Pierre-Alain Gourion est le fondateur de Bubble Art, une association pluri-culturelle lyonnaise qui a lancé « U-Man » une émission radio et vidéo sur l’action humanitaire dont l’objectif est de créer une « agora sonore ».
Alternatives Humanitaires – Pierre-Alain Gourion, aidez-nous à identifier cet objet non identifié qu’est Bubble Art : d’où vient la genèse de ce projet multiforme ?
Pierre-Alain Gourion – Bubble Art est une association que j’ai créée quand j’étais encore avocat. Après trente-cinq ans de carrière, et comme j’avais un fort intérêt pour la culture, je me suis dit qu’une structure juridique indépendante serait utile pour pouvoir éditer, écrire, faire de l’image, du son. Elle a servi d’abord à faire des expositions ou à organiser des bals de tango argentin, et puis nous nous sommes installés dans une ancienne chaudronnerie, devenue à la fois loft et scène, où nous organisons des spectacles vivants, mais aussi une activité de radio-vidéo.
A. H. – Comment votre passé d’avocat a-t-il nourrit l’expérience de Bubble Art ?
P.-A. G. – À travers notre émission « U-Man » consacrée à l’humanitaire, je me rends compte des éléments antérieurs qui ont nourri ce cheminement. Ces éléments sont l’intérêt pour l’international, l’intérêt pour les autres. J’ai été l’avocat du Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP) et pendant une dizaine d’années, j’ai défendu des victimes d’actes racistes et je me suis battu pour limiter les expulsions d’étrangers. Je n’ai pas été un avocat militant pour autant. Pour moi, un avocat, ne doit pas être militant, il doit garder une certaine distance par rapport à son sujet. S’il est militant, il est associé à la cause. Quand on a fait un métier pendant trente-cinq ans, on en connaît les rouages et c’est un métier qui m’a suffisamment passionné pour que j’aie pu penser continuer à le faire jusqu’à ma mort. Mais j’avais une vieille nostalgie des plateaux de cinéma – j’avais été assistant-réalisateur avant de faire mes études de droit – et le désir, aussi, de pouvoir écrire. Or, pour pouvoir écrire, il faut avoir du temps. Et donc, j’ai arrêté pour reprendre mes anciennes amours.
A. H. – Votre émission U-Man porte donc sur l’action humanitaire, pourquoi s’intéresser à ce secteur ?
P.-A. G. – Le hasard a fait que je me suis intéressé au parcours d’un ami, Benjamin Courlet, un jeune humanitaire de trente ans, qui a fait l’école 3A. Je voulais l’interviewer dans le cadre des émissions culturelles que faisait Bubble « Culture vivante ». Alors, avec Triangle génération humanitaire et Handicap International où il avait travaillé, nous avons fait une émission. De fil en aiguille, les choses se sont construites. Et c’est en faisant cette émission, que je me suis rendu compte de l’appel d’air qu’il y avait. Quand vous abordez la thématique humanitaire ou la thématique écologique, vous touchez une corde sensible. Que fait-on ensemble ? Comment être utile pour mon prochain ? Il y a aussi la conjoncture, française certes, mais communautaire, européenne et internationale, je suis très frappé de travailler avec des jeunes gens qui sont angoissés par l’avenir de leur planète !
A. H. – L’émission U-Man est disponible au format podcast, vidéo, mais aussi à l’écrit puisqu’une retranscription est disponible sur le blog que vous avez sur Médiapart. Que pouvons-nous y trouver ?
P.-A. G. – L’initiative U-Man est en effet composée d’émissions de radio, de vidéos et d’écrits. L’idée est de promouvoir des débats citoyens. Nous avons aussi développé une autre série, « Fondateurs d’humanitaire » où nous avons récemment interviewé Xavier Emmanuelli, cofondateur de Médecins Sans Frontières, mais nous envisageons aussi d’interroger des techniciens de l’humanitaire. Nous voulons également organiser des tables rondes sur des thématiques humanitaires ou écologiques et des vidéos courtes, les « Time to be » où nous interviewons un témoin qui parle directement au spectateur. Nous voulons que cette vidéo soit introductive de débats citoyens que l’on propose aux municipalités, aux métropoles et demain, je l’espère, à des pays francophones. Nous essaierons, dans un deuxième temps, d’aller aussi vers les ONG non françaises, non francophones.
A. H. – Vous avez soulevé le lien entre humanitaire et écologie, ce sera justement le thème Focus de notre numéro du mois de juillet. Quelle interaction voyez-vous entre ces deux milieux ?
P.-A. G. – Nous sommes à un moment historique, un moment de croisement de ces deux thématiques. L’histoire de l’humanitaire est une vieille histoire qui part du droit de la guerre, au XIXeavec la création de la Croix-Rouge et puis évolue dans les années 1970-1980, avec la création par les French doctors des ONG comme Médecins Sans Frontières, Médecins du Monde, etc. Les Anglais ont aussi développé leur conception de l’humanitaire différente de la conception française par une interaction plus forte avec l’État. Et puis, cette technicisation de l’activité humanitaire. Et arrivent tous les bouillonnements que l’on voit aujourd’hui sur l’écologie, l’interrogation sur le mode de croissance, sur l’idée de progrès. Nous arrivons à un moment où les deux thématiques se rejoignent, se fondent l’une dans l’autre.
Pour en savoir plus sur U-Man : https://www.bubble-art-prod.com/uman