Les migrations chinoises en Afrique

Catherine BotrosDiplômée de Sciences Po Paris en 2010, j’ai effectué en 2011 une mission bénévole d’un an dans un orphelinat d’un bidonville de Nairobi. De retour en France, j’ai travaillé plusieurs années dans le privé, en tant que responsable de projets RH et RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise). Mais j’ai toujours gardé un pied dans la solidarité internationale, notamment au travers de l’association Jenga que j’ai cofondée et qui soutient les enfants défavorisés au Kenya. Dans le cadre de mon mémoire de fin d’études je mène un travail de recherche à Nairobi, portant sur l’accès à l’éducation dans les bidonvilles de la capitale kényane.
Koralane PeltierÉtudiante en Master 2 Développement et Aide Humanitaire, je suis passionnée par l’Amérique Latine. Dans le cadre de mon Master 1 Science Politique mention relations internationales je suis partie 6 mois en échange universitaire à l’Université del Salvador à Buenos Aires où j’ai approfondi mon expérience associative en m’engageant auprès d’organisations féministes argentines. De retour en France, je suis devenue bénévole à la Fondation des Femmes et Nous toutes. Le Master 2 Développement et Aide Humanitaire me permettra de travailler au sein d’organisations non gouvernementales en faveur des droits des femmes.
Léopoldine DufreneActuellement étudiante en Master 2 Développement et Aide humanitaire à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, j’ai effectué un parcours universitaire axé sur la Science politique et l’Histoire. J’ai depuis longtemps été intéressée par la Chine où j’ai effectué un semestre lors de ma 3ème année de licence. De retour, je me suis passionnée pour les questions reliées aux identités minoritaires. J’ai alors effectué mon mémoire de recherche en Master 1 sur l’État chinois et les particularismes minoritaires avec comme exemple-cas, la minorité Miao. Aujourd’hui j’ai accepté un stage à la Fondation Aldinie dont l’objectif est d’offrir, par le biais de l’éducation et de la santé, une vie épanouie aux enfants de Madagascar, issus de milieux modestes.

Publié le 1 avril 2020

Deuxième article de la série « Le Campus d’AH » en partenariat avec le Master Développement et Aide Humanitaire du département de science politique de Paris 1 Panthéon Sorbonne.

« L’amitié sino-africaine plonge ses racines dans la profondeur des âges et ne cesse de s’approfondir au fil des ans. » C’est ainsi que le président chinois Hu Jintao évoquait, dans un discours de 2006[1]Discours de Hu Jintao, Président de la République Populaire de Chine, à la cérémonie d’ouverture du sommet de Beijing du forum sur la coopération sino-africaine, 4 novembre 2006., les relations entre la Chine et l’Afrique. La conférence de Bandung de 1955 qui avait réuni vingt-neuf chefs d’états asiatiques et africains, puis la tournée du Premier ministre chinois Zhou Enlai dans dix pays d’Afrique de décembre 1963 à janvier 1964[2]Sylvie Bredeloup et Brigitte Bertoncello, « La migration chinoise en Afrique : accélérateur du développement ou « sanglot de l’homme noir » » ?, Afrique contemporaine, n° 218, … Continue reading, enfin les forums et sommets sino-africains qui se succèdent depuis l’an 2000, témoignent de ces relations florissantes.

Cet essor va de pair avec les milliards de dollars investis sans conditions par la Chine sur le « continent noir », à travers ses grands chantiers de bâtiments publics, routes, voies ferroviaires et d’extraction de matières premières sur l’ensemble du territoire, mais aussi son aide au développement dont les montants augmentent chaque année. Et sans conditions, car c’est bien autour du principe de non-ingérence que s’articulent officiellement les relations entre Pékin et l’Afrique.

Au regard de ces échanges politiques et économiques croissants, les mouvements de populations de la Chine vers l’Afrique s’intensifient également. Des milliers de migrants chinois viennent tenter leur chance sur le continent africain, que ce soit des cadres envoyés par l’État ou des travailleurs individuels, encouragés par les autorités chinoises. Aujourd’hui, on compte plus d’un million de Chinois en Afrique. Qui sont ces migrants ; pourquoi s’installent-ils en Afrique ; quelles relations établissent-ils avec les populations locales… Autant de questions qui en soulèvent une autre : l’amitié sino-africaine affichée par les dirigeants se traduit-elle réellement par des liens amicaux entre migrants chinois et populations africaines sur place ?

Des logiques migratoires court-termistes face à l’eldorado africain

Au sein du million de migrants chinois présents sur le continent africain[3]La grande mobilité des migrants chinois sur le territoire africain rend difficile leur recensement, les chiffres varient ; Brigitte Bertoncello et Sylvie Bredeloup, « Chine-Afrique ou la valse des … Continue reading, deux profils principaux se distinguent : les coopérants techniques envoyés sur les chantiers des entreprises chinoises implantées sur le territoire. Face à eux, les petits commerçants qui souhaitent développer leur richesse personnelle sur le continent perçu comme un nouvel eldorado. Deux profils différents donc, mais motivés par la même envie : profiter de l’opportunité d’enrichissement que représente l’Afrique, alors que l’ascension sociale reste difficile en Chine[4]Dans les années 1990, il y eut une grande vague migratoire due à la restructuration des entreprises publiques chinoises et au licenciement de millions de travailleurs chinois.. Ainsi, cette terre providentielle est aussi une terre transitoire : l’image du migrant chinois « séjourneur » est légion sur tout le continent[5]Yoon Jung Park, « Les Chinois résidant temporairement en Afrique », Hommes & migrations, n° 1279, 2009, p. 126-138.. S’enrichir, puis repartir, en Chine ou ailleurs, tel est le schéma le plus fréquemment suivi par les Chinois en Afrique.

Un contexte migratoire qui ne favorise pas les interactions et l’intégration

Cette approche temporaire, qui vient s’ajouter au fossé culturel et linguistique, ne joue pas en faveur d’une intégration des Chinois dans le tissu social africain. Leurs interactions avec les populations africaines ont lieu presque exclusivement dans un cadre professionnel, soit en tant que fournisseurs de biens et services, soit en tant qu’employeurs[6]Dans son rapport de 2017, le cabinet McKinsey&Company estime que 89% des employés des entreprises chinoises en Afrique sont Africains.. Et dans un cas comme dans l’autre, elles ne sont pas des plus chaleureuses : accusés d’une part de faire de la concurrence déloyale aux petits commerçants locaux[7]Sylvie Bredeloup et Brigitte Bertoncello, « La migration chinoise en Afrique : accélérateur du développement ou « sanglot de l’homme noir » ? », Afrique contemporaine, n° 218, … Continue reading, d’autre part d’imposer des conditions de travail difficiles et discriminantes, les migrants chinois incarnent rarement l’ami de longue date tant invoqué par les chefs d’État.

Force est de constater que l’amitié sino-africaine, bien qu’elle existe entre les États depuis des décennies, n’est que balbutiante entre leurs populations. Incompréhensions mutuelles, sentiment de rivalités et logiques migratoires court-termistes ne font qu’accentuer le fossé qui les sépare. Libre alors à ces mêmes chefs d’État de redoubler d’efforts, sur les plans réglementaires et culturels notamment, pour garantir, au nom de leur amitié, un réel respect mutuel et un dialogue d’ouverture entre leurs populations.

Aujourd’hui, ce schéma n’est plus d’actualité. La situation sanitaire mondiale engendre des perturbations concernant le modèle classiquement observé des migrations chinoises en Afrique. La Chine étant le premier partenaire commercial de l’Afrique, la mise en quarantaine des Chinois dans leur pays a impacté les relations économiques des deux entités. En Afrique, le sentiment général de peur, parfois couplé avec un racisme antichinois qui s’exprime aujourd’hui explicitement, ont disrupté les flux migratoires instaurant un nouvel obstacle aux migrations chinoises en Afrique. Cependant, les discours d’amitié et d’entraide sino-africains sont toujours prépondérants. La Chine envoie aujourd’hui du matériel médical en Afrique, dans les pays majoritairement non-préparés à la crise et auprès de ses amis de longue date comme l’Éthiopie[8]Béchir Ben Yahmed, « Un partenariat Chine-Afrique-Oms pour venir à bout du Coronavirus », Jeune Afrique, édito du 18 février 2020, mis à jour le 23 mars 2020..

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References

References
1 Discours de Hu Jintao, Président de la République Populaire de Chine, à la cérémonie d’ouverture du sommet de Beijing du forum sur la coopération sino-africaine, 4 novembre 2006.
2 Sylvie Bredeloup et Brigitte Bertoncello, « La migration chinoise en Afrique : accélérateur du développement ou « sanglot de l’homme noir » » ?, Afrique contemporaine, n° 218, 2006, p. 199-224.
3 La grande mobilité des migrants chinois sur le territoire africain rend difficile leur recensement, les chiffres varient ; Brigitte Bertoncello et Sylvie Bredeloup, « Chine-Afrique ou la valse des entrepreneurs-migrants », Revue européenne des migrations internationales, n° 1- vol. 25, 2009, p. 45-70.
4 Dans les années 1990, il y eut une grande vague migratoire due à la restructuration des entreprises publiques chinoises et au licenciement de millions de travailleurs chinois.
5 Yoon Jung Park, « Les Chinois résidant temporairement en Afrique », Hommes & migrations, n° 1279, 2009, p. 126-138.
6 Dans son rapport de 2017, le cabinet McKinsey&Company estime que 89% des employés des entreprises chinoises en Afrique sont Africains.
7 Sylvie Bredeloup et Brigitte Bertoncello, « La migration chinoise en Afrique : accélérateur du développement ou « sanglot de l’homme noir » ? », Afrique contemporaine, n° 218, 2006, p. 199-224.
8 Béchir Ben Yahmed, « Un partenariat Chine-Afrique-Oms pour venir à bout du Coronavirus », Jeune Afrique, édito du 18 février 2020, mis à jour le 23 mars 2020.

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