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Ukraine-Palestine, anatomie comparée d’une humanité à la carte

Jean-François Corty
Jean-François CortyJean-François Corty est médecin, anthropologue et chercheur associé à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques). Engagé depuis plus de vingt ans dans l’action humanitaire, il a travaillé pendant huit ans avec Médecins Sans Frontières avant d’occuper, entre 2009 et 2018, le poste de directeur des opérations de Médecins du Monde dont il est aujourd’hui le président. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont Profession solidaire, chroniques de l’accueil (avec Jérémie Dres et Marie-Ange Rousseau, éditions Steinkis/Les Escales, juin 2020), La France qui accueille (avec Dominique Chivot, éditions de l’Atelier, 2018), et Pratique et éthique médicales à l’épreuve des politiques sécuritaires (dir. avec Olivier Bernard et Didier Tabuteau, éditions Presses de Sciences Po, 2010). Il a également co-réalisé le film documentaire Contrepoisons, un combat citoyen avec Valéry Gaillard (Squawk/France 3 Pays de la Loire, 2024).

L’implication, y compris par abstention apparente, des États dans les conflits en Ukraine et dans la bande de Gaza conditionne à tel point l’aide humanitaire qu’elle en vient à lui dénier tout fondement, et ce, au regard même des règles de droit que ces mêmes États ont acceptées. C’est cette situation absurde, si elle n’était pas terrible pour les populations, que Jean-François Corty décrypte ici.


L’impact des conflits sur les civils met en lumière des invariants documentés auxquels n’échappent pas l’Ukraine et la bande de Gaza, soumises à deux guerres actives de haute intensité. Déplacements de populations, destructions d’infrastructures vitales et d’habitations, tensions sur les systèmes de santé, déploiement d’aide plus ou moins effective, privations liées à des blocus et à des sièges, et mobilisation des organes de juridiction internationale en sont quelques incarnations. L’enchevêtrement des liens entre les réponses humanitaires qui en découlent et les contextes politiques singuliers expliquent cependant la spécificité des attitudes opérationnelles et de positionnements parfois diamétralement opposés des différents acteurs de l’aide concernés – États, organisations non gouvernementales (ONG), organisations supranationales –, alors même que l’universalisme du droit international humanitaire (DIH) qui les encadre se fonde sur le respect de valeurs d’humanité commune.

Nous illustrerons ainsi, dans un premier temps, ces approches différenciées à travers les difficultés rencontrées par les humanitaires pour trouver leur place dans ces deux contextes : l’Ukraine, aux ressources conséquentes, qui offre le spectacle d’une saturation d’assistance internationale ; et Gaza, où un siège et des bombardements massifs entretiennent des privations à grande échelle et des conditions d’insécurité face auxquelles les ONG sont quasi impuissantes. Dans un second temps, nous reviendrons sur l’usage persistant des sièges et des blocus militaires comme outils de barbarie moderne sur ces deux territoires. Enfin, nous rappellerons les limites de l’aide des États et son instrumentalisation politique décomplexée tant le deux poids, deux mesures en matière de respect des vies humaines relève ici d’une caricature déconcertante.

Trouver sa place

Au lendemain des atrocités du Hamas du 7 octobre 2023, la bande de Gaza subira un siège accompagné de bombardements intenses occasionnant des destructions massives d’infrastructures essentielles et d’habitations, et provoquant les déplacements multiples de plus de 90 % de sa population. Il en résulte aussi une limitation drastique du nombre d’entrées de camions de ravitaillement pour un territoire qui dépend en grande majorité d’intrants extérieurs. Les plus de deux millions de civils pris au piège voient ainsi leur accès aux soins limités par la mise à plat du système de santé du fait des destructions d’hôpitaux, de centres de soins, de pénuries de matériel et de l’épuisement du personnel. On comptabilise par ailleurs près de 300 humanitaires tués dans les bombardements en près de onze mois. Une grande majorité d’entre eux étaient des employés de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees – UNRWA en anglais). Véritable colonne vertébrale du soutien sanitaire et social des civils palestiniens depuis plus de soixante-dix ans, l’UNRWA est en effet considérée comme un ennemi par l’armée israélienne qui en a fait une cible politique et militaire. Les ONG sont impuissantes à répondre à tous les besoins même si, grâce à leurs équipes locales, elles parviennent à fournir un certain volume de soins et à répondre à des besoins logistiques dans des conditions périlleuses. Les contraintes de sécurité alimentées par les bombardements intenses des structures de santé et les entraves à l’entrée d’équipes, de matériel médical, de nourriture – pourtant massivement prépositionnés en Égypte et en Israël – limitent leurs capacités opérationnelles et leur espace interventionnel. Les ONG s’inscrivent dans un contexte de guerre coloniale où l’occupant ne s’impose aucune limite en matière de non-respect du DIH.

À l’opposé de cette pénurie organisée avec le soutien de nombreux pays – y compris des nations démocratiques et, pour certaines, membres du Conseil de sécurité des Nations unies (USA, France, Allemagne, Royaume-Uni entre autres) –, on observe une saturation de l’aide internationale en Ukraine. Ce seul fait pose la question de la plus-value des ONG censées répondre à des situations de rupture dans un pays disposant d’un maillage sanitaire et social performant. Au lendemain de l’invasion russe de 2022, des millions de déplacés ont pu évacuer les zones les plus dangereuses t être accueillis dans les grandes villes du reste du pays. Dans le même temps, des millions de réfugiés ayant bénéficié de la protection temporaire de l’Union européenne (UE) trouvaient une terre d’accueil dans différents pays européens, au premier rang desquels la Pologne et la Roumanie.

« On observe une saturation de l’aide internationale en Ukraine. »

Les enjeux de sécurité, que sont la menace permanente des missiles russes sur l’ensemble du territoire ukrainien et la proximité des lignes de front, relèvent moins d’une contrainte principale de développement opérationnel pour les ONG que de celle de trouver des axes opérationnels pertinents. De fait, l’Ukraine n’est pas un pays à faibles ressources : le système de santé fonctionne relativement bien, même s’il a été affecté par presque trois années de guerre, plus de 500 structures de santé endommagées et plus de 130 médecins tués. Les autorités ont su répondre correctement aux urgences et besoins relevant de la médecine de catastrophe, comme c’est le cas de la prise en charge des blessés de guerre dont les ONG internationales ont été écartées au motif du secret-défense. Par ailleurs, la société civile s’est largement mobilisée pour contribuer à la solidarité nationale. Dans ces conditions, les ONG interviennent dans les interstices, des « niches » opérationnelles où l’aide peut être significative – à rebours de ce type de contexte où la substitution aux autorités et l’empilement d’actions similaires sont fréquents. La plupart des ONG étrangères se sont concentrées sur l’aide à l’évacuation des blessés des zones critiques, l’appui logistique pour lutter contre le froid, l’accès aux soins des déplacés internes précaires et des personnes âgées, la prise en charge des violences liées au genre et des enjeux de santé mentale – certaines de ces missions n’étant pas prioritaires dans le choix des politiques sanitaires locales. Le renforcement des approches partenariales avec les acteurs de la société civile ukrainienne a été un des principaux leviers pour élargir les perspectives interventionnelles des acteurs de l’aide humanitaire internationale.

Blocus et sièges, des barbaries si actuelles

Un « blocus » est, en droit, une mesure coercitive par laquelle un ou plusieurs États cherchent à isoler une zone géographique pour en couper les communications, les approvisionnements et les relations économiques avec l’extérieur. L’objectif est de contraindre cette zone à se soumettre ou à capituler en la privant des ressources nécessaires à sa survie. Contrairement à un « siège », qui se caractérise par l’encerclement, l’isolement consécutif de la localité ou de la zone ainsi que des attaques visant à anéantir la résistance, le blocus s’étend souvent sur une plus grande échelle et cherche à asphyxier la cible de manière plus large et indirecte.

On distinguera ces pratiques des « embargos », lesquels s’apparentent à des sanctions économiques et commerciales censées cibler les régimes en place. Ils affectent surtout les populations civiles, victimes des récessions économiques et d’un appauvrissement social global. Les enjeux de santé publique sont en première ligne du fait de la réduction de l’accès aux médicaments et de l’affaiblissement des infrastructures avec des répercussions sur la qualité des services de santé. Les embargos sur Cuba, Haïti, l’Irak et en Sierra Leone dans les années 1990 ont permis de documenter ces effets collatéraux, en dépit des demandes d’exclusions faites par les ONG pour certaines denrées et produits essentiels, demandes qui n’ont pas toujours été entendues[1]Richard Garfield, Effets des Sanctions Économiques sur la Santé et le Bien-être des Populations, Réseau aide d’Urgence et Réhabilitation, février 2000, … Continue reading.

De fait, ce sont toujours les populations civiles qui paient le plus lourd tribut dans ces situations de crises humanitaires « fabriquées ». Le blocus est un acte de guerre réglementé par le DIH qui oblige les États à accorder malgré tout le libre passage des secours de caractère humanitaire et impartial indispensables à la survie des civils. Les sièges sont contraires au DIH s’ils n’épargnent pas les structures sanitaires et s’il n’y a pas d’accord pour l’évacuation des blessés et malades, des enfants et femmes enceintes. En outre, la famine ne doit pas être utilisée comme arme de guerre, et l’aide humanitaire doit être autorisée afin de répondre aux privations excessives des civils.

« Le blocus est un acte de guerre réglementé par le DIH qui oblige les États à accorder malgré tout le libre passage des secours de caractère humanitaire et impartial indispensables à la survie des civils. »

Depuis 2022, plusieurs villes ukrainiennes – parmi lesquelles Kherson et Bakhmout – ont subi des sièges de l’armée russe. Après quatre-vingts jours de bombardements intensifs, Marioupol est tombée aux mains des assaillants, laissant les survivants dans une situation désespérée. Cette ville, d’importance stratégique pour le président russe, avait déjà résisté à ses agressions en 2014. Le siège a entraîné la destruction quasi totale de la ville et la mort de milliers de personnes, même si une bonne partie de ses habitants avait pu l’anticiper et s’échapper à temps. Malgré la propagande russe et les efforts pour dissimuler les crimes commis, des témoignages ont révélé l’ampleur des destructions du patrimoine culturel et historique. Le 17 mars 2023, la Cour pénale internationale (CPI) a émis contre Vladimir Poutine un mandat d’arrêt international qui concerne des accusations de crimes de guerre, en particulier en lien avec la déportation illégale d’enfants ukrainiens vers la Russie pendant l’invasion de l’Ukraine[2]Cour pénale internationale, Situation en Ukraine : les juges de la CPI délivrent des mandats d’arrêt contre Vladimir Vladimirovitch Poutine et Maria Alekseïevna Lvova-Belova, communiqué de … Continue reading.

À Gaza, après dix-sept ans de blocus, un siège a été instauré au lendemain des attaques du 7 octobre 2023. Il vise à « éradiquer » le mouvement du Hamas selon les autorités israéliennes, et, pour certains, l’ensemble des civils « tous responsables » de l’insécurité ambiante[3]Amnesty International, Des preuves accablantes de crimes de guerre, alors que les attaques israéliennes anéantissent des familles entières à Gaza, communiqué de presse, 20 octobre 2023, … Continue reading. En septembre 2024, après onze mois de bombardements, on dénombrait au moins 40 000 décès et environ 100 000 blessés – en majorité des femmes et des enfants –, sans compter les milliers de victimes encore sous les décombres et les décès dus à un manque de soins et de nourriture, preuves terribles de « l’efficacité » du siège. Ce dernier empêche non seulement la liberté de mouvement et l’accès aux soins, mais aussi l’évacuation des civils, et il limite considérablement l’entrée de l’aide humanitaire. Face à ces constats de privations et de destructions intentionnelles, la Cour internationale de justice (CIJ) n’hésite pas à parler dès janvier 2024 de risque de génocide probable, puis de risque de génocide accru en avril[4]Human Rights Watch, Gaza : la CIJ ordonne à Israël de prévenir tout acte de génocide, 26 janvier 2024, … Continue reading. Dans le même temps, la CPI demande la possibilité de lancer un mandat d’arrêt international contre deux leaders israéliens, dont le Premier ministre Netanyahou, et trois leaders du Hamas[5]Cour pénale internationale, Déclaration du Procureur de la CPI, Karim A.A. Khan KC : dépôt de requêtes aux fins de délivrance de mandats d’arrêt concernant la situation dans l’État de … Continue reading. En juillet 2024, l’ONU évoque une situation de famine intentionnelle de nature génocidaire compte tenu du nombre de cas d’enfants malnutris objectivés sur le territoire de Gaza[6]Nations unies, Des experts de l’ONU déclarent que la famine s’étend à toute la bande de Gaza, communiqué de presse, 9 juillet 2024, … Continue reading. En Cisjordanie, le siège de courte durée de certaines villes représente une pratique courante de l’armée israélienne, qui n’hésite pas à bombarder les lieux de soins et à entraver le déplacement des ambulances et le travail des humanitaires lors de ces opérations.

Politisation de l’aide et dépolitisation des victimes, une instrumentalisation étatique courante

Les États sont des acteurs légitimes de l’aide internationale, laquelle peut s’exprimer par un soutien direct aux administrations des pays concernés en engageant, par exemple, leurs armées lors de catastrophes naturelles. Ils agissent en outre indirectement en finançant certaines agences des Nations unies ainsi que des acteurs indépendants tels que les ONG, qu’elles soient locales ou internationales. La politisation à multiples facettes de l’aide des États est aussi ancienne que l’existence de ces derniers, mais elle répond à des intérêts stratégiques en décalage avec les principes humanitaires des ONG, notamment l’impartialité, le désintéressement et, pour certaines, la neutralité. Dans le cadre d’opérations militaires ou de situations d’occupation, la confusion militaro-humanitaire est une réalité documentée dans plusieurs contextes, que ce soit lors de l’intervention américaine en Afghanistan au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 ou, plus récemment, celle de la France au Sahel pour ne reprendre que ces deux exemples[7]Youenn Gourlay, « Au Sahel, l’humanitaire, une autre tactique militaire », Le Monde, 9 septembre 2020..

« La politisation à multiples facettes de l’aide des États est aussi ancienne que l’existence de ces derniers, mais elle répond à des intérêts stratégiques en décalage avec les principes humanitaires des ONG. »

Un contrôle de l’aide internationale par les pays peut également s’exercer en limitant l’accès des organisations indépendantes sur leur territoire, ou sur celui de l’ennemi dans le cas d’un conflit. Gaza en est un exemple, en rupture avec le DIH puisque l’armée israélienne empêche depuis plusieurs mois l’entrée d’aide proportionnée. Par ailleurs, l’aide des États peut être sujette à certaines conditions politiques, économiques ou militaires en exigeant en contrepartie des concessions de même nature. La France, qui a coupé ses financements envers le Burkina Faso et le Niger consécutivement à des tensions diplomatiques avec ces pays, considère l’aide comme une arme politique, attitude qui pourrait être assimilée à du « chantage humanitaire »[8]Nathanaël Charbonnier, « Sahel : des ONG dénoncent la décision de la France de suspendre l’aide publique au développement au Niger et au Burkina Faso », podcast, Franceinfo, 29 septembre … Continue reading. La politisation de l’aide s’exprime aussi au travers des régimes de sanctions et des mesures contreterroristes aux niveaux international, régional et national qui rendent potentiellement complices les personnels humanitaires et médicaux en situation de négociation avec des groupes qualifiés de terroristes pour soutenir les populations civiles qu’ils administrent. Elle expose ces acteurs à un risque accru d’attaques et de criminalisation[9]Aïda Ndiaye, Léa Gauthier, Camille Gosselin et al., “The risks we face are beyond comprehension”: Advancing the protection of humanitarian and health workers, Médecins du Monde, … Continue reading. Enfin, dans certains contextes moins sensibles, l’aide internationale ne peut opérer que par le biais d’agences gouvernementales ou d’organismes locaux, associations ou administrations, comme c’est le cas au Népal.

Certaines régions du monde sont, davantage que d’autres, le théâtre d’interventions conditionnées par des intérêts stratégiques qui ne répondent pas uniquement aux besoins fondamentaux des populations. C’est ce que l’on a pu observer à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine lorsque les Occidentaux ont réorienté des financements initialement fléchés pour la crise afghane – entre autres – où les besoins sont pourtant immenses. Ainsi s’illustre le concept de « crises oubliées ».

Concernant la bande de Gaza, Washington et les capitales européennes ont annoncé courant mars 2024 l’ouverture d’un corridor humanitaire maritime, avec des bateaux en provenance de Chypre – autrement dit, l’UE – et devant accoster sur une jetée censée compléter leurs largages aériens peu volumineux et dangereux. Après plusieurs semaines de mise en place et de problèmes techniques liés notamment aux intempéries, l’initiative a été abandonnée. Ce fiasco humanitaire relève d’une forme de gesticulation de ces États qui ont préféré défendre une aberration opérationnelle, celle de vouloir acheminer de l’aide par voie maritime, plutôt que de défendre un cessez-le feu qui aurait permis à celle déjà massivement prépositionnée dans les pays voisins d’être livrée par voie terrestre. Le cynisme de cette instrumentalisation de la raison humanitaire a été accentué par plusieurs vétos américains sur des demandes de cessez-le-feu immédiates du Conseil de sécurité des Nations unies qui devaient permettre à l’aide humanitaire de rentrer massivement[10]Nations unies, Gaza : le Conseil de sécurité fait sienne une résolution rédigée par ses 10 membres élus et appelant à un cessez-le-feu immédiat pendant le ramadan, 25 mars 2024, … Continue reading. Les USA ont également voté contre l’arrêt de l’envoi d’armes dans la région demandé par le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies en avril 2024 en continuant à fournir l’armement nécessaire à l’armée israélienne pour poursuivre la guerre[11]Nations unies, Gaza : le Conseil des droits de l’homme de l’ONU réclame un embargo sur les armes à destination d’Israël, 5 avril 2024, https://news.un.org/fr/story/2024/04/1144606. Ainsi, Européens et Américains utilisent-ils l’aide pour dépolitiser les citoyens gazaouis, à ce titre sujets de droits, puisque les uns et les autres se cantonnent à une aumône humanitaire au lieu d’imposer l’application des résolutions du Conseil de sécurité, les décisions de la CIJ et le respect des demandes du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies qui renvoient au droit à la vie des habitants de Gaza. Cette dépolitisation des victimes – bien connue en sociologie de l’action humanitaire – rappelle l’existence d’une mécanique étatique de reproduction d’une violence symbolique dans laquelle le pouvoir est déguisé dans le geste même par lequel il s’exerce[12]Benoît Coutu, « De la dépolitisation humanitaire », Aspects sociologiques, vol. 14, n° 1, avril 2007, p. 113-139, … Continue reading.

De fait, si l’aide des États est légitime, son caractère humanitaire au regard des principes portés par les ONG reste toujours limité. À l’issue de ce regard croisé sur les contextes ukrainien et palestinien, on ne peut que réaffirmer la nécessité de garantir un espace humanitaire indépendant pour les ONG si celles-ci veulent rester des acteurs pertinents du champ des relations internationales et de la géopolitique de l’aide. Continuer à entretenir une distance sans exclure des partenariats contextualisés avec les États dont certains – comme nous venons de le voir – considèrent le DIH comme une variable d’ajustement, un outil de domination plus que de justice, est une exigence existentielle pour les associations et les principes qu’elles sont censées défendre.

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References

References
1 Richard Garfield, Effets des Sanctions Économiques sur la Santé et le Bien-être des Populations, Réseau aide d’Urgence et Réhabilitation, février 2000, https://odihpn.org/wp-content/uploads/2000/02/dossierthematique031_1.pdf
2 Cour pénale internationale, Situation en Ukraine : les juges de la CPI délivrent des mandats d’arrêt contre Vladimir Vladimirovitch Poutine et Maria Alekseïevna Lvova-Belova, communiqué de presse, 17 mars 2023, https://www.icc-cpi.int/fr/news/situation-en-ukraine-les-juges-de-la-cpi-delivrent-des-mandats-darret-contre-vladimir
3 Amnesty International, Des preuves accablantes de crimes de guerre, alors que les attaques israéliennes anéantissent des familles entières à Gaza, communiqué de presse, 20 octobre 2023, https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2023/10/damning-evidence-of-war-crimes-as-israeli-attacks-wipe-out-entire-families-in-gaza
4 Human Rights Watch, Gaza : la CIJ ordonne à Israël de prévenir tout acte de génocide, 26 janvier 2024, https://www.hrw.org/fr/news/2024/01/26/gaza-la-cij-ordonne-israel-de-prevenir-tout-acte-de-genocide
5 Cour pénale internationale, Déclaration du Procureur de la CPI, Karim A.A. Khan KC : dépôt de requêtes aux fins de délivrance de mandats d’arrêt concernant la situation dans l’État de Palestine, 20 mai 2024, https://www.icc-cpi.int/fr/news/declaration-du-procureur-de-la-cpi-karim-aa-khan-kc-depot-de-requetes-aux-fins-de-delivrance
6 Nations unies, Des experts de l’ONU déclarent que la famine s’étend à toute la bande de Gaza, communiqué de presse, 9 juillet 2024, https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2024/07/un-experts-declare-famine-has-spread-throughout-gaza-strip
7 Youenn Gourlay, « Au Sahel, l’humanitaire, une autre tactique militaire », Le Monde, 9 septembre 2020.
8 Nathanaël Charbonnier, « Sahel : des ONG dénoncent la décision de la France de suspendre l’aide publique au développement au Niger et au Burkina Faso », podcast, Franceinfo, 29 septembre 2023, https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-monde-est-a-nous/sahel-des-ong-denoncent-la-decision-de-la-france-de-suspendre-l-aide-publique-au-developpement-au-niger-et-au-burkina-faso_6063693.html
9 Aïda Ndiaye, Léa Gauthier, Camille Gosselin et al., “The risks we face are beyond comprehension”: Advancing the protection of humanitarian and health workers, Médecins du Monde, Humanity&Inclusion and Action Against Hunger, August 2023, https://reliefweb.int/report/world/risks-we-face-are-beyond-human-comprehension-advancing-protection-humanitarian-and-health-workers
10 Nations unies, Gaza : le Conseil de sécurité fait sienne une résolution rédigée par ses 10 membres élus et appelant à un cessez-le-feu immédiat pendant le ramadan, 25 mars 2024, https://press.un.org/fr/2024/cs15641.doc.htm
11 Nations unies, Gaza : le Conseil des droits de l’homme de l’ONU réclame un embargo sur les armes à destination d’Israël, 5 avril 2024, https://news.un.org/fr/story/2024/04/1144606
12 Benoît Coutu, « De la dépolitisation humanitaire », Aspects sociologiques, vol. 14, n° 1, avril 2007, p. 113-139, https://www.aspects-sociologiques.soc.ulaval.ca/sites/aspects-sociologiques.soc.ulaval.ca/files/uploads/pdf/Volume_14/5_coutu2007_0.pdf

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