C’est tout le mérite de cette carte concoctée par notre partenaire CartONG que de présenter ce « sous-continent oublié » et l’ampleur des migrations qui le traversent. Mais elle nous renseigne également quant aux dangers auxquels sont confrontées les populations en mouvement, tout comme elle suggère l’instabilité qu’elle peut provoquer au sein des sociétés locales.
Chaque année, on estime qu’entre 150 000 et 400 000 personnes entreprennent un dangereux périple entre l’Amérique centrale et le Mexique. Les autorités mexicaines avancent le chiffre le plus bas, tandis que les organisations non gouvernementales (ONG) et les organisations civiles avancent le chiffre le plus élevé. Cet itinéraire est marqué par des difficultés et des dangers majeurs. L’Organisation internationale pour les migrations a recensé 407 décès en Amérique centrale depuis 2014, mais ce chiffre est considéré comme nettement inférieur à la réalité. Par conséquent, plutôt que de fournir un bilan précis, l’objectif de notre carte est de montrer comment les décès signalés sont répartis dans la région. Deux zones sont les plus dangereuses pour les personnes en déplacement.
La première est le « triangle du Nord de l’Amérique centrale », qui englobe le Salvador, le Guatemala et le Honduras. En effet, 92 % des incidents enregistrés en Amérique centrale se produisent dans ces trois pays. Depuis 2018, 6138 incidents ont été rapportés dans cette zone, dont 96,5 % sont commis par des gangs (3,5 % par des militaires et des policiers).
La seconde zone est le « bouchon du Darién », une étendue de jungle entre la Colombie et le Panama, particulièrement dangereuse en raison de son terrain accidenté et de l’absence de routes. Les migrants traversent souvent par bateau le Brazo Leon Rio Atrato, mais les autorités locales signalent que de nombreux bateaux disparaissent sans laisser de traces, ce qui rend presque impossible le dénombrement précis des morts et des blessés. Cette inaccessibilité favorise l’impunité des gangs criminels, ce qui entraîne un niveau élevé d’insécurité. Les professionnels de la santé signalent que six femmes et filles sur dix sont victimes de violences sexuelles dans cette région. Le bouchon du Darién est un « trou noir » de données, la plupart des incidents n’étant pas signalés, ce qui fait que, selon les données d’ACLED, il n’apparaît pas comme une zone à forte insécurité.