En janvier 2025, deux journalistes du Monde s’interrogeaient : « Assiste-t-on à une progression de “l’indifférence climatique” en France ? »[1]Audrey Garric et Matthieu Goar, « Assiste-t-on à une progression de l’indifférence climatique en France ? », Le Monde, 17 janvier 2025.. Ils répondaient de manière sibylline à cette question : « Si les citoyens demandent en priorité à l’État de mener des politiques de lutte contre l’effet de serre, ils sembleraient moins disposés à modifier leur mode de vie qu’auparavant. » Selon les auteurs, les Français oublieraient rapidement les effets des catastrophes et seraient moins enclins à s’engager contre la crise climatique. Pour eux, le désordre climatique serait devenu naturel, dans les deux sens du terme. D’un côté, les citoyens auraient le sentiment de porter seuls le poids des mesures gouvernementales restrictives. De l’autre, ils préféreraient ne pas changer leur mode de vie. Au fond, il vaudrait mieux faire comme si de rien n’était et déléguer toutes les mesures au gouvernement ou à ceux qui semblent directement concernés – tout en sachant qu’en réalité, nous le sommes tous.
Au Brésil, la situation est tout aussi paradoxale. Les enquêtes montrent que la majorité de la population est consciente des désastres climatiques. Pourtant, le « gouvernement Lula da Silva III », en place depuis janvier 2023 et porteur d’un espoir mondial après l’oeuvre destructrice de son prédécesseur, encourage le consumérisme de masse (notamment l’achat de voitures), finance davantage l’agrobusiness, et développe l’exploitation pétrolière sur l’ensemble du territoire – mettant ainsi la forêt amazonienne en danger de destruction irréversible puisque la prochaine cible n’est autre que l’embouchure du fleuve Amazone[2]Morgann Jezequel, « En Amazonie, Lula défend des projets qui risquent d’aggraver la déforestation », Courrier International, 12 novembre 2024.. Et aucune transition écologique ne semble se profiler à l’horizon. Comme le souligne la journaliste brésilienne Eliane Brum : « La plupart d’entre nous vivent comme des négationnistes, même si nous ne pensons pas l’être, car si nous vivions réellement selon l’urgence, nous ne ferions rien d’autre qu’affronter la crise climatique. C’est comme regarder sa maison brûler et s’asseoir sur le canapé en disant : “On va attendre”, comme si nous en avions le temps.[3]Eliane Brum, « Maioria se comporta como negacionistas do aquecimento global », Folha de São Paulo, 13 novembre 2021 [traduction de l’auteur]. » Que ce soit de manière active, dans le cas des élites et du gouvernement, ou passive, dans le cas des populations, chacun contribue à repousser, voire à nier, cette crise pourtant de plus en plus indéniable.
Il est possible que l’un des plus grands défis pour faire face aux catastrophes engendrées par la crise climatique réside dans la paralysie des citoyens et des sociétés lorsqu’il s’agit de prendre des mesures efficaces et nécessaires pour les anticiper. Quelque chose semble paralyser tous les acteurs impliqués, transformant ce qui devrait être une expérience radicale en une réalité perçue comme naturelle.
C’est en partant de ces observations liminaires, articulées autour de différentes lectures, que cet article se propose de penser les défis que la crise climatique pose au secteur humanitaire. Par définition plus réactif aux crises, il connaît pourtant lui aussi des difficultés quant à la manière de prendre en compte cette crise à la fois particulière et universelle. Aussi peu évident cela peut-il paraître, de prime abord, la théorie centrale de Guy Debord peut sans doute nous offrir un cadre de réflexion pertinent pour appréhender ce problème.
Le spectacle comme relation sociale
Dans La Société du spectacle, publié en 1967, Guy Debord actualise le concept marxiste de fétichisme de la marchandise. Il résume ainsi sa pensée : « Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images.[4]Guy Debord, La Société du Spectacle, in Œuvres, Éditions Gallimard, 2006, p. 767. » Le spectacle est donc un concept qui décrit la manière dont les relations sociales se vivent de manière indirecte, à travers des images, la plupart du temps diffusées par des dispositifs médiatiques. Autrement dit, il ne s’agit ni d’une théorie des médias ni d’une théorie esthétique, mais plutôt d’une critique de la société où l’expérience sensible et concrète tend à disparaître. Précisons, si besoin est, que la naissance de la théorie de Debord intervient alors que la seule « boîte à images » qui tend seulement à se démocratiser est la télévision…
Vingt ans plus tard, en 1988, Debord revisite son ouvrage dans un essai intitulé Commentaires sur la société du spectacle. Il y rappelle, entre autres, sa distinction entre deux types fondamentaux de spectacles dominants durant la guerre froide. D’un côté, le spectacle diffus décrivait la manière dont le monde démocratique occidental gouvernait ses citoyens à travers une société fondée sur la centralité de la consommation sous toutes ses formes. De l’autre, le spectacle concentré trouvait ses modèles les plus aboutis dans le stalinisme et le nazisme-fascisme.
Dans Commentaires, écrit juste avant la chute du système soviétique, Debord prédit que le spectacle diffus finira par l’emporter. Pour décrire ce qui se profilait à l’horizon comme une fin de l’histoire (selon la célèbre phrase de Francis Fukuyama), il élabore un nouveau concept, combinant les deux modèles précédents : le spectacle intégré. Il le résume ainsi : « Le sens final du spectacle intégré, c’est qu’il s’est intégré dans la réalité même à mesure qu’il en parlait ; et qu’il la reconstruisait comme il en parlait. De sorte que cette réalité maintenant ne se tient plus en face de lui comme quelque chose d’étranger. Quand le spectaculaire était concentré, la plus grande part de la société périphérique lui échappait ; et quand il était diffus, une faible part ; aujourd’hui, rien. Le spectacle s’est mélangé à toute réalité, en l’irradiant.[5]Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle, in Œuvres, Éditions Gallimard, 2006, p. 1598. » Précisons ici aussi, à toutes fins utiles, qu’internet et les réseaux sociaux n’avaient pas encore fait leur apparition…
Et pourtant, le spectacle intégré de Debord décrit bel et bien le capitalisme contemporain, ce moment advenu où le monde réel se présente lui-même comme spectaculaire, tendant à la totalisation par la consommation, le divertissement, et les guerres. La prolifération massive des outils médiatiques en fournit désormais le moyen nécessaire. Dans notre monde numérique, de plus en plus nourri à l’intelligence artificielle, le spectacle est exacerbé puisque, d’une certaine manière, la consommation, ses moyens, et le mode de vie qui en découle coïncident et se manifestent à travers un même objet : l’écran et les dispositifs numériques par lesquels nous vivons et regardons le monde.
Le consentement à la destruction de l’autre
Comment le problème du spectacle intégré peut-il être relié à la question humanitaire ? C’est peut-être un autre livre, très récent, celui de l’anthropologue Didier Fassin[6]Didier Fassin, Une étrange défaite – Sur le consentement à l’écrasement de Gaza, La Découverte, 2024., éclairé par l’oeuvre plus large de cet auteur, qui peut nous servir de fil conducteur. Ce qu’il décrit de la guerre menée par l’armée israélienne au plus fort des combats – le livre a été publié moins d’un an après les attaques du 7-Octobre – approfondit en effet son analyse de la déstabilisation que traversait déjà ce qu’il appelait le « gouvernement humanitaire » dans un livre publié en 2010[7]Didier Fassin, La raison humanitaire. Une histoire morale du temps présent, Seuil, 2010., et qu’il développera dans une postface de 2017. Concernant les impasses de la guerre à Gaza, Fassin écrit en effet :
« L’acquiescement à la guerre à Gaza et à ses conséquences tragiques rend pour longtemps illégitime et inopérante l’invocation des droits humains et de la raison humanitaire par celles et ceux qui ont participé à cette abdication morale, même s’il faut reconnaître que leurs “deux poids, deux mesures”, sur bien des terrains, y compris dans leurs propres pays, leur a depuis longtemps fait perdre tout crédit dans ce domaine.[8]Didier Fassin, Une étrange défaite…, op. cit., p. 139. »
L’anthropologue arrive à cette conclusion après avoir consacré plusieurs pages à décrire la manière dont, selon lui, l’Occident aurait consenti à l’écrasement de Gaza. Sans jamais relativiser l’horreur de l’attaque du 7 octobre 2023, il détaille les six premiers mois de la réponse colonialiste et exterminatrice de l’État d’Israël. Pour lui, il est essentiel de montrer comment les États, les médias, et une grande partie de la population des pays occidentaux ont fermé les yeux, voire collaboré ou financé l’atrocité qui se produisait, quand, en même temps, la machine politique et médiatique tentait de faire taire les voix dissidentes. Fassin souligne à plusieurs reprises que l’asymétrie dans le traitement des victimes israéliennes et palestiniennes par les Occidentaux tient en partie à la distance émotionnelle et concrète qui sépare ces deux pôles. Il observe que les chars et les bombardements apparaissent comme plus impersonnels que les attaques du Hamas en octobre 2023[9]Didier Fassin, Une étrange défaite…, op. cit., p. 131-132..
Pour emprunter les termes familiers à Debord, tout se passe comme si une distance spectaculaire et insurmontable séparait les deux pôles impliqués dans la guerre, entraînant ainsi l’aveuglement, le consentement, voire le déni des populations et des États occidentaux face à l’événement. À la limite, l’écrasement de l’autre est perçu comme un spectacle médiatique total : à l’ère du capitalisme numérique[10]Voir Cédric Durant, Technoféodalisme. Critique de l’économie numérique, Éditions La Découverte, 2020., regarder en continu des images de guerre ou de catastrophes, paralysé, revient, de manière perverse, à les consommer tout en les transformant en spectacle. Toutes proportions gardées, la confrontation aérienne qui dévoile l’écart technologique entre les missiles lancés par le Hamas ou le Hezbollah et le système d’interception israélien Dôme de fer est, elle aussi, vécue à travers les images transmises des deux côtés du front. Peur pour certains, espoir pour d’autres, désir de vengeance pour beaucoup, toutes sortes d’affects se manifestent devant ce bombardement d’images que la guerre produit.
Mais comment faire le lien entre cette intuition sur le devenir spectaculaire de la guerre et la crise climatique, pour ensuite être capable d’en percevoir les implications pour le monde humanitaire ? Suivons Fassin dans sa leçon inaugurale de 2023 au Collège de France, où il traite d’une multiplicité de crises. Parmi celles-ci, il souligne que la perception de la crise climatique en tant que menace pour l’humanité est très récente et qu’elle reste encore insuffisante. En la comparant à la crise de la Covid-19, il affirme : « Quoique bien plus préoccupant, le dérèglement climatique, qui affecte moins les pays riches que les pays pauvres, ne suscite pas le même sentiment de peur et le même sens de l’urgence. Le covid était là, imprévu, soudain. Le changement climatique est, lui, attendu, progressif. Ses effets les plus graves sont différés.[11]Didier Fassin, Sciences sociales par temps de crise. Leçon inaugurale prononcée au Collège de France le jeudi 30 mars 2023, Éditions Collège de France, 2024, … Continue reading » Il fait ainsi une observation fondamentale : l’asymétrie entre les pays face aux impacts subis et le manque de peur et d’urgence que cela suscite, tant chez les populations que chez les États. Ces constats peuvent nous aider à approfondir l’articulation entre la crise humanitaire et la crise climatique.
Au fond, ce que Fassin semble avoir discerné lorsqu’il remarque que Gaza impose une limite morale et matérielle aux interventions humanitaires, c’est que cette situation extrême pourrait bien se décliner dans d’autres secteurs. Alors que les catastrophes climatiques se multiplient, que plusieurs territoires à travers le monde sont en train de sombrer dans la violence, et que de nombreuses populations sont menacées dans leur intégrité, il semble possible que le consentement à l’écrasement de l’autre et l’obsolescence de l’humanitaire, identifiés par l’anthropologue, prennent de nouveaux visages. Comme les cas brésilien et français l’indiquent, il est possible que nous assistions à un désengagement massif des populations, des gouvernements et des États vis-à-vis des mesures nécessaires pour contenir la crise climatique – c’est à dire un consentement aux morts et souffrances produites par la déstabilisation des écosystèmes. D’autant plus que la spectacularisation des catastrophes climatiques semble les repousser assez loin dans le temps et l’espace, bien qu’elles soient déjà présentes ici et maintenant.
L’ambiguïté de l’éthique individuel
Dans leur histoire du temps présent intitulée Overshoot, Andreas Malm et Wim Carton identifient un phénomène nouveau en ce qui concerne la crise climatique. Les populations et les États seraient, consciemment ou non, en train de laisser le processus de réchauffement climatique se dérouler comme un destin naturel – quand bien même il pourrait aboutir à leur propre anéantissement. Malgré toute la connaissance accumulée et, surtout, la démultiplication d’événements catastrophiques partout dans le monde, l’humanité continue de nier cette situation de crise. La limite de 1,5°C ou 2°C, qui visait à donner la possibilité de faire marche arrière dans le processus, serait sur le point d’être dépassée – si ce n’est déjà fait. La vie sur Terre, voire la survie de l’humanité toute entière, est gravement menacée. Comment est-il possible qu’il n’y ait pas d’action collective d’envergure face à un horizon aussi menaçant ?
Au-delà des recherches empiriques nécessaires à la reconstitution de l’histoire récente, ce livre prête « attention aux dimensions psychiques de la crise climatique, notamment à l’énorme capacité des individus de la société capitaliste à la nier et, lorsque cela ne fonctionne plus, à la réprimer »[12]Wim Carton and Andreas Malm, Overshoot:How the World Surrendered to Climate Breakdown, Éditions Verso, 2024, p. 11.. D’un côté, les classes dominantes tentent d’atténuer l’impact de la crise sur leur mode de vie et de consommation, sans que pour autant ces derniers soient véritablement modifiés. De l’autre, les masses se trouvent paralysées dans leur impuissance. D’où la question qui guide l’enquête des auteurs : « Quel enchantement a été jeté sur ce monde qui ne sera jamais rompu ?[13]Wim Carton and Andreas Malm, Overshoot…, op cit., p. 8. » Cela tient peut-être précisément à la manière spectaculaire dont ce processus est vécu et suivi par tous.
Le sociologue Bruno Latour propose une hypothèse intéressante et assez similaire en ce qui concerne les classes dominantes. Il suggère qu’elles ont conscience de l’ampleur de la crise climatique, mais qu’elles ont choisi d’agir dans leur propre intérêt. Pour éviter de changer leur mode de vie, elles auraient opté pour le déni et repoussé indéfiniment (voire à l’infini ?) les mesures radicales et nécessaires pour freiner la crise, tout en contribuant, par ailleurs, à entretenir le scepticisme et la paralysie des sociétés face à la catastrophe qui se profile. D’un côté, les élites font sécession et vivent en dehors de la société. De l’autre, elles renforcent leur domination spectaculaire sur le reste de la population en intervenant directement et indirectement dans les États et les gouvernements, en se livrant à des mises en scène de la classe dirigeante elle-même, et en encourageant la paralysie générale par le divertissement et la consommation de masse[14] Bruno Latour, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique, Éditions La Découverte, 2017, p. 28-38 et p. 74-84.. Avec la montée de Trump II au pouvoir, note Branko Milanovic, nous assistons à un tournant historique qui marque la fin de la légitimité du néolibéralisme démocratique. Cet auteur suggère également que, bien plus que l’extrême droite, ce sont les élites dirigeantes libérales, dans une association entre les multinationales et l’État, qui ont dynamité les fondements de l’ancien accord politique de l’après-guerre froide[15]Branko Milanović, “How the mainstream abandoned universal economic principles”, Brave New Europe, 8 January 2025, … Continue reading. Comme le démontre de façon dramatique le gel des fonds d’aide internationale états-uniens, les politiques humanitaires et toutes les mesures visant à contenir la crise climatique sont gravement menacées par le revirement politique des États-Unis.
Avec la mondialisation, le consumérisme est devenu un des traits majeurs du mode de vie contemporain. Il s’impose de manière telle qu’il devient difficile d’imaginer que nous pourrions accéder aux choses et à la vie autrement que par la consommation de marchandises[16]Fredric Jameson, Valence of the dialectics, Éditions Verso, 2010, pp. 443–445.. La consommation éthique est un exemple flagrant des visages contemporains du problème. Elle plonge ses racines dans les mobilisations « humanitaires » aux XVIIIe et XIXe siècles comme le boycott des marchandises provenant de l’esclavage, qui se poursuit au XXe siècle à travers les campagnes menées par des organisations non-gouvernementales pour un capitalisme dit « éthique », mais en réalité néo-libéral[17]Tehila Sasson, The Solidarity Economy: Nonprofits and the Making of Neoliberalism after Empire, Princeton University Press, 2024.. Dans le contexte du défi climatique, une telle pratique, note Estelle Ferrarese[18]Voir Estelle Ferrarese, Le marché de la vertu. Critique de la consommation éthique, Éditions Vrin, 2023., déplace la consommation vers des produits en apparence moins agressifs et moralement plus acceptables au regard de la société et de la crise environnementale. Les classes moyennes et les élites économiques ou intellectuelles souhaitent continuer à consommer comme par le passé, mais de manière éthique. La nature joue ici un rôle majeur, car elle porterait une charge d’authenticité perdue, que l’on pourrait paradoxalement récupérer à travers sa propre consommation. À la limite, dit Ferrarese, il s’agit d’une manière de changer la vie sans rien changer de substantiel, afin de continuer à vivre la crise climatique comme si de rien n’était. D’une certaine manière, c’est comme donner à une organisation caritative sans remettre en question la situation qui rend son action nécessaire ni agir en conséquence.
Un autre aspect du consumérisme actuel qui nuit à l’action, voire constitue une menace environnementale en soi, comme mentionné précédemment, est la consommation ininterrompue de toutes sortes d’images, quel que soit leur contenu, à travers les écrans et les dispositifs numériques. Au-delà de l’aliénation sociale, l’existence du numérique représente en elle-même un problème écologique sur trois plans principaux : d’abord le niveau de consommation d’énergie nécessaire à son fonctionnement, ensuite l’exigence d’une infrastructure massive, enfin la demande croissante en matières premières qui se trouvent un peu partout dans le monde[19]Voir Fabrice Flipo, La Numérisation du monde. Un désastre écologique, Éditions l’Échappée, 2021.. Le spectacle intégré contemporain prend donc trois dimensions principales : l’une, dans l’utilisation excessive des appareils numériques, l’autre, dans les formes idéologiques qui fournissent un prétexte psychologique suffisant pour justifier la poursuite du mode de vie contemporain, et la dernière, dans la manière dont les sociétés assistent, impuissantes, aux désastres climatiques et humanitaires quotidiens.
Les différentes dimensions du spectacle intégré contemporain s’articulent désormais dans une société paralysée face à l’urgence de la situation, sans que les mesures ou décisions – individuelles ou collectives – soient effectivement prises de manière radicale, comme comme elles le devraient. Reste à savoir comment, et si, les organisations humanitaires ainsi que toute la communauté qui gravite autour d’elles sont capables d’intervenir directement sur le cours spectaculaire du monde pour renverser la situation et la direction catastrophique qu’elle prend. À défaut, de manière asymétrique selon la position sociale et géographique de chacun, la destruction de l’humanité et de la vie sur la planète pourrait devenir un spectacle que l’on regardera à travers tous les dispositifs numériques du spectacle intégré dans lequel nous sommes immergés.
L’auteur remercie Eleanor Davey pour ses suggestions et ses commentaires sur la version finale de ce texte.