Copilote avec Boris Martin, Rédacteur en chef, du dossier de ce numéro dans le cadre d’un partenariat entre Alternatives Humanitaires et l’International Humanitarian Studies Association
Nous n’en avons pas terminé avec la pandémie de la Covid-19. Après avoir tenté de gérer, avec des résultats très variables selon les continents, l’épisode durant le premier semestre 2020, le monde se trouve confronté à de très nombreuses inconnues sur lesquelles des scénarios doivent encore être écrits.
Déjà abordés dans le n°14 de la revue Alternatives Humanitaires paru en juillet dernier[1]Alternatives Humanitaires, dossier « Covid-19. Impacts dans le champ humanitaire », n°14, juillet 2020, … Continue reading, les impacts de la Covid-19 sur l’aide internationale, en ses volets humanitaires et développementaux, doivent encore être identifiés, appréhendés, anticipés. Pour cela, il nous faut nous appuyer sur les expériences accumulées depuis près de neuf mois tout en nous projetant – avec prudence – dans l’avenir et les contextes où les effets directs comme indirects de la Covid-19 vont encore se déployer. C’est ce à quoi s’attelle ce dossier. Réalisé en partenariat avec l’International Humanitarian Studies Association (IHSA), il forme le second volet de cette thématique Covid-19.
Huit articles composent donc ce dossier et nous offrent, par touches, d’alterner entre retours d’expériences et enjeux d’avenir, en naviguant entre différentes zones géographiques. À la mesure de cette pandémie en somme. C’est ce à quoi s’attèlent donc les contributions des analystes de l’ACAPS (Assessment Capacities Project) et de Madhushala Senaratne (University of Sussex) qui donnent à voir comment des approches aussi différentes que la collectes de données au Bangladesh ou le storytelling offrent d’objectiver la compréhension de la situation en cours tout en rendant sensible le sort des populations. Avec toutes les difficultés que cela implique concrètement et les réinventions qui peuvent se faire jour à la faveur de cette crise. La question de l’hébergement est abordée sous deux angles : celui des souffrances des sans-abris à travers les acteurs de l’aide à Marseille, soumis à de fortes contraintes d’une part (Olivia Nevissas et al.) ; les inégalités en matière de logement telles qu’elles ont été fortement mise en exergue avec cette crise d’autre part (George Foden). De la même façon, les différences d’approches dans certains pays du nord avec leurs points de forces et leurs angles morts, sont présentées dans les analyses sur le Canada (Diane Alalouf-Hall et al.) ou la France (Emmanuel Baron et Michael Neuman). Les révolutions en gestation, notamment la plus importante d’entre elles – la localisation de l’aide – sont abordées à travers les exemples très différents du Vanuatu, pays de Mélanésie (M.-C. Savard et al.), comme du continent africain (Irène Sesmaisons). Tous deux démontrent de manière éclatante l’importance de l’échelle locale pour appréhender cette crise et celles à venir.
Mais l’histoire de celle qui nous occupe encore n’est pas encore écrite, loin de là. Et s’il y contribue, tout comme le premier, ce second volet n’épuise pas la somme de ces inconnues que nous évoquions. Au fur et à mesure de leur dévoilement, elles permettront de mieux dessiner les perspectives qui attendent les acteurs humanitaires. De notre poste d’observateurs, nous y veillerons en posant d’ores et déjà les questions qui conditionnent l’aide humanitaire.
D’abord, quels vont être les impacts de cette crise sur les économies, et ce à tous les niveaux : celui – micro – de l’économie des familles et de la sécurité alimentaire, plus largement de la subsistance quotidienne ; celui – méso – des échanges villes-campagnes, au rythme des multiples (dé)(re)confinements et des fermetures/ouvertures de frontières jouant sur la vitalité des marchés nationaux ; enfin celui – macro – des pays et blocs de pays liés à des échanges de proximité comme impliqués dans la mondialisation des échanges ?
Quels seront aussi les impacts de cette situation sur le multilatéralisme qui, déjà passablement affaibli auparavant, a encore montré davantage ses fragilités ? Il est pourtant toujours aussi nécessaire de trouver des solutions à la multitude des conflits dans lesquels les acteurs de la violence ont eu des stratégies très différenciées d’instrumentalisation de la pandémie. Le monde d’après sera-t-il capable de faire face aux crises de tous ordres à venir sur la base d’une gouvernance mondiale qui a rarement été aussi vacillante, non seulement dans le domaine sanitaire, mais aussi géopolitique ? Qu’attendre, notamment, de l’Organisation des Nations unies, alors que l’Organisation mondiale de la Santé paie le prix fort d’une gestion critiquée de la pandémie autant que de son instrumentalisation par les grands États, au premier rang desquels les États-Unis et la Chine ?
C’est dans ce maelstrom que l’aide – tant celle humanitaire qui répond à l’urgence des crises que celle plus développementale qui accompagne les populations au long cours – va devoir elle aussi trouver sa place. Entre le retour encore très limité des acteurs internationaux sur leurs terrains habituels, la nécessaire montée en puissance des acteurs locaux autonomisés de fait, et le risque d’une baisse massive des financements tant privés qu’institutionnels, comment les acteurs de l’aide verront-ils leurs rôles évoluer ? Comment la solidarité va-t-elle se repenser ? Quels seront les impacts de cette « gestion de crise » sur les systèmes de santé ? Saura-t-on remettre l’anticipation et la préparation au cœur de ces derniers ? Serons-nous prêts lorsque, face aux vulnérabilités de nos sociétés plus que jamais mises à jour, d’autres catastrophes majeures surviendront en marge ou, dans le meilleur des cas, sur les décombres de cette pandémie ?
Non, nous n’en avons pas terminé avec la pandémie de la Covid-19. Mais puisqu’il s’agit de saisir toutes les opportunités d’apprendre en temps réel, puisse ce numéro, fruit d’une coopération inédite entre Alternatives Humanitaires et l’IHSA, être une pierre utile à la construction de ce savoir collectif.
La Covid-19 : question de genre
Pour uniformiser le genre accolé au virus qui nous intéresse ici, nous nous sommes rangés à l’avis de l’Académie française (www.academie-francaise.fr/le-covid-19-ou-la-covid-19). Considérant que « les sigles et acronymes ont le genre du nom qui constitue le noyau du syntagme dont ils sont une abréviation », les Immortels ont en effet opté pour le genre féminin puisque le noyau de « corona virus disease » « est un équivalent du nom français féminin maladie ». Cette règle ne s’applique pas dans le cas de citations ou de références bibliographiques qui auraient employé le masculin. |
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ISBN de l’article (HTML) : 978-2-37704-719-2