelle. Ainsi, les acteurs impliqués dans les futures interventions humanitaires seront issus d’organisations diverses (réelles et virtuelles) et de domaines d’expertise variés. Ils représenteront le secteur privé, les systèmes de réseaux sociaux, l’armée, ainsi qu’une pléthore d’organisations gouvernementales, intergouvernementales et non-gouvernementales. Leur implication sera de plus en plus motivée par des relations d’interdépendance, autrement dit par des intérêts mutuels.
Au regard de ce nouveau paradigme, quatre changements doivent être opérés. Premièrement, les facteurs de crise et leurs effets potentiels doivent être mieux anticipés : les organisations humanitaires appelées à contribuer devront montrer de bonnes capacités d’adaptation, des qualités qui, historiquement, ont fait défaut à notre secteur. L’autre changement essentiel sera une meilleure collaboration entre les différents types d’organisations : le bilan des efforts de coordination est aujourd’hui mitigé, dans le meilleur des cas. En prenant mieux conscience des interdépendances et des intérêts mutuels, la collaboration pourra gagner en efficacité et venir supplanter les habitudes hiérarchiques qui freinent la coordination.
L’innovation est le troisième impératif. Les acteurs humanitaires devront adopter des démarches plus créatives et proactives afin de prévenir les menaces futures et de proposer des solutions. Les transferts de liquidités, l’usage des M-pesas, les obligations à impact social et l’assurance contre les sécheresses sont des pratiques innovantes qui permettent de renforcer la prévention, la préparation et les interventions. Cependant, au vu de l’ampleur des défis futurs, les acteurs et responsables humanitaires ne peuvent se limiter à innover de façon proactive. Ils doivent encore s’entourer de personnes et d’organisations expertes avec lesquelles collaborer.
Enfin, avec la complexité émergente et les incertitudes qui marqueront les défis humanitaires futurs, il sera vital de pouvoir bien mieux contrôler les menaces potentielles et de développer des approches innovantes pour y répondre à l’échelle mondiale. De nombreuses institutions entreprennent des activités connexes. L’une d’entre elles est sous-exploitée, alors qu’elle peut être le fer de lance de notre évolution au sein du nouveau paradigme humanitaire mondial : les Nations unies. Même si l’ONU doit faire face à ses propres défis dans la surveillance et l’évaluation des menaces mondiales, elle peut jouer un rôle clé par son expertise et son pouvoir de mobilisation. En rassemblant un large panel d’experts, elle peut évaluer la pertinence des initiatives et des groupes collaboratifs, dans le but de construire un humanitaire tourné vers l’avenir, structuré pour répondre aux défis futurs et ouvert à tous les scénarios possibles.
Translated from the French by Juliet Powys
ISBN de l’article (HTML) : 978-2-37704-442-9