Turnover du personnel, violations de confidentialité au sein des organismes chargés de recueillir les plaintes, tentatives d’étouffement par les autorités chargées des camps de réfugiés : autant de données qui expriment la difficulté à mettre en place des actions contre les abus sexuels dans des contextes fragiles. C’est le cas au Cameroun où Jean Émile Mba nous invite à découvrir les efforts incontestables mais aussi les limites des dispositifs mis en place pour lutter contre les abus commis par des personnels humanitaires.
Cette contribution s’inscrit dans un travail d’analyse sociologique d’une réalité sociale encore inexplorée en contexte camerounais. Elle ambitionne en effet d’esquisser un état des lieux du phénomène de l’exploitation et des abus sexuels (EAS) au sein des organisations humanitaires. Elle le fait en mettant en lumière aussi bien les dispositifs de repérage et les défis organisationnels que les logiques de transaction sociale qui contribuent à l’occultation de cette réalité.
Tenter de cerner les contours de ce « fait social » s’avère particulièrement ardu au regard de l’opacité sociale qui entoure la question. Pour ce faire, les apports de la sociologie de la transaction sociale et de l’analyse stratégique ont servi de « boîtes à outils » pour saisir les échanges et marchandages, négociations et compromis, jeux d’acteurs et relations de pouvoirs qui obstruent le signalement des EAS dans le champ humanitaire camerounais. La mise en intelligibilité de ces différents aspects a mobilisé des entretiens semi-directifs, l’enquête documentaire et l’analyse de contenu.
Construction sociologique d’une réalité sociale inexplorée
La notion d’« exploitation sexuelle » désigne « le fait d’abuser ou de tenter d’abuser d’un état de vulnérabilité, d’un rapport de force inégal ou de rapports de confiance à des fins sexuelles, y compris, mais non exclusivement, en vue d’en tirer un avantage pécuniaire, social ou politique ». La notion d’« abus sexuels » concerne quant à elle « toute atteinte sexuelle commise avec force, contrainte ou à la faveur d’un rapport inégal[1]Définitions empruntées à la Circulaire du Secrétaire général des Nations unies (Kofi Annan à l’époque) portant sur les « Dispositions spéciales visant à prévenir l’exploitation et … Continue reading ». Ces actes, ici désignés d’« inconduites sexuelles[2]Par référence à la formule anglo-saxonne de « sexual misconducts », parfois traduite aussi par « comportements sexuels répréhensibles ». », sont le plus souvent commis dans le champ de l’aide par des travailleurs humanitaires, ou d’autres acteurs intervenant dans la chaîne, sur les bénéficiaires de l’aide humanitaire. Ils peuvent aussi survenir entre personnels humanitaires et prendre la forme de harcèlements sexuels au travail.
La publicisation du thème de l’EAS dans le champ humanitaire remonte à l’étude réalisée en 2002 par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l’organisation non gouvernementale (ONG) britannique Save The Children sur les abus sexuels généralisés dans les camps de réfugiés du Liberia, de Guinée et de Sierra Leone. Cette étude a conduit à la rédaction du premier code de conduite en 2003, puis à la publication de la Circulaire du Secrétaire général des Nations unies la même année[3]Circulaire du Secrétaire général des Nations unies, op. cit.. La levée de boucliers médiatique qui s’est ensuivie, réactivée par le scandale de l’ONG Oxfam en Haïti après le séisme de 2010, a contribué à faire de la reconnaissance de l’EAS un enjeu crucial à l’échelle humanitaire mondiale.
Mais la construction scientifique de cette réalité nécessite d’être saisie sous le prisme des savoirs préexistants. Les faits d’EAS ne sont évidemment pas propres à l’humanitaire, et les travaux sur les abus sexuels dans l’Église[4]Hans Zollner, « Les abus sexuels dans l’église. Un appel à changer de regard », Études, n° 9, 2016, p. 29-40., sur le genre, les minorités sexuelles[5]Wendy Delorme, « Insurrections sexuelles… dix ans après », Mouvements, 2019/3, n° 99, p. 121-130. et les violences sexuelles commises par les Casques bleus de l’organisation des Nations unies (ONU) se sont accrus[6]Voir Marie Saiget, L’ONU face aux violences sexuelles de son personnel. Crise de crédibilité et changement en organisation internationale, L’Harmattan, 2012 ; Nathalie Durhin, « Les … Continue reading. Au Cameroun, si quelques rares recherches[7]Daniel Mbassa Menick, « Les enfants victimes d’abus sexuels en Afrique (Ou l’imbroglio d’un double paradoxe : l’exemple du Cameroun) », in Thérèse Agossou (dir.), Regards d’Afrique … Continue reading offrent un cadrage analytique fécond et pertinent pour la compréhension des abus sexuels en milieu scolaire[8]Daniel Mbassa Menick, « Les abus sexuels en milieu scolaire au Cameroun : résultats d’une recherche action à Yaoundé », Médecine tropicale, vol. 62, 2002, p. 58-62. et urbain[9]Lire Daniel Mbassa Menick et Ferdinand Ngoh, « Les abus sexuels au Cameroun. Une étude socio-démographique à Yaoundé », in Thérèse Agossou (dir.), Regards d’Afrique sur la maltraitance, … Continue reading, elles sont sans véritable lien avec l’humanitaire. Le vide scientifique constaté dans ce pays sur la question des faits d’EAS dans l’humanitaire accrédite la thèse de l’opacité sociale d’un phénomène qui demeure ainsi tabou. Notre propos vise ici à lever le voile sur cette réalité sociale et à mobiliser la recherche pour l’inscrire dans le discours scientifique à l’aune des démarches méthodologiques et analytiques énoncées plus haut.
Sociologie des dispositifs de repérage des exploitations et abus sexuels
Depuis 2019, le champ humanitaire camerounais a fait des avancées notables dans sa lutte contre l’EAS, notamment avec la mise en place à l’échelle du pays d’un organe de coordination, d’échange de bonnes pratiques et de surveillance des mesures de prévention des faits d’EAS. Ce réseau dénommé « Task Force PSEA »[10]PSEA : acronyme anglais qui signifie “Protection from Sexual Exploitation and Abuse”., logé au sein du Bureau du Coordinateur résident du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) est administré par une conseillère nationale PSEA qui coordonne ses activités.
Créé à Yaoundé en juillet 2020, le Réseau PSEA regroupe les personnels appelés « points focaux » (voir plus loin) des agences onusiennes et des ONG nationales et internationales. Il a pour rôle de mettre sur pied des mécanismes de prévention contre l’EAS en développant des termes de référence, des formations et des plans d’action[11]Ressources disponibles sur la plateforme Inter-Agency Standing Committee (IASC) : https://psea.interagencystandingcommittee.org/location/west-and-central-africa/cameroon. C’est l’Équipe humanitaire du pays (EHP) qui est responsable de suivre les progrès accomplis dans leur mise en œuvre[12]Voir le « Plan d’action pour la lutte contre les abus et l’exploitation sexuels », 2019-2020, p. 1.. Organe central de coordination et d’orientation stratégique de l’action humanitaire au Cameroun, l’EHP est constitué des représentants des agences des Nations unies et des ONG, mais aussi d’observateurs à l’instar des bailleurs, du Comité international de la Croix-Rouge ou de Médecins Sans Frontières.
Le réseau PSEA se positionne comme un dispositif national chapeautant une constellation de trois groupes de travail régionaux PSEA. Celui de l’Extrême-Nord Cameroun, mis en place en 2017, est piloté par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH ou OCHA en anglais). Celui de l’Est-Admaoua-Nord, établi en 2020, est placé sous l’égide du HCR. Celui du Nord et Sud-Ouest est encore en construction. Pour asseoir ces dispositifs régionaux, quatre-vingt-treize points focaux EAS de différentes organisations – cinquante-deux à l’Extrême-Nord et quarante et un à l’Est-Adamaoua-Nord – ont été formés depuis 2020[13]Voir le Compte-rendu de réunion du groupe de travail PSEA de l’Est, l’Adamaoua et du Nord-Bertoua, 24 novembre 2020, p. 2-3..
Ces mécanismes étant très récents, il est encore difficile de mesurer et d’analyser leur véritable impact. Reste que les défis auxquels ils sont confrontés en disent déjà beaucoup sur l’ampleur de la tâche consistant à prendre en charge la question des EAS. Tout d’abord, ces dispositifs se heurtent aux difficultés de mise en application des plans d’action. L’harmonisation d’un code de conduite EAS inter-organisations ; l’obligation de vérifier les antécédents EAS des candidats lors des recrutements au sein des ONG ; la standardisation d’une ligne téléphonique verte inter-agences ; la mise en place d’équipes mobiles « points focaux » pour mener des actions de sensibilisation dans d’autres organisations ou la mise en place de procédures opérationnelles standards de plainte à base communautaire et sur un mode inter-organisationnel : ce sont là autant de chantiers aussi nécessaires que longs à être mis en place.
L’instabilité même des points focaux est de nature à perturber la mise en place et le bon fonctionnement des dispositifs. En effet, « les ONG se heurtent aujourd’hui à ce défi, celui de mettre sur pied un personnel permanent et spécialisé qui s’occupe des questions d’EAS. Le plus souvent dans les organisations, des personnes vont et viennent. Des personnes qui ont été formées aujourd’hui pour les EAS peuvent partir ailleurs et laisser un vide », explique un point focal[14]Entretien du 12 janvier 2021 avec David Ayambouye, point focal d’une ONG locale (ADEES).. L’approvisionnement en données statistiques des dispositifs établis représente un autre défi à surmonter, alors que les points focaux semblent ne pas disposer des moyens et de marges de manœuvres suffisants pour transmettre des rapports d’allégations circonstanciés au réseau national PSEA. Il est vrai que l’autorisation de leur dissémination reste éminemment administrative et dépend soit du Chef de Base, soit du directeur pays. Autrement dit, le bon fonctionnement des procédures externes ou entre organisations pour le signalement des préoccupations en matière d’EAS dépend largement des organisations et pas simplement des points focaux. De même, on observe encore une quasi-absence de mécanismes de retour d’informations au sein des ONG. Seules quelques-unes, comme Plan International, disposent de comités dits de feed-back et d’une trentaine de points focaux Safeguarding (« sauvegarde ») dans tout le pays[15]Ces points focaux sauvegarde des enfants et des jeunes veillent à ce que ceux-ci soient protégés, afin d’éviter qu’ils ne subissent des préjudices sous quelque forme que ce soit.. Leur rôle, crucial, est d’activer les mécanismes de retour d’informations et de signalement des actes nuisant à la sauvegarde des enfants et des jeunes, notamment en cas d’allégations d’EAS[16]Voir le guide et la boîte à outils de Plan International, Mécanismes de retour d’information adaptés aux enfants, 2019, p. 3 : … Continue reading. International Medical Corps a aussi mis en place des points focaux PSEA dans ses zones d’intervention. Reste que ces points focaux, désignés au sein de chacun des deux projets, peuvent être amenés à couvrir certains faits lorsque ceux-ci risquent d’égratigner l’image du projet qui les emploie. Dès lors, leur transparence et leur neutralité restent contestables.
À ces embryons de dispositifs, il faut ajouter les lignes téléphoniques vertes (gratuites) ouvertes par le HCR sur ses sites, et diverses « boîtes à suggestions »[17]Ces « boîtes à suggestions » sont appelées à collecter neuf catégories de données, depuis de simples suggestions d’amélioration ou demandes d’informations à des signalements d’EAS … Continue reading mises en place dans certaines organisations pour faire remonter des plaintes. Si ces dispositifs de remontée des faits d’EAS ont le mérite d’exister, leur sécurité et leur accessibilité sont sujettes à caution. Ainsi certaines boîtes à suggestions sont souvent entreposées au domicile des présidents du comité de feed-back alors qu’elles devraient être accessibles aux populations. Certains auteurs présumés d’EAS (cadres haut placés) étaient mêmes détenteurs des clés de ces boîtes qu’ils pouvaient donc ouvrir à discrétion. Ces boîtes à suggestions et les lignes vertes sont aussi parfois inadaptées aux réalités sociologiques (barrières linguistiques, illettrisme et analphabétisme), d’où leur sous-utilisation par les victimes. De même, les réunions des comités de feed-back posent question : elles respectent rarement les règles de confidentialité si bien que les plaignant(e)s ne sont pas dans les conditions adéquates pour témoigner et dénoncer ceux qu’ils/elles accusent. C’est le cas des réunions « comités de gestion de plaintes » instaurées par African Initiatives for Relief and Development dans les sites de réfugiés de Lolo, Mbilé, Timangolo, Ngam, Ngaoui et Gado, qui sont ouvertes au grand public.
Certes, il faut encore rappeler que tous ces dispositifs nationaux et régionaux de coordination inter-organisations sont très jeunes. Leur efficacité dans l’avenir dépendra de la mise en place effective des dispositifs internes au sein des ONG et de l’engagement sans faille des acteurs, notamment au regard des quatre règles cardinales qui doivent entourer les signalements : la sécurité, la confidentialité, la transparence et l’accessibilité.
Logiques d’obstruction et opacité sociale : jeux d’acteurs, transactions sexuelles et image organisationnelle
Ce corpus s’appuie sur les résultats issus d’une enquête qualitative conduite par entretiens auprès des membres des comités de feed-back, des points focaux et autres travailleurs humanitaires[18]L’enquête a été menée de novembre 2020 à janvier 2021 par entretiens à questions ouvertes (semi-directifs) auprès de 400 professionnels humanitaires (300 de sexe féminin et 100 de sexe … Continue reading. De ces consultations, plusieurs éléments rendent compte de l’opacité sociale en milieu humanitaire quant à ces faits d’EAS. D’abord, 90 % des trois cents répondantes mettent en avant la peur de perdre son travail, des représailles ou de ternir son image comme variables explicatives du non-signalement des inconduites sexuelles. Mais cette dissimulation est aussi le fait des acteurs eux-mêmes dans un monde humanitaire où la culture de l’impunité peut alimenter en retour un sentiment d’impuissance et le réflexe de silence. On observe ainsi au niveau communautaire des logiques d’étouffement des cas, comme à Lolo[19]Site des réfugiés centrafricains situé dans la région de l’Est-Cameroun. où un humanitaire de l’ONG Agence Humanitaire Africaine aurait abusé d’une jeune fille réfugiée de 17 ans. Le cas a fait l’objet d’une tentative d’étouffement par le comité de vigilance[20]Le comité de vigilance est une structure communautaire mise en place par élections. Il a vocation à surveiller les activités (par exemple les distributions alimentaires) sur les sites de … Continue reading, sans passer par les ONG, et alors même qu’il n’a pas mandat pour gérer les cas d’EAS. S’inspirant de la pratique du HCR qui a instauré une grille des amendes en cas de vol, il aurait demandé le versement d’une somme de 100 000 francs CFA à l’auteur pour un arrangement communautaire à l’amiable. Pour finir, l’échec du marchandage, imputable à l’auteur qui a refusé de payer et s’est enfui, a conduit à la transmission de l’affaire au HCR.
« Si ces dispositifs de remontée des faits d’EAS ont le mérite d’exister, leur sécurité et leur accessibilité sont sujettes à caution. »
Au niveau des ONG, on observe que l’esprit corporatiste du personnel humanitaire participe de la construction des logiques de « solidarité organique » illustrées par les amicales, tontines, sorties en amis et autres regroupements sportifs qui renforcent un sentiment d’appartenance humanitaire. Alliances et connivences se créent, complicités et affinités se nouent qui viennent construire, voire sacraliser le « devoir de protéger » tout collègue accusé d’inconduites sexuelles. De tels « rideaux de fer » rendent compte des blocages et enfumages qui empêchent ou compliquent le repérage des EAS.
« L’esprit corporatiste du personnel humanitaire participe de la construction des logiques de “solidarité organique”. »
Au-delà de ces obstructions organisationnelles, les rationalités individuelles y participent également. La course aux dynamiques d’ascension professionnelle des « jeunes pousses humanitaires[21]Pour reprendre la formule d’Amélia Houmaïry-Romy et de Vincent Taillandier, « Les “jeunes pousses humanitaires” doivent-elles hacker le système ? », Alternatives Humanitaires, n° 13, … Continue reading » est révélatrice des jeux d’acteurs. Parfois manipulée, cette nouvelle génération d’humanitaires est souvent confrontée aux transactions sexuelles avec des cadres hiérarchiques. Ces « échanges économico-sexuels[22]Paola Tabet, anthropologue féministe italienne, définit l’échange économico-sexuel comme « toute relation sexuelle impliquant une compensation », in Frédéric Salin, « Les échanges … Continue reading », que Paola Tabet décrit comme une « grande arnaque[23]Lire Paola Tabet, La Grande Arnaque. Sexualité des femmes et échange économico-sexuel, L’Harmattan, 2004. », traduisent les manières dont la sexualité des femmes humanitaires est constituée en objet d’échange pour faciliter leurs carrières. Se sentant trahies, salies, désillusionnées, elles préfèrent souvent garder le silence. Si 70 % de nos répondantes déclarent avoir été exploitées de cette manière, seules 30 % d’entre elles affirment avoir repoussé les avances répétitives des cadres, comme en témoignent ces deux morceaux choisis anonymes, parmi tant d’autres :
« J’étais nouvellement recrutée dans cette organisation et il nous arrivait de finir à des heures tardives. Un soir, pendant que nous faisions l’état des activités, monsieur m’a proposé de coucher avec lui pour avoir la promotion professionnelle. J’ai décliné sa proposition. Il a commencé à me faire du chantage qu’il va me détruire. Heureusement, il a été muté ailleurs. Je ne l’avais pas dénoncé, car je ne savais pas à qui m’adresser et, surtout, j’avais peur des représailles[24]Récit de vie d’une répondante anonyme du 16 décembre 2020.. »
« J’ai été victime d’un harcèlement d’un chef hiérarchique, un expatrié, qui a pris mon numéro et les week-ends se hasardait à m’appeler. Il faisait d’abord semblant de me parler du travail, et après il commence à me dire : “Je voudrais arriver où tu es ? Est-ce que tu pourrais me présenter la ville ?” La personne a tout fait pour savoir où j’habitais… Je ne l’ai pas dénoncé, car je ne voulais pas lui faire de mal, je suis chrétienne[25]Témoignage recueilli le 12 janvier 2021 auprès d’une victime anonyme.. »
La question des EAS devient centrale dans le mandat humanitaire des ONG et l’on ne peut que s’en réjouir. Les bailleurs de fonds poussent en ce sens, estimant que les EAS commis par ceux qui fournissent de l’aide constituent une grave violation à la redevabilité et sont de nature à affecter la légitimité des opérations, la confiance et l’acceptation communautaire des interventions humanitaires. Si de nombreuses ONG s’engagent dans ce mouvement, beaucoup d’autres – en tout cas au Cameroun – rechignent à ouvrir leurs portes aux dispositifs inter-organisations de régulations et de coordinations des EAS. Très sensibles à leur réputation et à leur image, surtout lorsque les scandales d’EAS peuvent impacter leurs financements, elles s’emploient alors à développer des stratégies d’étouffement en interne. Et quand ces obstructions ne sont pas le fait du système organisationnel lui-même, les rationalités d’acteurs contrôlant des « zones d’incertitudes » doivent être largement mises en cause. La démarche très récemment initiée au Cameroun, dont nous avons tenté de décrire les prémices, en même temps que les faits qu’elle tend à mettre en lumière, va en ce sens. Elle doit encore se structurer pour donner sa pleine mesure et combattre ce fléau de l’exploitation et des abus sexuels.
ISBN de l’article (HTML) : 978-2-37704-791-8 |