changement climatique

Changement climatique et crises humanitaires : une grille de lecture nuancée

Rodrigo Mena
Rodrigo MenaRodrigo Mena est professeur adjoint au programme d’études sur les catastrophes et l’humanitaire à l’Institut d’études sociales de l’université Érasme de Rotterdam et directeur adjoint du Centre d’études humanitaires de La Haye. Ses travaux portent sur l’intersection de la gouvernance des catastrophes et de la réduction des risques, du changement climatique et de l’action humanitaire, en particulier dans des situations de fragilité, de conflit, ou de vulnérabilité. Il est également membre du conseil de l’Association internationale des études humanitaires et du Centre d’expertise en communication humanitaire. En plus de ses fonctions universitaires, Rodrigo Mena fournit des services consultatifs et de conseil à des organisations gouvernementales, diverses ONG internationales et nationales et agences des Nations unies. Avant d’occuper ses fonctions actuelles, il a travaillé pendant près de vingt ans au sein d’ONG, de l’ONU, et de ministères. Durant cette période, il a également mené des activités de conseil et de recherche dans des régions touchées par des catastrophes et des conflits.

La relation entre chan­gement climatique et crises humanitaires est souvent simplifiée à l’ex­trême dans le discours public. Contrairement à l’idée reçue, le chan­gement climatique n’est pas la cause directe des catastrophes, mais plutôt un amplificateur de risques préexis­tants, exacerbant des vulnérabilités socioéconomiques et politiques. Cette vision nuancée appelle à une approche intégrée qui dépasse la simple réponse d’urgence pour s’attaquer aux causes profondes des vulnérabilités et favori­ser des stratégies anticipatives et rési­lientes, notamment à travers l’action humanitaire anticipative et l’adaptation climatique résiliente de proximité.


De nombreux rapports soulignent l’impact significatif du changement climatique (CC) anthropique sur deux éléments : la survenue de crises humanitaires d’une part, l’action humanitaire d’autre part. Concernant ce deuxième point, le CC peut contribuer à accroître la fréquence des catastrophes liées au climat, des défis sanitaires, de l’insécurité alimentaire, et de la migration. En outre, ses effets combinés peuvent exacerber les conflits et aggraver la détérioration des moyens de subsistance ; en parallèle, la multiplication des crises intensifie la concurrence pour l’accès à des sources de financement limitées, ce qui met d’autant plus à l’épreuve les efforts d’intervention[1]Paul Knox Clarke, Climate Change and Humanitarian Action, Groupe URD, November 2021, https://www.urd.org/wp-content/uploads/2021/11/Climate-Change-Humanitarian-Action-2021-2.pdf ; Mackinnon Webster, … Continue reading. Pour répondre au premier point, les organisations humanitaires et les bailleurs de fonds ont commencé à intégrer le CC à leurs cadres de gestion des risques et à leurs plans d’action[2]Norwegian Red Cross, ICRC, Making Adaptation Work: Addressing the compounding impacts of climate change, environmental degradation and conflict in the Near and Middle East, 2023, … Continue reading. Toutefois, le discours public comme la documentation humanitaire, qu’elle soit universitaire ou grise, simplifient souvent l’enjeu à outrance en présentant le CC comme la cause principale des catastrophes, des conflits, des déplacements de population et des crises humanitaires. Cette schématisation se reflète aussi dans les stratégies des Nations unies, des organisations non gouvernementales (ONG) et des bailleurs de fonds ainsi que dans des cadres politiques, institutionnels, économiques et sociaux plus généraux. Cet article conteste une telle perspective en développant une vision plus nuancée du CC face aux crises et aux actions humanitaires. Si le CC peut jouer un rôle dans la migration, les catastrophes et les conflits, les moteurs profonds de ces crises proviennent d’actions et de décisions humaines, de structures de gouvernance et de vulnérabilités sociétales. À lui seul, le CC ne cause jamais de crises de manière directe. Plus exactement, il amplifie les faiblesses qui existent au sein des systèmes humains : c’est l’objet de cette première partie.

Crises liées au climat : le rôle moteur de l’action humaine

La théorie des catastrophes repose sur l’idée que ces dernières ne résultent pas seulement de dangers (processus ou phénomènes à même d’occasionner des dégâts[3]United Nations Office for Disaster Risk Reduction, Definition: Hazard, 2023, https://www.undrr.org/terminology/hazard), mais que le degré de vulnérabilité détermine avec précision la nature de leurs impacts sur les personnes et l’environnement. Les phénomènes météorologiques extrêmes ne portent pas en eux, de manière intrinsèque, le germe des catastrophes, des migrations forcées ou des conflits sociaux. Ce sont plutôt les actions – ou l’inaction – de la société qui déclenchent ou non leur transformation en crises ou en catastrophes[4]Ilan Kelman, Disaster by Choice: How our actions turn natural hazards into catastrophes, Oxford University Press, 2020 ; Greg Bankoff and Dorothea Hilhorst (eds.), Why Vulnerability Still Matters: … Continue reading. La compréhension de cette réalité invalide le caractère naturel des catastrophes en soulignant leur enracinement dans des dynamiques sociopolitiques[5]Ksenia Chmutina, Jason Von Meding, J. C. Gaillard et al., “Why natural disasters aren’t all that natural”, open Democracy, 14 September 2017, … Continue reading.

Certains pays, par exemple, bénéficient d’infrastructures solides capables d’absorber les eaux pluviales, de systèmes performants de réponse aux catastrophes, ou encore de mécanismes avancés d’alerte rapide pour prévoir les tempêtes, alors que ces capacités font défaut à d’autres pays. Par conséquent, des précipitations similaires peuvent avoir des conséquences très différentes, notamment à cause des disparités de gouvernance et d’infrastructures, et des inégalités socioéconomiques. De même, alors qu’un grand nombre de catastrophes et de crises humanitaires sont liées à des phénomènes météorologiques comme les ouragans, les vagues de sécheresse et les inondations – dont certains peuvent à leur tour être attribués au CC –, le facteur clé qui détermine leur impact est la manière dont les sociétés anticipent ces risques, y apportent une réponse, et oeuvrent à leur réduction[6]Ben Wisner, J. C. Gaillard and Ilan Kelman (eds.), Handbook of Hazards and Disaster Risk Reduction, Routledge, 2012..

Cette conclusion s’applique aussi aux déplacements et aux conflits liés au climat. Le choix de quitter un territoire ou d’y rester, ou encore de ne pas pouvoir se déplacer (comme c’est le cas pour les populations piégées) résulte généralement de motifs socioéconomiques plutôt que d’un facteur de stress climatique particulier[7] Arup Kumar Poddar, “Climate Change and Migration: Developing policies to address the growing challenge of climate-induced displacement”, The International Journal of Climate Change: Impacts and … Continue reading. De même, les conflits attribués au CC proviennent fréquemment d’enjeux plus profonds tels qu’une mauvaise gestion des ressources, une instabilité politique, ou l’existence de griefs historiques[8]Laura E. R. Peters and Ilan Kelman, “Critiquing and joining intersections of disaster, conflict, and peace research”, International Journal of Disaster Risk Science, vol. 11, 10 July 2020, pp. … Continue reading. La recherche montre par ailleurs que si les catastrophes et les conflits surviennent souvent en même temps (jusqu’à 70 % des espaces touchés par des conflits sont aussi frappés par des catastrophes), ils entretiennent un lien indirect, sur lequel interviennent de nombreux facteurs sociétaux[9]Nicolás Caso, Dorothea Hilhorst and Rodrigo Mena, “The contribution of armed conflict to vulnerability to disaster: Empirical evidence from 1989 to 2018”, International Journal of Disaster Risk … Continue reading.

Les arguments exposés jusqu’ici démontrent le rôle indirect du CC dans les crises humanitaires et celui de courroie de transmission de l’(in)action humaine. Une explication exhaustive de ce phénomène s’avère complexe et dépasse le périmètre de cet article, mais il est possible de le synthétiser en quatre points.

Un premier argument, bien établi dans la littérature, consiste à affirmer que le CC joue le rôle d’amplificateur de risque plutôt que celui de cause fondamentale des crises. Il exacerbe les vulnérabilités et amplifie les problèmes sociaux, économiques et politiques existants, faisant davantage office de déclencheur ou d’accélérateur que de cause unique[10]Greg Bankoff and Dorothea Hilhorst (eds.), Why Vulnerability Still Matters…, op. cit..

Deuxièmement, le CC participe à la dégradation des moyens de subsistance, en particulier dans des secteurs comme l’agriculture. Par exemple, des sécheresses prolongées ou une météo imprévisible peuvent ravager des exploitations et empêcher les paysan·nes de subvenir aux besoins de leurs familles. Sans mesures d’atténuation efficaces, nombre d’entre eux peuvent être poussés à la migration, qui devient un mécanisme d’adaptation. De tels déplacements peuvent grever les ressources, aviver les tensions sociales et, dans les cas extrêmes, nourrir des conflits et des crises humanitaires[11] Norwegian Red Cross, ICRC, Making Adaptation Work…, op. cit. ; Arup Kumar Poddar, “Climate Change and Migration…”, art. cit..

Troisièmement, le CC peut augmenter (ou réduire) la fréquence et l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes[12]Intergovernmental Panel on Climate Change, Summary for policy makers (Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability), 2022, https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2 ; Ilan Kelman, “Climate … Continue reading. En l’absence de mesures adéquates de prévention et de réponse, ces événements peuvent causer de nombreuses victimes, endommager les infrastructures et déstabiliser les sociétés. Une mise en garde importante s’impose ici sur la notion d’attribution : de nombreux phénomènes météorologiques extrêmes ne peuvent pas être associés au CC de façon concluante, bien qu’il existe divers niveaux de confiance[13]Nathaniel L. Bindoff and Peter A. Stott, “Detection and attribution of climate change: from global to regional”, Climate Change 2013 – The Physical Science Basis, IPCC, Cambridge University … Continue reading. Cette incertitude ne devrait pas poser problème pour autant, car la protection des populations à risque constitue un impératif, indépendant de l’attribution.

Enfin, loin de se réduire à un phénomène climatologique, le CC façonne également des dynamiques politiques, économiques et sociétales. Il a ainsi donné naissance à un vaste secteur focalisé sur l’atténuation et l’adaptation climatique, qui comprend l’échange de droits d’émission de carbone, les produits neutres pour le climat et des mouvements politiques tels qu’Extinction Rébellion. On voit dès lors que le CC s’ancre profondément dans des structures et des discours sociétaux, et exerce donc une influence multiscalaire sur les processus décisionnels.

« Même lorsqu’il est difficile d’anticiper l’ensemble des risques, les sociétés doivent se concentrer sur la réduction des menaces prévisibles. »

Par conséquent, bien que l’on ne puisse pas considérer le CC comme seul moteur des crises humanitaires, on ne peut ignorer sa propension à rendre certains événements plus imprévisibles ou graves. Même lorsqu’il est difficile d’anticiper l’ensemble des risques, les sociétés doivent se concentrer sur la réduction des menaces prévisibles et la prise en charge des facteurs qui jouent un rôle dans les effets du CC sur les crises.

En outre, comme expliqué précédemment, un grand nombre de ces risques émanent de nos sociétés, lesquelles portent donc la responsabilité de s’y préparer et de les diminuer[14]Greg Bankoff and Dorothea Hilhorst (eds.), Why Vulnerability Still Matters…, op. cit. ; James Lewis and Ilan Kelman, “The good, the bad and the ugly: Disaster risk reduction (DRR) versus disaster … Continue reading. Les acteurs humanitaires, quant à eux, développent des mécanismes évolutifs pour anticiper les crises liées au CC (et non causées par lui[15]Andrew Baldwin, “Pluralising climate change and migration: An argument in favour of open futures”, Geography Compass, vol. 8, no. 8, 5 August 2014, pp. 516–528.) et pour y remédier.

Faire évoluer les réponses humanitaires

Les mesures de réponse au CC sont généralement réparties en deux catégories : d’une part, la lutte contre le réchauffement climatique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre et le captage de l’excédent de CO2 (atténuation) et, d’autre part, l’adaptation à ses impacts à grande échelle sur les écosystèmes et les communautés (adaptation)[16]Norwegian Red Cross, Overlapping Vulnerabilities, op. cit. ; Ilan Kelman, Disaster by Choice…, op. cit ; Paul Knox Clarke, Climate Change and Humanitarian Action…, op. cit.. Cette distinction est essentielle. En effet, tout débat centré sur le rôle des acteurs humanitaires à l’égard du CC doit faire une distinction claire entre d’un côté, oeuvrer à l’atténuer et, de l’autre, s’adapter à ses impacts. Dans la première catégorie, certaines organisations humanitaires ont pris des dispositions pour réduire leurs émissions, ou des mesures visant à capter les émissions de CO2 générées par leurs programmes. Les initiatives de reboisement en sont un exemple éloquent.

« Les acteurs humanitaires ne participent pas encore pleinement aux stratégies de réduction des risques de catastrophe. »

Il convient aussi de noter que l’adaptation au CC tombe en général dans le champ d’application de l’aide au développement et des actions qui s’y rapportent, plutôt que dans celui de l’humanitaire. De même, les acteurs humanitaires ne participent pas encore pleinement aux stratégies de réduction des risques de catastrophe (RRC), comme celles définies dans le Cadre d’action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030[17]Le Cadre d’action de Sendai est un accord mondial adopté en 2015 pour la réduction des risques de catastrophe et la concentration des efforts sur la résilience à travers l’amélioration de la … Continue reading. Du reste, pour s’attaquer aux impacts du CC tels que décrits plus hauts, l’action humanitaire a historiquement eu tendance à se concentrer sur la réponse aux crises plutôt que sur leur prévention. Néanmoins, la situation évolue progressivement.

Au vu de la complexité croissante des crises liées au climat, les organisations humanitaires se tournent de plus en plus vers des stratégies proactives et préventives[18]Croix-Rouge allemande, Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et CICR, Protéger les personnes contre les conséquences des phénomènes climatiques et … Continue reading. Cet infléchissement s’articule autour de deux approches : l’action humanitaire anticipative (AHA), qui consiste à prendre des mesures précoces en s’appuyant sur les prévisions afin d’atténuer les répercussions des crises, et l’adaptation climatique résiliente de proximité (ACRP), qui privilégie l’échelle communautaire dans ses efforts de renforcement de la résilience et des capacités d’adaptation.

L’AHA tire profit de la modélisation prédictive et des données climatiques pour anticiper les risques et prendre des mesures avant la survenue des catastrophes[19]OCHA, “Anticipatory Action”, 20 mai 2024, https://www.unocha.org/anticipatory-action. Cette approche, qui se traduit souvent sur le plan opérationnel par la stratégie d’alerte et d’intervention précoces (Early Warning-Early Action – EWEA en anglais), a transformé le mode opératoire des organisations humanitaires en passant des réponses post-crises à l’anticipation des risques[20]FICR, World Disasters Report 2009: Focus on early warning, early action, 1 June 2009, https://www.ndma.gov.pk/public/storage/publications/July2024/P5DDMSSLRJ7MCCksYDMg.pdf. Elle met en lumière l’importance d’agir sur les prévisions climatiques en mobilisant des ressources, en préparant les communautés locales et en s’assurant que les institutions sont prêtes à réagir. En intervenant en amont, les organisations humanitaires peuvent diminuer l’ampleur des catastrophes, minimiser les pertes en vies humaines et réduire les coûts économiques du redressement[21]Marie Wagner and Catalina Jaime, An Agenda for Expanding Forecast-Based Action to Situations of Conflict, Global Public Policy Institute, Climate Centre, September 2020, … Continue reading.

Les stratégies d’ACRP visent à renforcer la résilience en intégrant l’adaptation climatique à la planification du développement à long terme[22]Voir International Institute for Environment and Development, Connecting Humanitarians and Climate Change, 2021, https://www.iied.org/connecting-humanitarians-climate-change ; FICR, Programme mondial … Continue reading. Ces stratégies tâchent de conforter l’appropriation des efforts d’adaptation par les instances dirigeantes, les infrastructures et les communautés. Une telle intégration garantit l’émergence de solutions de réduction des risques climatiques futurs caractérisées par leur durabilité et leur pertinence locale[23]CARE International, Community Based Adaptation: An empowering approach for climate resilient development and risk reduction, 2015, … Continue reading. Si les acteurs humanitaires n’ont commencé à assimiler cette approche qu’avec prudence, notamment du fait de la nature prolongée des crises et du rôle central des actions de développement, elle offre toutefois une voie prometteuse. L’ACRP dépasse la gestion des crises à court terme, pour donner la priorité à des solutions de développement durable. L’amélioration des infrastructures, la consolidation des systèmes de gouvernance et l’investissement dans les technologies vertes sont autant d’exemples qui, collectivement, contribuent à réduire la vulnérabilité aux conséquences du CC dans le temps.

Vers une intégration du changement climatique aux cadres humanitaires

Une lecture critique des points déjà abordés révèle que les crises humanitaires tout comme le CC résultent de problèmes systémiques plus profonds, eux-mêmes enracinés dans des défis de développement mondial, ce qui souligne le besoin d’approches intégrées. De nombreuses crises humanitaires – liées ou non au climat – sont la conséquence de problèmes tels que la pauvreté, les inégalités, les failles de gouvernance et le sous-développement[24]Raymond Apthorpe, “From economic development to humanitarian studies”, Development Issues, vol. 3, no. 1, April 2001 ; Dorothea Hilhorst (ed.), Disaster, Conflict and Society in Crises: Everyday … Continue reading. Le CC agit comme un facteur de stress sur ces systèmes fragilisés, qui en amplifie les vulnérabilités. Comprendre que le CC et les crises humanitaires sont des aspects interconnectés de la même problématique permet de défendre une approche plus holistique de la gestion des crises, centrée à la fois sur l’adaptation climatique et les questions de développement sous-jacents.

D’aucuns pourraient objecter que l’action humanitaire et le CC interviennent à des échelles et dans des délais différents. De fait, si le CC est perçu comme étant chronique et transcendant les sociétés, on retient surtout le caractère exceptionnel et momentané des crises humanitaires.

Mais cette conception reflète une vision dépassée de l’humanitaire. Le paradigme de la résilience humanitaire conteste la nature extraordinaire et isolée des crises[25]Dorothea Hilhorst, “Classical humanitarianism and resilience humanitarianism: Making sense of two brands of humanitarian action”, Journal of International Humanitarian Action, vol. 3, no. 1, … Continue reading. Au contraire, il souligne leur enchâssement dans les tissus sociaux et, de ce fait, leur expression à diverses échelles spatiotemporelles, à la manière du CC. Les crises humanitaires, tout comme le CC, sont profondément liées aux vulnérabilités systémiques que sont la pauvreté, l’inégalité ou encore les failles de gouvernance.

Par ailleurs, CC et crises humanitaires exercent une influence constante sur les sociétés, bien que l’intensité et l’étendue de leurs manifestations puissent varier. Par exemple, les sécheresses chroniques induites par le CC creusent l’insécurité alimentaire, déclenchant des besoins humanitaires sur le long terme. De même, des conflits prolongés peuvent déstabiliser les régions affectées pendant des décennies et accentuer les vulnérabilités au changement climatique. La prise en compte de ces parallèles permet d’avancer vers une approche plus intégrée : le CC et les crises humanitaires constituent bien des phénomènes interconnectés qui appellent des démarches communes, fondées sur la résilience, la durabilité et l’équité.

Cette logique d’intégration fournit également une lecture critique de la vision du CC comme amplificateur de risques. Un tel cadre conceptuel risque de confiner à la simplification excessive des dimensions structurelles et d’économie politique du CC comme des crises humanitaires. Le CC n’est pas seulement un facteur de stress extérieur, il entretient des liens étroits avec les schémas historiques d’extraction, d’allocation des ressources et de déséquilibres géopolitiques du pouvoir. Par exemple, l’impact disproportionné du CC sur les pays du monde majoritaire[26]Les termes « monde majoritaire » et « monde minoritaire » sont de plus en plus employés pour remplacer des termes comme « pays en développement/développés », la division entre « Occident … Continue reading n’est pas fortuit, mais dérive de siècles d’exploitation coloniale et de la propension des systèmes économiques mondialisés contemporains à perpétuer la vulnérabilité.

« Une approche plus intégrée aborderait de manière critique les questions de justice climatique (et humanitaire), de pertes et de dommages, et de responsabilité historique. »

Par conséquent, une approche plus intégrée aborderait de manière critique les questions de justice climatique (et humanitaire), de pertes et de dommages, et de responsabilité historique. Elle reconnaîtrait que, parmi les pays vulnérables au changement climatique, nombreux sont ceux dont les émissions de gaz à effet de serre sont les plus limitées alors qu’ils sont confrontés au plus lourd fardeau humanitaire.

Cette optique peut également s’étendre aux deux approches décrites précédemment. Par exemple, bien que cruciale pour une intervention en temps et en heure, l’EWEA ne peut remplacer des efforts plus larges de RRC[27]Rodrigo Mena, “Humanitarianism and the Sendai framework: A 10-year review of converging and diverging paths”, International Journal of Disaster Risk Science, 3 January 2025.. La priorité donnée à l’action précoce doit être intégrée en soutenant davantage les stratégies à long terme qui visent à résoudre les vulnérabilités structurelles telles que l’inadéquation des infrastructures, la mauvaise gouvernance ou les inégalités socioéconomiques. En l’absence d’une telle vision d’ensemble, l’EWEA court le risque d’être réduite à une rustine temporaire plutôt que de constituer une solution durable. Le Cadre d’action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe fournit un exemple d’intégration réussie en encourageant le lien entre une intervention rapide et des efforts plus larges de renforcement de la résilience.

De même, bien qu’essentielles pour construire une résilience sur le long terme, les stratégies d’ACRP doivent aussi s’attaquer aux facteurs politiques et socioéconomiques de vulnérabilité. Ainsi, à défaut d’intégrer des enjeux systémiques comme l’instabilité politique, l’insécurité foncière ou les inégalités persistantes, même les stratégies d’adaptation climatique les plus solides sont vouées à l’échec, car ces problématiques peuvent saper la résilience des communautés et la durabilité.

Par ailleurs, une approche non intégrée du CC et des crises humanitaires comporte un autre risque : celui d’y voir des phénomènes distincts à rattacher de manière artificielle (et, par extension, à lier à d’autres événements), au prix d’une complexité superflue. Cela conduit souvent à des systèmes parallèles de financement et d’action, comme l’illustre bien l’approche du triple nexus. Depuis le Sommet mondial de 2016 sur l’action humanitaire, cet outil conceptuel préconise une meilleure articulation entre humanitaire, développement et recherche de la paix. Il souligne que tant que la paix et un développement à long terme ne sont pas réunis, les interventions humanitaires risquent de faire face à une demande répétée, tout en échouant à peser sur les causes fondamentales des problèmes sociétaux[28]Summer Brown, Rodrigo Mena and Sylvia Brown, “The peace dilemma in the triple nexus: challenges and opportunities for the humanitarian-development-peace approach”, Development in Practice, vol. … Continue reading. Certaines voix se lèvent désormais pour défendre l’ajout du CC à ces éléments, comme quatrième composante du nexus[29]Eric Abitbol and Erin McCandless, “Transforming our common crisis: complexity, climate change, and the humanitarian-development-peace nexus”, Journal of Peacebuilding & Development, vol. 17, … Continue reading. Mais il serait aussi possible de concevoir les effets du CC au sein des stratégies de RRC, elles-mêmes à l’intersection de l’humanitaire, du développement et de la recherche de la paix. La création d’une « quatrième composante » distincte fait gagner en complexité sans valeur ajoutée[30]Rodrigo Mena, Summer Brown, Laura E. R. Peters et al., “Connecting disasters and climate change to the humanitarian-development-peace nexus”, Journal of Peacebuilding & Development, vol. 17, … Continue reading. À l’inverse, les efforts devraient se concentrer sur le recours à des cadres existants, tels que la RRC, pour une pleine intégration du CC aux champs de l’humanitaire et du développement – qui pourraient bénéficier eux aussi d’une démarche plus intégrative.

Concevoir le CC comme un phénomène distinct – et vecteur de risques eux aussi distincts – expose à se couper des stratégies, théories et actions existantes telles que la RRC, qui remédient déjà à ses conséquences. Incorporer le CC dans les cadres en vigueur, plutôt que de créer de nouveaux systèmes parallèles, permet de renforcer la cohérence et l’efficacité des actions touchant à l’humanitaire, au développement et à la recherche de la paix. Ainsi, l’intégration de l’adaptation climatique à la RRC et au triple nexus garantit des réponses aux crises à la fois immédiates et tournées vers l’avenir, à même de s’attaquer aux moteurs structurels et systémiques de la vulnérabilité en évitant de dupliquer inutilement les efforts.

Enfin, les acteurs humanitaires peinent à intégrer le CC dans leurs cadres à cause du cloisonnement étanche des sources de financement, sous-produit de cette approche non intégrée. Les mécanismes de financement de l’action climatique – comme le Fonds vert pour le climat ou le Fonds d’adaptation – opèrent en majeure partie dans le champ du développement. Ils ignorent donc souvent la nature aiguë et récurrente des crises humanitaires liées au climat. Il est urgent de repenser le financement de l’action climatique, pour qu’il soutienne les réponses humanitaires au-delà du secours d’urgence à court terme, en facilitant l’intervention anticipative, l’adaptation et le renforcement de la résilience dans les régions sujettes aux crises. Cela suppose des réformes structurelles de la gouvernance financière mondiale, pour garantir que le financement du CC ne soit pas exclusivement lié à des acteurs étatiques, mais demeure accessible aux intervenants humanitaires et aux communautés locales en première ligne.

En conclusion, cet article offre une lecture nuancée de la relation entre CC et crises humanitaires, remettant en question leur nature prétendument disjointe. Il dépasse le récit du CC comme cause directe de crises, pour mieux mettre en exergue les interactions complexes des facteurs humains, socioéconomiques et politiques qui modèlent ses effets sur les populations vulnérables. Alors que les organisations humanitaires doivent s’adapter aux défis grandissants du CC, elles possèdent aussi un rôle central dans la résolution des causes fondamentales de la vulnérabilité, dont la pauvreté, les inégalités, la mauvaise gouvernance et le sous-développement. Pour ce faire, elles doivent s’appuyer sur des cadres plus larges, à l’instar du Cadre d’action de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, des objectifs de développement durable ou d’approches comme celle du triple nexus humanitaire-développement-paix. Une telle démarche permet d’examiner la façon dont ces initiatives peuvent soutenir des approches intégrées de l’action climatique. Cela invite également à savoir si des systèmes entièrement nouveaux sont nécessaires ou si les structures existantes, comme les cadres de RRC, peuvent être exploitées plus efficacement pour intégrer l’adaptation climatique dans les efforts d’aide humanitaire et de développement.

Finalement, il est essentiel d’abattre les cloisons qui séparent le CC, l’action humanitaire et le développement durable afin de répondre à ces défis interdépendants de manière à renforcer la résilience à long terme et l’équité au sein des sociétés.

 

Traduit de l’anglais par Julou Dublé

 

Crédit Photo : CICR

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References

References
1 Paul Knox Clarke, Climate Change and Humanitarian Action, Groupe URD, November 2021, https://www.urd.org/wp-content/uploads/2021/11/Climate-Change-Humanitarian-Action-2021-2.pdf ; Mackinnon Webster, Justin Ginnetti, Peter Walker et al., The Humanitarian Costs of Climate Change, Feinstein International Center, December 2008, https://www.preventionweb.net/files/8058_FeinsteinTuftsclimatechange.pdf ; Dr Andrea Steinke, Climate Change and Humanitarian Change: Challenging norms, mandates and practices, Centre for Humanitarian Action, November 2023, https://www.chaberlin.org/wp-content/uploads/dlm_uploads/2023/11/climate-change-en-web.pdf ; Norwegian Red Cross, Overlapping Vulnerabilities: The impacts of climate change on humanitarian needs, May 2019, https://reliefweb.int/report/world/overlapping-vulnerabilities-impacts-climate-change-humanitarian-needs ; Louisa Baxter, Catherine R. McGowan, Sandra Smiley et al., “The relationship between climate change, health and the humanitarian response”, The Lancet, vol. 400, no. 10363, 5 November 2022, pp. 1561–1563, https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(22)01991-2/abstract
2 Norwegian Red Cross, ICRC, Making Adaptation Work: Addressing the compounding impacts of climate change, environmental degradation and conflict in the Near and Middle East, 2023, https://shop.icrc.org/making-adaptation-work-pdf-en.html
3 United Nations Office for Disaster Risk Reduction, Definition: Hazard, 2023, https://www.undrr.org/terminology/hazard
4 Ilan Kelman, Disaster by Choice: How our actions turn natural hazards into catastrophes, Oxford University Press, 2020 ; Greg Bankoff and Dorothea Hilhorst (eds.), Why Vulnerability Still Matters: The Politics of Disaster Risk Creation, Routledge, 2022.
5 Ksenia Chmutina, Jason Von Meding, J. C. Gaillard et al., “Why natural disasters aren’t all that natural”, open Democracy, 14 September 2017, https://www.opendemocracy.net/en/why-natural-disasters-arent-all-that-natural ; Ilan Kelman, Disaster by Choice…, op. cit.
6 Ben Wisner, J. C. Gaillard and Ilan Kelman (eds.), Handbook of Hazards and Disaster Risk Reduction, Routledge, 2012.
7  Arup Kumar Poddar, “Climate Change and Migration: Developing policies to address the growing challenge of climate-induced displacement”, The International Journal of Climate Change: Impacts and Responses, vol. 16, no. 1, 13 March 2024, pp. 149–170.
8 Laura E. R. Peters and Ilan Kelman, “Critiquing and joining intersections of disaster, conflict, and peace research”, International Journal of Disaster Risk Science, vol. 11, 10 July 2020, pp. 555–567 ; Rune T. Slettebak, “Don’t blame the weather! Climate-related natural disasters and civil conflict”, Journal of Peace Research, vol. 49, no. 1, January 2012, pp. 163–176.
9 Nicolás Caso, Dorothea Hilhorst and Rodrigo Mena, “The contribution of armed conflict to vulnerability to disaster: Empirical evidence from 1989 to 2018”, International Journal of Disaster Risk Reduction, vol. 95, September 2023 ; Nicolás Caso, Dorothea Hilhorst, Rodrigo Mena et al., “Does disaster contribute to armed conflict? A quantitative analysis of disaster – conflict co-occurrence between 1990 and 2017”, International Journal of Development Issues, vol. 23, no. 1, 21 July 2023.
10 Greg Bankoff and Dorothea Hilhorst (eds.), Why Vulnerability Still Matters…, op. cit.
11  Norwegian Red Cross, ICRC, Making Adaptation Work…, op. cit. ; Arup Kumar Poddar, “Climate Change and Migration…”, art. cit.
12 Intergovernmental Panel on Climate Change, Summary for policy makers (Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability), 2022, https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2 ; Ilan Kelman, “Climate change, weather, and disasters”, LinkedIn, Pulse, 24 September 2021, https://www.linkedin.com/pulse/climate-change-weather-disasters-ilan-kelman
13 Nathaniel L. Bindoff and Peter A. Stott, “Detection and attribution of climate change: from global to regional”, Climate Change 2013 – The Physical Science Basis, IPCC, Cambridge University Press, 2014, pp. 867–952.
14 Greg Bankoff and Dorothea Hilhorst (eds.), Why Vulnerability Still Matters…, op. cit. ; James Lewis and Ilan Kelman, “The good, the bad and the ugly: Disaster risk reduction (DRR) versus disaster risk creation (DRC)”, in PLOS Currents, vol. 4, 21 June 2012, https://currents.plos.org/disasters/article/the-good-the-bad-and-the-ugly-disaster-risk-reduction-drr-versus-disaster-risk-creation-drc ; Sukanya Podder, “Mapping child soldiers’ reintegration outcomes in Liberia: A participatory approach”, in Alpaslan Özerdem and Richard Bowd (eds.), Participatory Research Methodologies: Development and Post-Disaster/Conflict Reconstruction, Ashgate, 2010, pp. 165–180.
15 Andrew Baldwin, “Pluralising climate change and migration: An argument in favour of open futures”, Geography Compass, vol. 8, no. 8, 5 August 2014, pp. 516–528.
16 Norwegian Red Cross, Overlapping Vulnerabilities, op. cit. ; Ilan Kelman, Disaster by Choice…, op. cit ; Paul Knox Clarke, Climate Change and Humanitarian Action…, op. cit.
17 Le Cadre d’action de Sendai est un accord mondial adopté en 2015 pour la réduction des risques de catastrophe et la concentration des efforts sur la résilience à travers l’amélioration de la préparation, de l’atténuation et des efforts de relèvement de 2015 à 2030. Voir : https://www.unisdr.org/files/43291_frenchsendaiframeworkfordisasterris.pdf
18 Croix-Rouge allemande, Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et CICR, Protéger les personnes contre les conséquences des phénomènes climatiques et météorologiques extrêmes sur le plan humanitaire : travailler ensemble pour renforcer l’action anticipative, avril 2024, https://rcrcconference.org/app/uploads/2024/04/34IC-Background-doc-Anticipatory-action-FR.pdf
19 OCHA, “Anticipatory Action”, 20 mai 2024, https://www.unocha.org/anticipatory-action
20 FICR, World Disasters Report 2009: Focus on early warning, early action, 1 June 2009, https://www.ndma.gov.pk/public/storage/publications/July2024/P5DDMSSLRJ7MCCksYDMg.pdf
21 Marie Wagner and Catalina Jaime, An Agenda for Expanding Forecast-Based Action to Situations of Conflict, Global Public Policy Institute, Climate Centre, September 2020, https://gppi.net/media/Wagner_Jaime_2020_FbA-in-Conflict-Situations.pdf
22 Voir International Institute for Environment and Development, Connecting Humanitarians and Climate Change, 2021, https://www.iied.org/connecting-humanitarians-climate-change ; FICR, Programme mondial de résilience climatique, 31 mars 2022, https://www.ifrc.org/fr/notre-travail/catastrophes-climat-et-crises/r%C3%A9duction-risques-catastrophes-climatiquement-6 ; Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, Fond de résilience climatique du HCR, Global Focus, 2024, https://reporting.unhcr.org/sites/default/files/2024-11/%5BFrench%5D%20Fact%20Sheet%20CRF%20%20%281%29.pdf
23 CARE International, Community Based Adaptation: An empowering approach for climate resilient development and risk reduction, 2015, https://careclimatechange.org/wp-content/uploads/2014/08/CBA_Brief_ALP_English.pdf
24 Raymond Apthorpe, “From economic development to humanitarian studies”, Development Issues, vol. 3, no. 1, April 2001 ; Dorothea Hilhorst (ed.), Disaster, Conflict and Society in Crises: Everyday politics of crisis response, Routledge, 2013
25 Dorothea Hilhorst, “Classical humanitarianism and resilience humanitarianism: Making sense of two brands of humanitarian action”, Journal of International Humanitarian Action, vol. 3, no. 1, December 2018.
26 Les termes « monde majoritaire » et « monde minoritaire » sont de plus en plus employés pour remplacer des termes comme « pays en développement/développés », la division entre « Occident » et « reste du monde », ou l’approche géopolitique du « Nord/Sud global ». Si ces termes se réfèrent principalement à des pays, ils reconnaissent aussi la présence éventuelle au sein de chaque pays de personnes représentant la minorité mondiale, habituellement caractérisée par de hauts niveaux de revenus et d’éducation.
27 Rodrigo Mena, “Humanitarianism and the Sendai framework: A 10-year review of converging and diverging paths”, International Journal of Disaster Risk Science, 3 January 2025.
28 Summer Brown, Rodrigo Mena and Sylvia Brown, “The peace dilemma in the triple nexus: challenges and opportunities for the humanitarian-development-peace approach”, Development in Practice, vol. 34, no. 5, 19 April 2024, pp. 568–584.
29 Eric Abitbol and Erin McCandless, “Transforming our common crisis: complexity, climate change, and the humanitarian-development-peace nexus”, Journal of Peacebuilding & Development, vol. 17, no. 3, November 2022, pp. 251–256.
30 Rodrigo Mena, Summer Brown, Laura E. R. Peters et al., “Connecting disasters and climate change to the humanitarian-development-peace nexus”, Journal of Peacebuilding & Development, vol. 17, no. 3, November 2022, pp. 324–340.

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